Interview exclusive de Bruno Le Maire : "Nos compatriotes de l’étranger sont des atouts indéniables pour la France."

On peut contester sa politique, pas sa compétence. Parmi les ministres de l’actuel gouvernement, il émerge, naturellement, à tel point qu’on prête son nom à tous les postes possibles, y compris celui de Premier ministre. Lui confirme qu’il ne veut que Bercy. Il avait déjà fait savoir qu’il ne voulait ni d’un poste de Commissaire européen, ni de la direction du FMI. Il l’a prouvé : il a favorisé la nomination de Thierry Breton à la Commission et pour celle de Kristalina Georgieva au FMI. (Lire l’article sur la politique du Ministre de l’économie)

Bruno le Maire, dans l’interview exclusive qu’il nous accorde, ce lundi 29 juin, détaille son analyse et ses projets pour surmonter la crise mondiale.

 

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Lesfrancais.press : L’année 2020 va être la plus mauvaise du point de vue économique. Le chômage avait commencé à baisser en France. En combien de temps espérez-vous que l’on puisse revenir autaux de chômage d’avant la crise ? Quelles sont les mesures indispensables à la reprise de l’emploi ?

Bruno Le Maire :

Je ne m’hasarderai pas à faire une prédiction, d’autant plus que l’épidémie n’est pas terminée. Le choc a été brutal et a amené une réponse massive et immédiate.

« Nous entrons maintenant dans un nouveau temps : celui de la relance. »

Notre première réponse a été de protéger l’emploi en mettant en place le dispositif de chômage partiel le plus généreux d’Europe, en permettant aux entreprises de bénéficier de trésorerie pour passer la crise grâce au fond de solidarité, au report et à l’annulation des charges ainsi que la mise en place de prêts garantis par l’Etat.

Nous entrons maintenant dans un nouveau temps : celui de la relance. Différents plan de soutien sectoriel ont été mis en place afin de soutenir la demande dans les secteurs les plus touchés. L’emploi est toujours au cœur de nos préoccupations. Nous sommes en train de travailler sur des mesures d’emploi pour les  jeunes qui vont entrer sur le marché du travail à la rentrée, notamment concernant l’apprentissage et les contrats professionnels. Un plan de relance structurel sera présenté à la fin de l’été pour compléter ces mesures avec deux objectifs : la compétitivité et l’accélération de la transition écologique.

 

Lesfrancais.press : La convention citoyenne sur le climat s’achève. Avec des propositions de nouveaux impôts. Vous vous êtes déclaré, avec le Président Macron, contre toute hausse des impôts. Vous confirmez ?

Bruno Le Maire : 

Bien sûr ! Nous ne relancerons pas l’économie en créant plus d’impôts. Augmenter les impôts réduirait la demande et contraindrait l’investissement. Nous cherchons exactement l’inverse : faire repartir la demande et encourager l’investissement. Le travail de la convention citoyenne pour le climat ne se réduit pas à créer de nouveaux impôts, elle propose une série de propositions dignes d’intérêt qui peuvent nous permettre de tenir nos engagements environnementaux. Nous allons, avec le reste du gouvernement, analyser leurs propositions et prendre les mesures appropriées.

« Ma responsabilité est de m’assurer que l’argent des Français est bien utilisé »

 

Lesfrancais.press : L’Allemagne a finalement accepté les propositions françaises pour un plan de relance européen, avec notamment une mutualisation des prêts. Est-ce une victoire de la France ?

Bruno Le Maire : 

C’est une victoire européenne et une preuve de la solidité du couple franco-allemand. Quand nous sommes en désaccord l’Europe reste à quai. Quand nous nous mettons d’accord un élan est donné.

La décision qui a été prise par le président de la République Emmanuel Macron et par la chancelière Angela Merkel, est une décision historique. Pour la première fois, la France et l’Allemagne s’accordent sur la nécessité de lever de la dette en commun pour nous sortir d’une crise économique qui n’a pas de précédent dans notre histoire récente.

 

Lesfrancais.press : La dépense publique a explosé, en France, en Europe et dans le monde. Jusqu’au peut-on s’endetter?

Bruno Le Maire : 

Nous avons fait le choix d’apporter une réponse massive et immédiate à la crise, avec des dispositifs importants comme le chômage partiel, le prêt garanti par l’Etat ou le fonds de solidarité. Tous ces dispositifs soutiennent les entreprises et les salariés qui font face à un choc sans précédent. Ils sont coûteux mais nécessaires.

En tant que ministre de l’Economie et des Finances, ma responsabilité est de m’assurer que l’argent des Français est bien utilisé, et il l’est. Il a sauvé des emplois et a protégé des entreprises de la faillite.

