Irlande : quelles possibilités de coalition au vu des résultats des élections ?

Irlande : quelles possibilités de coalition au vu des résultats des élections ?

Les résultats définitifs des élections générales irlandaises, annoncés tard dans la nuit du lundi 2 décembre, placent le Fianna Fáil (affilié à Renew Europe au Parlement européen) largement vainqueur, ouvrant la voie à une éventuelle coalition majoritaire avec le Fine Gael (Parti populaire européen de centre droit) et un troisième partenaire.

Le Fianna Fáil gouverne en coalition avec le Fine Gael depuis 2020. Les deux partis de centre droit pourraient, en théorie, former une nouvelle majorité avec la coopération de seulement deux autres députés du Dáil — la chambre basse du Parlement. Le centre-droit dispose de plusieurs options parmi les petits partis et les indépendants.

Les bons résultats obtenus par le Fianna Fáil lors des élections du vendredi 29 novembre pourraient pousser le parti à adopter une position plus ferme dans ses négociations avec le Fine Gael, contrastant avec l’approche de 2020, lorsque l’écart entre leurs sièges était bien plus réduit. Cependant, le Fianna Fáil serait confronté à des difficultés sans le soutien de son ancien rival devenu partenaire.

L’accord de 2020 prévoyait une alternance des deux partis au poste de Premier ministre (ou Taoiseach en irlandais). Le poste a été occupé par le leader du Fianna Fáil, Micheál Martin, puis celui du Fine Gael, Leo Varadkar, auquel a succédé cette année un collègue du même parti, Simon Harris, l’actuel Taoiseach, Leo Varadkar ayant décidé de se retirer de la vie politique.

Le Fine Gael fait pression pour obtenir un accord similaire dans le nouveau gouvernement, selon The Irish Times, qui rapporte que le maintien de l’alternance de la fonction de Taoiseach et une répartition à peu près égale des postes ministériels sont des lignes rouges pour le parti.

Le Fianna Fáil dispose désormais de 48 sièges contre 38 pour le Fine Gael. Durant la précédente législature, les deux partis disposaient respectivement de 38 et 35 sièges.

Si le Fianna Fáil peut désormais se prévaloir d’un mandat beaucoup plus fort que celui du Fine Gael — ce qui lui confère sans doute une plus grande autorité pour dicter ses conditions —, la mise en place d’une coalition sans le Fine Gael ne serait pas chose aisée, si bien que le Fine Gael dispose encore d’une grande marge de manœuvre.

Toute coalition aurait besoin d’au moins 88 sièges pour former une majorité dans l’assemblée dotée de 174 sièges (un nombre qui a augmenté de 14 sièges depuis l’élection de 2020). Ensemble, le Fianna Fáil et le Fine Gael en ont 86, ce qui les rapproche de la majorité par rapport à 2020, lorsqu’ils en avaient 73 et avaient besoin de 81.

Le Sinn Féin exclu

Le Sinn Féin, parti de gauche nationaliste, a remporté 39 sièges, ce qui lui permet de rester le deuxième parti au Dáil.

En théorie, cela fait du Sinn Féin un partenaire de coalition possible, mais Micheál Martin et Simon Harris ont tous deux exclu cette perspective lors d’un débat télévisé avant les élections, invoquant des divergences politiques. « Il ne s’agit pas d’une question personnelle », a expliqué Simon Harris au cours du débat, décrivant la dirigeante du Sinn Féin, Mary Lou McDonald, comme étant « très passionnée ».

Par le passé, le Sinn Féin a été le moteur politique de l’indépendance irlandaise vis-à-vis de Londres au début du XXe siècle, et détenait la grande majorité des sièges dans le premier Dáilen 1919, au début de la guerre d’indépendance irlandaise.

