Si l’intelligence Artificielle devait avoir une capitale, ce serait sans doute Ashburn, au nord de la Virginie, en périphérie de Washington. Les passagers attentifs installés côté hublot, à l’approche de l’aéroport de Washington Dulles, peuvent apercevoir une série de bâtiments aux toits blancs, alignés à proximité de lotissements. Ce sont les toits des centres de données, éléments du plus important cluster mondial, lequel a absorbé l’an dernier plus du quart de l’électricité produite par la principale compagnie d’énergie de Virginie. Malgré les incertitudes générées par la politique de Donald Trump, les investissements consacrés aux infrastructures de l’Intelligence Artificielle (IA) ne ralentissent pas.
L’IA : 40 % de la croissance du PIB
Un sixième de la progression de 2 % du PIB américain au cours des douze derniers mois provient des dépenses en matériel informatique et en équipements de communication, incluant semi-conducteurs et centres de données. En ajoutant les investissements dans les réseaux électriques pour alimenter les modèles d’IA, ainsi que la valeur de la propriété intellectuelle du logiciel, une estimation attribue à cette dernière jusqu’à 40 % de la croissance du PIB.
Ce chiffre est impressionnant au vu du poids économique réel de ce secteur qui ne représente, en effet que quelques pour cent du PIB américain.
Une frénésie pas comme les autres
L’ombre du précédent internet
Au regard du précédent de la bulle internet de la fin des années 1990, la frénésie d’investissement dans l’IA pourrait perdurer quelque temps. Le déploiement coûteux des technologies nécessaires au web avait duré plusieurs années, avec un effet bien plus marqué sur le PIB américain que celui observé jusqu’ici avec l’IA. La différence entre ces deux périodes est que les espoirs de gains avec l’IA sont plus importants que ceux qui étaient évalués avec Internet. Certes, depuis quelques mois, les espoirs de révolution économique via l’IA s’estompent. La déception générée par le modèle GPT5 d’OpenAI a tempéré les ardeurs.
Un moteur qui pèse sur le reste de l’économie
Le paradoxe est que le secteur qui alimente une grande partie de la croissance américaine étouffe simultanément d’autres pans de l’économie. Les promoteurs immobiliers, par exemple, ne peuvent ignorer la flambée des coûts de financement. Nombre d’entreprises ordinaires non plus. Les centres de données entretiennent une pression haussière sur les prix de l’énergie. En 2025, la facture moyenne d’électricité des ménages américains a déjà progressé de 7 %, en partie à cause de la demande supplémentaire exercée par ces infrastructures.
Au-delà de l’IA, le tableau économique apparaît beaucoup plus terne. La consommation réelle stagne depuis décembre. La création d’emplois reste faible. La construction de logements est en chute libre, tout comme l’investissement des entreprises dans des secteurs non liés à l’IA.
Une réallocation à l’échelle de l’économie
Auteur/Autrice
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Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.
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