Ma responsabilité est aussi de tenir nos finances publiques. Notre objectif reste d’atteindre l’équilibre de nos finances publiques à moyen terme. Nous devrons rembourser la dette et nous la rembourserons par plus de croissance.

 

Lesfrancais.press : Les Français de l’étranger sont souvent de jeunes entrepreneurs. Il y a beaucoup de créateurs parmi eux. Ils sont aussi des représentants des marques françaises. «  Entreprendre à l’étranger », c’est un atout pour la France, ou une perte ?

Bruno Le Maire : 

Un atout important !  La France est un grand pays d’entrepreneurs sur son territoire et au-delà de ses frontières parce que les Français sont des créateurs. La politique que nous menons depuis 3 ans, vise à encourager l’entreprenariat et l’innovation. Nous la poursuivrons. Réjouissons-nous que nos talents s’exportent et créent ailleurs des entreprises qui gagnent des parts de marchés. Nos compatriotes de l’étranger sont des atouts indéniables pour la France.

 

Lesfrancais.press : La politique commerciale devient de plus en plus une arme de pression.Crise sanitaire ou crise écologique, craignez vous pas un retour du protectionnisme ?

Bruno Le Maire : 

Le repli sur soi ne fera que des perdants. Notre responsabilité avec l’ensemble de nos partenaires européen est de lutter contre cette tentation d’un retour à l’unilatéralisme.  L’Europe doit montrer la voie d’un nouveau modèle multilatéral, aujourd’hui à bout de souffle. Mais le modèle européen ne doit pas être un modèle naïf : nous ne cèderons pas aux menaces commerciales de la Chine ou des Etats-Unis. Notre modèle doit être un modèle basé sur la notion de réciprocité avec nos partenaires commerciaux.

« Pour concurrencer les Etats Unis, la Chine, les puissances émergentes, nous devons aller vers toujours plus de collaboration avec nos partenaires européens. »

 

Lesfrancais.press : Les Etats-Unis ont annoncé une suspension des négociations concernant la taxe Gafa. La France va-t-elle percevoir cette taxe, que vous aviez fait voter à l’assemblée nationale ? Est-elle soutenue par d’autres pays européens et par l’UE? Craignez-vous les rétorsions américaines et de quelles armes dispose la France pour yfaire face?

Bruno Le Maire : 

La décision des Etats-Unis de se soustraire aux négociations est une provocation. Mais cette décision ne nous fera dévier de nos objectifs. Si nous ne parvenons pas à un accord international, nous appliquerons notre taxe nationale sur les géants du numériques en 2020, comme nous l’avons fait en 2019. C’est une question de justice. Comment pourrait-on imaginer que les grandes entreprises du numérique, qui sont les seules entreprises à avoir profité de la crise sanitaire, continuent de payer moins d’impôts que nos entreprises et commerces physiques ? Et nous ne sommes pas les seuls à partager cette vision : nos partenaires espagnols, britanniques, italiens, souhaitent également aboutir sur cette question.

 

Lesfrancais.press : L’Australie a été victime d’une cyberattaque qu’elle attribue à un pays étranger. Les cyberattaques se développent. Les entreprises françaises sont parfois soumises à des attaques et à des chantages. Parmi les Gafas, peu d’entreprises européennes. Comment riposter ? Est-il encore possible de construire des champions européens ?

Bruno Le Maire : 

Je pense que la riposte que vous mentionnez ne peut se construire qu’à l’échelle européenne. Pour concurrencer les Etats Unis, la Chine, les puissances émergentes, nous devons aller vers toujours plus de collaboration avec nos partenaires européens. En matière d’entreprenariat et d’industrie, cela signifie multiplier les projets communs dans les industries innovantes. C’est le sens, par exemple, du développement d’une filière européenne de batteries électriques, porté par Emmanuel Macron et Angela Merkel. J’ai la ferme conviction qu’une action volontariste des Etats en la matière doit permettre de faire émerger les entreprises innovantes et les champions des industries de demain.

 

Lesfrancais.press : Le commerce extérieur est en déficit chronique. Il s’agit de compétitivité, mais aussi de renom Comment valoriser la marque « France » à l’étranger ?

Bruno Le Maire : 

Nous travaillons depuis 2017 à résorber ce déficit commercial. Cela passe en effet d’abord par la restauration de la compétitivité de nos entreprises. Je crois que pour assurer le rayonnement de notre marque nationale à l’étranger et l’exportation de nos produits comme de nos services, c’est avant tout l’excellence de notre savoir-faire, notre capacité d’innovation qui doit nous permettre de nous distinguer. La France dispose de nombreux atouts, des start-up innovantes, des produits et des industries d’exception, qu’il nous faut promouvoir à l’étranger.

 

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