Le Fine Gael a été créé par des factions qui se sont séparées du Sinn Féin au début de la guerre civile irlandaise de 1922-1923, et un autre clivage du Sinn Féin a donné naissance au Fianna Fáilen 1926. Le Sinn Féin est resté dans l’ombre pendant des décennies, mais il est récemment réapparu dans le courant dominant à la suite du succès du processus de paix en Irlande du Nord dans les années 1990.

Micheál Martin (droite) du Fianna Fáil et Simon Harris (gauche) du Fine Gael ont tous deux exclu une coalition avec le Sinn Féin, dirigé par Mary Lou McDonald (centre). (Illustration par Esther Snippe pour Euractiv. ©Getty Images)
Micheál Martin (droite) du Fianna Fáil et Simon Harris (gauche) du Fine Gael ont tous deux exclu une coalition avec le Sinn Féin, dirigé par Mary Lou McDonald (centre). (Illustration par Esther Snippe pour Euractiv. ©Getty Images)

Bien qu’ils aient été les deux principales forces opposées de la politique irlandaise pendant la majeure partie du siècle dernier, les différences idéologiques entre le Fianna Fáil et le Fine Gael sont subtiles, tandis que le Sinn Féin d’aujourd’hui se situe très à gauche de ces deux partis.

Le Fianna Fáil, membre du groupe libéral Renew au Parlement européen, est considéré comme le plus conservateur des deux partenaires sur le plan social, tandis que le Fine Gael, membre du Parti populaire européen, est le plus conservateur sur le plan fiscal. Le Sinn Féin siège quant à lui avec le groupe de La Gauche (GUE/NGL) au Parlement européen.

Une autre coalition alternative peu probable serait un accord plus souple entre les deux partis dans lequel un parti entrerait dans l’opposition formelle tout en permettant à un gouvernement minoritaire de fonctionner. Le Fianna Fáil a soutenu un gouvernement minoritaire Fine Gael de cette manière entre 2016 et 2020, en s’abstenant lors des votes de confiance.

Le centre droit courtise le centre gauche

Le résultat le plus probable reste une coalition entre le Fianna Fáil, le Fine Gael et un troisième partenaire. Lors du dépouillement des votes ce week-end, les responsables du parti ont indiqué qu’ils discuteraient avec les deux partis de centre gauche, le Parti travailliste (Socialistes et Démocrates européens, S&D) et les Sociaux-démocrates, qui ont remporté 11 sièges chacun.

À l’instar du Fianna Fáil et du Fine Gael, peu de choses séparent idéologiquement les travaillistes et les sociaux-démocrates.

L’un ou l’autre des partis de centre gauche cherchera naturellement à obtenir autant de concessions que possible avant d’accepter une coalition. Mais avec seulement deux sièges supplémentaires nécessaires pour obtenir la majorité et une grande variété d’indépendants au Dáil, le Fianna Fáil et le Fine Gael ont d’autres options s’ils ne souhaitent pas accepter les conditions des partis de centre-gauche.

Seize députés se sont présentés en tant que membres indépendants et ne représentent aucun parti politique. Un dix-septième député de facto indépendant — Charles Ward, qui représente la circonscription du Donegal — appartient au parti 100 % Redress, qui fait campagne pour les propriétaires touchés par l’utilisation de blocs de béton de mauvaise qualité.

Le parti d’extrême gauche Solidarité – Le Peuple avant le profit a remporté trois sièges. Le parti des Verts — qui était le troisième partenaire de la coalition précédente — a perdu 11 de ses 12 sièges et disparaît ainsi presque entièrement du paysage politique irlandais. Seul Roderic O’Gorman, leader du parti, garde son siège dans la circonscription de Dublin Ouest.

Six députés sont également issus de petits partis conservateurs : quatre du parti Irlande indépendante — un nouveau parti politique créé par des députés indépendants à la fin de l’année dernière — et deux du parti Aontú.

Le parti Irlande indépendante compte un député européen, Ciaran Mullooly, qui siège au Parlement européen au sein du groupe libéral Renew, aux côtés du Fianna Fáil.

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