Il n’y a pas de guerre mondiale, mais il y a bien une guerre mondialisée. Poutine a raison : l’Occident impose son hégémonie. America is back, en grande partie grâce à lui. Soit, la récession s’annonce aux Etats-Unis. Mais elle se pointe partout dans le monde.
Dans la crise qui vient, celle qui succède à la crise de la Covid, après la crise de l’euro, après celle des subprimes, dans la crise annoncée, qui sera peut-être moins forte qu’annoncée, peut-être plus, parce que les crises engendrent les crises, les Etats-Unis entrent peut-être les premiers -c’est à voir- mais en sortiront les premiers -c’est certain.
Le dollar a gagné 20%, en moyenne, en un an, par rapport aux autres devises. L’euro (-15%) oscille autour de la parité. Le yuan chinois est tombé à son plus bas niveau depuis 2008. La croissance chinoise, l’année prochaine, devrait être en dessous de 3%, une croissance inférieure à celle de ses voisins : du jamais vu depuis Deng. Insuffisant pour maîtriser la société chinoise sans accroître la surveillance policière. Les purges au sein de l’appareil s’accentuent, les faillites aussi.
Et l’Europe ? Elle prévoit -15% de consommation de gaz et multiplie les diversifications d’approvisionnement. L’Allemagne entre en récession. Les pays européens craignent l’hiver. La crise peut venir de l’intérieur de chaque pays, entre chaque pays : crise sociale face aux gouvernements affaiblis, crise monétaire à cause des écarts de taux entre Etats.
La BCE monte les taux pas à pas, comme un condamné à l’échafaud.
Pour éviter la crise sociale, des chèques. La hausse des prix est une ponction directe sur le pouvoir d’achat, non compensée par les augmentations de salaires, qui, si elles étaient accordées, alimenteraient l’inflation. L’Allemagne met 200 milliards sur la table. Le Royaume-Uni 90. La France en reste à 40. Mais l’Italie, avec ses Fratelli, combien peut-elle mettre ? Rien, sauf ce qui vient de la Banque centrale européenne. Et si les taux italiens devaient grimper comme ceux des Grecs il y a quelques années, virer la Meloni et rappeler Draghi suffirait-il ? Quel écho aurait un Salvini pacifiste pro-russe ? La BCE monte les taux pas à pas, comme un condamné à l’échafaud : toute hausse de taux plombe la croissance et accroit le poids de la dette.
Le « petit-bourgeois » « occidental » plus douillet que le moujik « russe ».
C’est sur la crise sociale à venir, la division européenne, que compte Poutine. Il pense que le « petit-bourgeois » « occidental » est plus douillet que le moujik « russe ». Mais qui, de la crise mondiale, s’en sortira le mieux ? Quels sont les pays qui tiendront face à l’étranglement des circuits de financement et de distribution ? Ceux qui peuvent s’appuyer sur une monnaie et une économie solide : les pays capitalistes ont du capital.
En cinquante ans, le « déclin », relatif, de l’Occident correspond à ce moment, la mondialisation, où la croissance mondiale a tiré les pays émergents et permis aux moins riches de rattraper les autres. A l’inverse, en temps de crise, les dodus ont des capacités de résistance que n’ont pas les autres. Les pays capitalistes ont du capital. La Banque de France évalue le « patrimoine » de la France à 18.000 milliards d’euros (détenu à moitié en immobilier par les ménages), en progression de 8% en un an.
Un peu comme si un Américain avait gagné 20% de bons d’achats sur le monde.
D’un côté, la faim qui revient, avec 345 millions de personnes menacés, alerte le FMI, qui ouvre des lignes de crédits d’urgence. De l’autre, des capacités de crédit fondées sur un patrimoine, et des monnaies fortes, notamment le dollar. Encore une fois : +20%. En caricaturant, c’est un peu comme si un Américain avait gagné 20% de bons d’achats sur le monde.
Otan, dollar, énergie, GAFAM, les Etats-Unis voient leur poids mondial renforcé. L « alliance anti occidentale » s’effrite déjà. La Chine lâche la Russie. L’Iran se cabre sous les coups de ces femmes « occidentalisées » qui défient la police religieuse. Car là aussi, la lutte se joue entre la modernité occidentale et l’archaïsme théocratique. Les droits des femmes : un impérialisme culturel …
Voilà le vrai poison : l’Occident n’est plus en Occident. Poutine a raison : l’Occident est mondial. Il est à Téhéran. Il est à Tokyo, Taipeh, Séoul, Singapour, Rio, Oslo, demain à Saint Pétersbourg, il faut l’espérer. Les racines finoises des Finlandais sont-elles plus « occidentales » que celles des Slaves russes ? L’Occident est partout.
L’Inde sera-telle le pivot de l’Occident ?
Les Chinois anciens appelaient l’Inde : « le paradis occidental ». L’Inde, pays misérable à la croissance robuste, avec ses guerres religieuses et ses apôtres de la non-violence, pays polythéiste et membre du Commonwealth, sera-t-il le pivot de l’Occident ?
L’Occident est un faux pays, un mirage oriental, à moins qu’il ne représente tout ce que Poutine et autres tyranneaux craignent, envient, admirent, redoutent.
Pendant que de pauvres jeunes gens meurent sous les ordres de brutes imbéciles au nom d’un drapeau souillé de crimes, un nouvel ordre mondial apparait, dans une révolution qui saute de crise en crise. Ses déchirures sont violentes, ses promesses aussi. Il peut se faire sans la Russie, pas sans les Etats-Unis ni l’Europe. Il ne se fera pas non plus sans les valeurs « occidentales » : pas parce que les « Occidentaux » seraient les plus forts -ils sont de moins en moins en Occident- mais parce que ces valeurs renforcent ceux qui les adoptent.
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