Du 19 mars au 6 mai 2025, la photographe Karine Sicard Bouvatier expose à l’Institut français de Munich. Le projet « Déporté, j’avais ton âge : une histoire européenne » présente les portraits de témoins de l’Holocauste – des femmes et des hommes de toute l’Europe, déportés pendant la Seconde Guerre mondiale.
Aux côtés de ces témoins, de jeunes Européennes et Européens sont photographiés. Ils ont le même âge qu’elles et eux avaient au moment de leur déportation.
2025, année des 80 ans de la libération des camps
Nous célébrons cette année les 80 ans de la libération des camps. Le monde découvrait alors l’horreur concentrationnaire. Des corps décharnés et des morts par millions. La machine de mort nazie était dévoilée et les survivants commençaient leur lent retour à la vie.
Aujourd’hui leur parole témoigne de ce qu’ils ont vécu. Elle se fait rare. Il reste encore 245 000 survivants de l’holocauste dans environ 90 pays. Mais la mémoire vivante se perd avec leur disparition. L’antisémitisme connaît un regain de puissance en Europe et les partis extrémistes et populistes aux discours discriminants ont le vent en poupe. Le « plus jamais ça » doit être martelé et le message passé par tous les canaux de transmission.
Dans ce contexte, « Déporté, j’avais ton âge… » est une exposition au titre du devoir de mémoire par une photographe engagée. Une exposition puissante et nécessaire.
Karine Sicard Bouvalier, des livres et une exposition itinérante
Après la publication de ses livres Déportés, leur ultime transmission et Déporté, j’avais ton âge (parus en français aux Éditions de la Martinière), Karine Bouvatier a donné à son travail une dimension européenne avec cette nouvelle exposition itinérante en France et en Europe.
« Les rescapés ont en commun la souffrance de la déportation, la douleur de la mort d'un frère ou d'une sœur, d'un parent. »
Karine Sicard Bouvalier
L’exposition a d’ailleurs été présentée avec succès à l’Assemblée nationale en janvier. Parlant de celle-ci, Karine Sicard Bouvalier nous le dit : « 5, 16 ou 17 ans, 18 quelque fois 19 ans… Un âge que l’on n’oublie jamais lorsque l’on revient des camps de la mort. Trois ans après mon premier projet « Déportés, leur ultime transmission », j’ai ressenti un sentiment d’inachevé et une nécessité de prolonger mon travail en Europe. Les rescapés ont en commun la souffrance de la déportation, la douleur de la mort d’un frère ou d’une sœur, d’un parent ».
C’est grâce à la découverte du film de Claude Lanzmann « Shoah » qu’elle est sensibilisée aux thèmes de l’enfer concentrationnaire et de la déportation. Elle a alors 15 ans. Ses études de communication réussies, elle s’oriente vers la photographie après une expatriation à New-York.
Le travail de Karine Bouvalier se caractérise par un engagement au service de la mémoire mais aussi de thèmes plus sociaux. Elle a notamment représenté des prisonniers et des médecins et infirmiers de l’Hôtel-dieu. C’est par des expositions dans des mairies d’arrondissements parisiennes qu’elle a acquis une première notoriété artistique. En 2022 elle présente « les voix de la paix » un projet photo entre Israel et les Territoires Palestiniens où elle construit des passerelles symboliques entre les deux peuples.
Elle est soutenue pour son exposition actuelle par le mémorial de la Shoah et le réseau des instituts français de l’étranger.
Une ode à la transmission et à la tendresse
Dans l’exposition présentée à l’institut français de Munich, aucun dolorisme mais une ode à la transmission et à la tendresse qui demeure malgré le poids de l’horreur. Le lien entre les aînés déportés et les jeunes qui les accompagnent est visuel. Les regards se croisent rarement mais sont tournés ensemble vers l’objectif de la photographe ou vers des lignes de fuite extérieures.
Entre gravité, émotion, détermination et dignité la vie palpite sur ces photos. Dans le regard de certains adolescents le doute est toutefois présent. Comme si le « plus jamais ça » manquait désormais d’évidence dans une époque où le fracas des armes et la montée des tensions communautaristes font parfois craindre le pire. Les ainés sont des tuteurs, des repères, le vivant rappel que la parole des survivants continuera encore à porter mais qu’elle devra être reprise et relayée par les plus jeunes.
On retiendra notamment la photo de la déportée Julia Wallash aux côtés d’une adolescente au regard altier. L’élégance de ces deux femmes et leur caractère bien trempé qui transparaît sur la photo est un pied de nez aux extrémistes d’hier et d’aujourd’hui.
La transmission opère. Le combat contre l’antisémitisme continue. Les photos de Karine Sicard Bouvalier font œuvre utile.
Tout savoir sur l’exposition en cliquant ici
L’exposition est visible pendant les horaires d’ouverture de l’Institut français :
Lundi au vendredi : 9h – 12h et 14h30 – 18h30
Samedi : Seulement les samedis d’ouverture de la médiathèque de 9h30 à 13h (22/03, 26/04)
Auteur/Autrice
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Boris Faure est l'ex 1er Secrétaire de la fédération des expatriés du Parti socialiste, mais c'est surtout un expert de la culture française à l'étranger. Il travaille depuis 20 ans dans le réseau des Instituts Français, et a été secrétaire général de celui de l'île Maurice, avant de travailler auprès des Instituts de Pologne et d'Ukraine. Il a été la plume d'une ministre de la Francophonie. Aujourd'hui, il collabore avec Sud Radio et Lesfrancais.press, tout en étant auteur et représentant syndical dans le réseau des Lycées français à l'étranger.
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