Inondation, un combat partagé en Méditerranée

Inondation, un combat partagé en Méditerranée

Ils partagent le même risque et bénéficient du même fonds de soutien. Au sein du projet Proterina-3Évolution, quatorze partenaires italiens et français travaillent main dans la main pour lutter contre les risques d’inondation.

Les inondations y sont fréquentes. Pourtant, jeudi 11 juin, les habitants des quartiers est de la ville d’Ajaccio n’ont pas manqué de prendre en vidéo ces torrents d’eau boueuse qui emportaient poubelles et voitures.

« Près de 160 millimètres d’eau sont tombés ce jour-là », précise Nicole Ottavy, adjointe à la mairie d’Ajaccio et déléguée à l’Urbanisme, lors d’un entretien pour Euractiv France. « Nous avons alors pour la première fois utilisé les équipements anti-inondation. » Cinq sirènes, deux groupes électrogènes, un drone professionnel pour la surveillance des eaux, une quarantaine de barrières pour couper les routes, et surtout un poste de commandement communal, équipé d’un tableau numérique « pour contacter directement la préfecture en cas de problèmes ».

La liste peut faire sourire, on est pas loin du film d’espionnage. Ce matériel est pourtant fondamental à Ajaccio rappelle Mme Ottavy : « La commune fait face à différents risques d’inondation. Les crues de deux rivières, la San remedio arbitrone et la Gravona-Prunelli, sont à surveiller », détaille l’élue. « Mais le vrai risque, c’est le ruissellement, qui coule des hauteurs d’Ajaccio pour inonder les zones en contrebas. » Les quartiers de Cannes et des Salines, inondés en juin dernier, sont particulièrement vulnérables.

En Corse, ces équipements sont clés. Cette zone de Méditerranée affronte chaque année des épisodes dits « cévenols », des pluies intenses et soudaines, typiques du sud-est de la France, et qui causent chaque année de lourds dégâts. Mme Ottavy, qui vit à Ajaccio depuis une cinquantaine d’années, note une fréquence et une intensité des inondations accrue ces dernières décennies : « C’est difficile de l’analyser à l’échelle humaine, mais c’est vrai que ces événements sont moins rares qu’auparavant. D’autant plus que de nouveaux quartiers ont été construits en dessous du niveau de la mer dans les années 1960. »

Un aléa partagé en Méditerranée

Le dérèglement climatique amplifie les phénomènes météorologiques violents, et l’urbanisation forcenée fait le reste. Bétonisation, densité du bâti, imperméabilisation des sols : les terres ne sont plus à même d’absorber ces fortes pluies, et la probabilité pour qu’une inondation menace des zones d’habitation s’accroît à chaque nouvelle vente de terrains.

La côte méditerranéenne, où les projets immobiliers font florès et qui attire chaque année des flots de touristes, est particulièrement vulnérable. C’est pourquoi, depuis 2017, les risques hydriques font l’objet d’une lutte conjointe de la part de la France et de l’Italie. Réunis au sein du projet Proterina-3Évolution, 14 partenaires basés en Provence-Alpes-Côte d’Azur, en Corse, en Sardaigne, en Ligurie et en Toscane bénéficient de financements à hauteur de 6 millions d’euros, dont cinq millions proviennent du fonds européen au développement régional (Feder).

Ces trois dernières années, des outils pour prévenir les inondations, surveiller les risques hydriques et sensibiliser les populations ont été mis en place sur différents territoires. Les équipements dont bénéficie Ajaccio en font partie. « La Corse, tout comme la Sardaigne d’ailleurs, est une montagne dans la mer. Ici, les phénomènes météorologiques sont très difficiles à prévoir. Le budget pour la Corse se devait d’être conséquent », martèle l’élue.

Avec près d’un million d’euros pour la seule région corse, l’agglomération a misé sur des équipements d’alerte et de protection de la population. « On arrêtera pas les orages, donc autant bien informer les habitants sur les gestes à adopter », confie Mme Ottavy.

À Nice, les autorités ont opté pour une autre stratégie : surveiller en temps réel la hauteur du fleuve Magnan, à l’ouest de la métropole. Après les caméras à reconnaissance faciale, la mairie a fait installer des caméras intelligentes qui analysent le niveau et débit des eaux du fleuve niçois à l’aide de capteurs. Le but de ces appareils est de prévenir d’éventuelle crue dans une zone où le bâti est dense. Un usage assurément moins controversé que celui des caméras de ville.

En France, 23 000 communes concernées

Le projet transfrontalier doit prendre fin cette année. Face à l’ampleur du risque hydrique en Méditerranée, Nicole Ottavy espère « qu’un projet du même type que Proterina sera à nouveau mis en place ».

En France, pas moins de 23 000 communes sont déclarées à risque inondation par les préfets, soit environ 64% du territoire. Selon le dernier rapport du ministère de la Transition écologique sur les risques naturelles, 180 événements naturels dommageables ont affecté la France entre 1900 et 2017. Deux tiers d’entre eux correspondaient à des inondations.

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