La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a souligné la nécessité d’adapter les règles de l’UE en matière d’aides d’État et a plaidé en faveur d’un financement européen pour une politique industrielle européenne. Elle a également insisté sur le maintien de relations cordiales avec les États-Unis en amont des consultations semestrielles. L’ensemble devrait se retrouver au sein de l’Inflation Reduction Act.
Un forum UE/USA
Depuis son lancement en juin 2021, le Conseil du commerce et des technologies (CCT), qui se tient deux fois par an, constitue un forum d’échanges sur les questions commerciales entre l’UE et les États-Unis.
Les relations entre les partenaires, qui se rencontreront dans le cadre du CCT lundi (5 décembre) sont au plus bas suite à l’indignation de l’UE face à la loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act – IRA). Cette loi prévoit un ensemble de mesures pour soutenir une politique industrielle américaine « propre » d’un montant de 369 milliards de dollars.
« La loi sur la réduction de l’inflation suscite également des inquiétudes ici en Europe, dans un contexte très particulier pour notre industrie et notre économie », a déclaré Mme von der Leyen aux étudiants du Collège d’Europe dimanche (4 décembre).
Elle a souligné trois aspects de l’IRA : la logique d’« acheter américain » qui sous-tend certaines parties du système de subventions, les allègements fiscaux pour les entreprises produisant en Amérique, et « les subventions à la production qui pourraient conduire à une course aux subventions. »
Une telle « course » aurait des effets réels sur le choix du lieu de production des entreprises. « Nous avons tous entendu parler de producteurs qui envisagent de délocaliser leurs futurs investissements de l’Europe vers les États-Unis », a-t-elle ajouté.
Le défi semble si considérable que la Commission pourrait à nouveau renoncer à limiter les aides d’État. « Nous devons adapter nos propres règles pour faciliter la transition des investissements publics », a-t-elle souligné.
L’assouplissement des règles relatives aux aides d’État est depuis longtemps une priorité pour les intérêts commerciaux et les pays aux ressources financières importantes. Il y a peu de temps, Bruxelles a quadruplé, à la demande de Berlin, le plafond des aides d’État non conditionnelles via l’« encadrement temporaire de crise » — lequel est passé de 500 000 à 2 millions d’euros.
Par coïncidence, cela correspondait à une demande de BusinessEurope en octobre. En ce qui concerne les technologies propres, l’association européenne des entreprises a demandé pour la dernière fois un assouplissement des règles relatives aux aides d’État pour les « technologies propres » à la fin de 2021.
« Les aides d’État sont un outil qui a fait ses preuves ici en Europe », a affirmé Mme von der Leyen.
Toutefois, bien qu’elle reconnaisse la nécessité d’augmenter les aides d’État, elle a également mis en garde contre les distorsions que des aides d’État encore plus nombreuses accordées par les États membres individuels entraîneraient au niveau des conditions de concurrence au sein du marché unique de l’UE.
De nouveaux fonds européens ?
« L’objectif de notre politique industrielle européenne est de faire de l’industrie européenne le leader dans la transition écologique », a ajouté la présidente de la Commission. Cela impliquerait de renforcer la recherche et le développement, mais aussi « des financements nouveaux et supplémentaires au niveau de l’UE. »
Lors d’un entretien avec le Journal du Dimanche, publié le 3 décembre, le commissaire européen au Marché unique, Thierry Breton, a souligné que l’UE « doit aussi avancer dans la conception d’un plan de soutien massif à l’industrie ».
M. Breton plaide depuis longtemps en faveur d’un nouveau cycle de dette commune de l’UE. « Puisque tous les États européens n’ont pas des capacités d’endettement identiques, nous devons faire en sorte qu’ils puissent s’endetter aux mêmes conditions. », a-t-il ajouté. Le montant qu’il suggère est de 350 milliards d’euros, soit 2 % du PIB de l’UE, de manière à s’aligner sur l’IRA.
« Nous n’avons pas le choix. Les États-Unis ont voté l’IRA. La Chine aide massivement ses entreprises et s’efforce d’attirer les nôtres. C’est à nous seuls, et à personne d’autre, d’imaginer notre réponse. Le destin de l’Europe est entre nos mains », a souligné M. Breton.
Lors de son intervention, Mme von der Leyen a défendu l’idée d’un « Fonds de souveraineté », sans toutefois entrer dans les détails, et en omettant de préciser les montants alloués.
« La nouvelle politique industrielle assumée de nos concurrents nécessite une réponse structurelle de la part de l’Union européenne », a-t-elle soutenu, affirmant que l’UE avait besoin d’une « politique industrielle européenne commune, et cette politique industrielle européenne commune nécessite un financement européen commun. »
Mme Von der Leyen a également évoqué des mesures à court terme via REPowerEU, le plan de l’Union européenne destiné à se débarrasser des combustibles fossiles russes, qui pourrait être renforcé. « Nous travaillons actuellement à la consolidation de REPowerEU ».
Une approche cordiale
Dans son discours, Mme Von der Leyen a choisi de ne pas mentionner l’OMC, organisme mondial du commerce. Cela représente une rupture avec le langage employé par Berlin et Paris. Dans son entretien, M. Breton a insisté sur le fait que l’IRA violait les règles de l’OMC. Fin novembre, M. Habeck a dénoncé les règles de « contenu local » comme étant en violation des règles de l’OMC.
« La coopération plutôt que la confrontation », a souligné Mme von der Leyen.
L’UE a entamé des discussions avec les États-Unis, tant au niveau des groupes de travail qu’à un niveau plus élevé, le commissaire au commerce Valdis Dombrovkis prenant le relais. M. Breton s’est largement retiré, choisissant de ne pas participer à la réunion du 5 décembre.
L’« UE répondra de manière adéquate et bien calibrée à l’IRA », a souligné la présidente de la Commission, tout en excluant une « guerre commerciale coûteuse ». Il est encore difficile de savoir si une guerre commerciale coûteuse est envisagée.
Elle a plutôt souligné toutes les avancées de la coopération transatlantique au cours de l’année écoulée.
Parmi celles-ci figurent pour l’instant « des livraisons supplémentaires de 15 milliards de m3 de GNL cette année », la fin des différends « de longue date » sur les droits de douane sur l’acier — une politique mise en place par l’administration Trump, le différend entre Airbus et Boeing, et la sécurisation des flux de données.
En matière de climat, Mme von der Leyen a salué l’efficacité de l’action conjointe sur le climat, évoquant l’engagement mondial en faveur de la réduction des émissions de méthane (Global Methane Pledge). Il s’agit d’un accord visant à réduire de 30 % les émissions de méthane, un gaz à très fort effet de serre, d’ici à la fin de la décennie.
La taxe carbone aux frontières de l’UE (MACF), destinée à pénaliser les pays dont l’action en matière de climat est moins ambitieuse que celle de l’Union, se profile déjà à l’horizon (elle devrait débuter dans la seconde moitié des années 2020) — suscitant l’inquiétude des milieux d’affaires.
La proposition finale de Mme von der Leyen aux États-Unis repose sur l’idée de dominer conjointement l’élaboration des normes mondiales.
« Prenez, par exemple, l’infrastructure de recharge pour les véhicules électriques : si l’Europe et les États-Unis se mettent d’accord sur des normes communes, nous façonnerons les normes mondiales et ne les laisserons pas à d’autres », a-t-elle précisé.
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