Dans plusieurs États européens, une forte pression pour limiter les flux migratoires se développe. Or, face à la multiplication des pénuries de main-d’œuvre dans un contexte de dénatalité, le recours aux travailleurs issus de l’immigration apparaît nécessaire.
Le vieillissement est rapide en Europe. Le solde naturel, différence entre le nombre de naissances et celui des décès, devient négatif dans la grande majorité des États membres de l’Union européenne. Dans l’ensemble de l’UE, en 2022, le nombre de décès excédait celui des naissances de 1,2 million. En Allemagne, comme en Italie, le solde naturel est négatif de 300 000. Il est négatif de 200 000 en Espagne. Le solde reste légèrement positif pour la France (100 000).
En extrapolant les dernières statistiques, la population totale reculera, d’ici 2050, de 7,5 % en Allemagne, de 7,0 % en Espagne, de 14,2 % en Italie et de 8,1 % dans l’ensemble de l’Union européenne si le recul du nombre de naissances par rapport aux décès n’est pas compensé par une immigration importante. En France, elle devrait continuer de croître de 3 %.
La population en âge de travailler de l’Union européenne diminuera de 280 à 230 millions de 2022 à 2050
Dans tous les pays européens, la population en âge de travailler (20-64 ans) diminuera d’ici 2050. Au niveau de l’Union européenne, elle passera de 280 à 230 millions de 2022 à 2050. En Allemagne, les 20-64 ans seront 42 millions en 2050, contre 50 en 2022. Les chiffres respectifs sont pour la France 36 et 33 millions, pour l’Espagne 29 et 22 millions, pour l’Italie 36 et 26 millions.
Le recul de la population en âge de travailler de 2022 à 2050 serait de :
- 14 % en Allemagne ;
- 7 % en France ;
- 28 % en Espagne ;
- 26 % en Italie ;
- 18 % dans l’Union européenne
La population en âge de travailler (20 à 64 ans) reculera bien plus vite que celle de la population totale entre 2022 et 2050, l’écart d’évolution entre les deux catégories étant de :
- 7 points en Allemagne ;
- 10 points en France ;
- 21 points en Espagne ;
- 12 points en Italie ;
- 10 points dans l’Union européenne
Moins d’actifs, plus de personnes à la retraite, signifie une baisse de la croissance potentielle. Un tel phénomène est sans précédent en période de paix. La Première Guerre mondiale en réduisant le nombre de jeunes actifs avait désorganisé les circuits de production durant l’entre-deux guerres. Cette situation avait conduit à l’augmentation du travail féminin.
Toute chose étant égale par ailleurs, le processus en cours appelé à s’amplifier devrait provoquer un affaiblissement du revenu par tête. La stagnation des gains de productivité ne permettrait pas de compenser l’attrition de la population en âge de travailler. Le recours à des politiques natalistes a des effets aléatoires et différés dans le temps.
L’abandon de la politique de l’enfant unique en Chine ne s’est pas accompagné d’un véritable essor démographique. En Russie, les politiques favorables à la natalité n’ont pas donné de résultats tangibles. Même en cas de remontée de la natalité, avant que celle-ci ait des effets concrets en termes de production, il faudra attendre 25 ans.
Le recours à l’immigration paraît être une solution efficace
Pour limiter le recul du ratio de la population en âge de travailler à la population totale, le recours à l’immigration paraît être une solution efficace. À l’exception de l’Allemagne et de l’Espagne, depuis une quinzaine d’années, les pays européens ont limité leurs flux migratoires.
Les besoins en main-d’oeuvre sont immédiats pour plusieurs secteurs comme ceux de la santé, du bâtiment ou des loisirs (hébergement-restauration) ou de l’informatique. En France, les déficits peuvent également concerner les métiers de la métallurgie. Avec les départs massifs à la retraite, ces besoins seront croissants.
L’apport de travailleurs immigrés est une nécessité pour maintenir la qualité des services et du niveau de production.
Contrairement à quelques idées reçues, une immigration importante ne pèse pas sur les salaires. Faire appel à des travailleurs étrangers reviendrait à priver les pays formateurs d’une population active de qualité, mais en règle générale, ces pays connaissent une forte augmentation de leur population. L’économie augmentant à un rythme moindre, elle n’est pas capable d’intégrer la totalité des flux de nouveaux actifs. L’émigration génère des échanges et participe au processus de diffusion des connaissances et des cultures. Il y a un enrichissement mutuel entre pays d’émigration et pays d’immigration.
Les travailleurs immigrés sont plus jeunes que la population d’accueil et consomment moins de frais de santé
Les flux financiers des travailleurs immigrés vers leur pays d’origine participent au développement de ces derniers. Ces travailleurs sont accusés de coûter cher en prestations sociales pour les pays d’accueil. Ce mythe tenace n’a jamais été vérifié par des études statistiques. Les travailleurs immigrés sont plus jeunes que la moyenne de la population d’accueil et consomment de ce fait moins de frais de santé. Ils ont tendance par ailleurs à faire moins appel que le reste de la population aux soins. Les éventuels problèmes sont avant tout liés aux deuxième ou troisième générations qui rencontrent des difficultés d’insertion.
Ces difficultés ne sont pas spécifiques aux personnes dont les aïeux sont d’origine étrangère et reflètent les dysfonctionnements de notre système éducatif et de formation.
Le rejet de l’immigration n’est pas un phénomène nouveau. La France dont le déclin de la natalité s’est amorcé au cours du XIXe siècle a fait appel à l’immigration pour assurer son développement économique, immigration qui a donné lieu à des réactions parfois violentes de la part de la population locale. Le 17 août 1893, dans les marais salants d’Aigues-Mortes un pogrom a été organisé avec, à la clef, une centaine de victimes (morts ou blessés) parmi les ouvriers italiens.
Après la Première Guerre mondiale, pour remplacer les jeunes soldats tués durant les combats, le recours à la main-d’œuvre étrangère ou en provenance de l’empire colonial est devenu nécessaire. Des tensions xénophobes se sont multipliées dès les années 1920. Avec la grande crise, des centaines de milliers de salariés ont été obligés de repartir de France.
D’un côté, un refus de plus en plus dur de toute immigration et, de l’autre, des besoins plus importants
Après la Seconde Guerre mondiale, la forte croissance économique a nécessité un nouveau recours à l’immigration, portugaise, espagnole et maghrébine. Des tensions épisodiques ont persisté à l’encontre des travailleurs étrangers. Avec l’augmentation du chômage, au début des années 1980, elles se sont durcies.
Les relations complexes de la France avec sa population immigrée est aussi un problème d’altérité et de confiance en soi. En 2023, un débat de non-dit s’est imposé : avec d’un côté, un refus de plus en plus dur de toute immigration et, de l’autre, des besoins plus importants nécessitant de faire appel aux travailleurs immigrés qualifiés ou non plus des besoins en lien avec ceux de la population qui souhaitent par exemple être soignés et disposer d’aides à la personne ou d’artisans en temps réel.
Laisser un commentaire