Depuis une dizaine de jours, le Maroc est bousculé, perturbé par une dynamique prévisible pour certains (imprévisibles pour d’autres) avec l’émergence spontanée du Mouvement de jeunes GenZ 212 (indicatif marocain).
Ce qui au départ était un simple Forum de discussion via la plate-forme interactive Discord s’est très rapidement transformé en porte-voix d’une génération en mal de justice sociale, d’égalité des chances et d’accès à des services publics (éducation/ santé) de qualité.
Des revendications portées et déployées sur plus d’une vingtaine de villes à travers le pays avec les mêmes mots d’ordre et la même détermination. « On veut des hôpitaux et des écoles plutôt que de terrains de foot flambant neuf pour accueillir la CAN et la coupe du monde en 2030 ». « Nous limitons pour un Maroc plus juste et plus vivable pour nous et les futures générations ». Ou encore, « nous appelons au départ du Chef gouvernement et de ses ministres ».
Exprimant un ras le bol social (chômage de masse des jeunes notamment les diplômés, horizon professionnel bouché) ces maux ont trouvé au fil des jours et des Sit In un puissant écho au sein de l’espace numérique. Si des actes de violences et de dégradations de biens publics et privés ont émaillé les manifestations en tout début de semaine dernière, le calme est revenu ces derniers jours avec l’organisation quotidienne de rassemblements (malgré l’interdiction des autorités publiques) qui se déroulent de manière pacifique, selon le souhait des membres du mouvement GenZ 212.
Sentiment partagé entre Inquiétudes et espoirs chez les français installés au Maroc
Du côté des membres de la communauté française installée au Maroc, on suit de très près le déroulement et la gestion des manifestations populaires. « Que dire face à une situation qui touche plusieurs pays dans le monde avec des jeunes qui ont des revendications tout à fait légitimes et en même temps, je me sens impuissant car d’une part le Maroc est le pays qui m’a accueilli avec ma famille il y a une vingtaine d’années, je me garderais donc de faire dans l’ingérence et d’autre part, existe-t-il des solutions clés en mai. J’en doute malheureusement », déclare Nicolas D., industriel basé à Casablanca.
Son de cloche quasi identique lorsqu’on demande à Nathalie C. basée à Marrakech ce qu’elle pense de la mobilisation de jeunes y compris dans la ville ocre, capitale du tourisme national « Globalement j’ai l’impression que les forces de l’ordre arrivent à gérer et à contenir le flux de jeunes et c’est plutôt rassurant. Nous avons eu quelques frayeurs en milieu de semaine dernière lorsque des affrontements violents ont opposé des jeunes à la police mais tout semble rentrer dans l’ordre. J’espère que ça va durer… »
Inquiétudes et angoisses également auprès des bi nationaux. « La situation est complexe, elle a des allures d’équation à plus ou moins d’inconnues. L’heure est venue selon moi de tenir un discours politique de vérité et d’authenticité sans oublier l’humilité à cette jeunesse qui veut être actrice et non spectatrice du développement économique de leur pays. Je vois en eux un sens développé du patriotisme, ils s’expriment avec sagesse et responsabilité, aux décideurs d’être en capacité de les écouter et de les considérer pour ceux qu’ ils sont, des citoyens à part entière et non à part », indique Driss Jaydane, Enseignant et écrivain.
Les politiques au pouvoir semblent quelque peu désemparés par ce mouvement de fond qu’il n’avait pas vu venir semble-t-il. Après une première sortie des 3 chefs de partis composant l’actuelle coalition gouvernementale, sanctionné par un communiqué appelant au dialogue au sein de l’espace institutionnel et public, il semblerait que chaque parti « coalisé » cherche à sauver son écurie partisane. Tour à tour, des ministres du gouvernement se sont exprimés ce week-end dans différents formats TV sans pour autant convaincre les opinions publiques dont les membres du mouvement GenZ 212.
"Le discours royal prévu vendredi 10 octobre est l’un des plus attendus par les citoyens marocains depuis 25 ans"
Pour preuve, l’appel lancé en début de semaine à une mobilisation encore plus large que les précédentes , soit à un appel manifester pacifiquement dans 23 villes du Royaume. Aujourd’hui, tous les yeux sont rivés sur le Roi Mohammed VI et son intervention prévue comme chaque année le deuxième vendredi d’octobre au Parlement. Cette année ce sera vendredi 10 octobre 2025. Reste à attendre si cette date fera date…
Auteur/Autrice
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Rachid Hallaouy est journaliste et éditorialiste installé au Maroc depuis 2006. Après avoir collaboré avec de nombreux médias en presse écrite (L’Economiste), électronique (Yabiladi) et audiovisuel (France 24), il a rejoint Luxe radio pour y lancer en 2011 un concept de débat d’idées traitant de sujets politiques et économiques.
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