Écouter le podcast avec Franck Ferrari et Olivier Piton
Ces derniers jours, un appel téléphonique historique entre Donald Trump et Vladimir Poutine a secoué la scène géopolitique. C’est dans ce contexte mondial inédit que Lesfrancais.press s’est entretenu, en interview croisée, avec deux élus des Français de l’étranger : Franck Ferrari, qui vit en Russie, et Olivier Piton, qui réside aux États-Unis. Au menu : guerre en Ukraine, place de l’Europe dans les négociations de paix et avenir des relations internationales. À notre micro, tous les deux livrent leur regard d’expatrié sur l’évolution de la situation. Et ils partagent le même constat acide : « la France n’a plus aucune influence » !
Trump remet Poutine au centre de la scène internationale
En Russie, qu’elles ont été les retombées de l’appel de Donald Trump à Vladimir Poutine ? Est-ce que l’image du président Russe traitant d’égal à égal avec le président des Etats-Unis a été mise en avant ? Franck Ferrari répond d’emblée : « Oui, cela a été bien mis en avant. (…) La Russie qui s’assoit à la table des États-Unis (…) les deux grandes puissances du monde. » Il souligne ainsi que via cet appel la Russie n’est pas ou plus isolée, mais bien en pleine interaction avec les États-Unis.
« Pour un Européen, on pense que la Russie est isolée. On n’a absolument pas cette vision ou ce sentiment quand on vit en Russie. »
Franck Ferrari, élu des Français de Russie
Au cours du podcast, l’élu consulaire rappelle qu’en Russie, la perception de l’isolement n’a jamais été vraiment palpable : « Franchement, c’est clair que pour un Européen, on pense que la Russie est isolée ou était isolée. On n’avait absolument pas cette vision ou ce sentiment quand on vit en Russie. »
Les États-Unis et l’engagement de Trump
Dans le camp d’en face, Olivier Piton depuis Washington, nous partage son analyse de la situation avec un regard américain. Est-ce pour lui cet engagement de Donald Trump en Russie, c’est la mise en action de sa volonté impérialiste ? D’ailleurs le président américain a parlé de la « destinée manifeste » dans son discours d’investiture à la maison Blanche.
Notre invité depuis Washington nuance cette l’idée : « Les Américains se considèrent comme la première colonie qui s’est libérée du colonisateur en 1776-1783. Donc on est déjà dans une logique où, justement, c’est l’anti-impérialisme. » Selon Olivier Piton, les États-Unis ne considèrent pas leur rôle dans cette guerre comme une action impérialiste, mais comme une démarche visant à stabiliser le monde en négociant directement avec Poutine.
« Les Américains se considèrent comme la première colonie qui s’est libérée du colonisateur (…) Pour Trump, sa démarche vise à stabiliser le monde. »
Olivier Piton, élu des Français des Etats-Unis
À propos du sommet de paix en Arabie saoudite, Olivier Piton explique que pour les États-Unis, ce n’est même pas un sujet que l’Europe soit absente : « les débats sur la paix qui ont débuté entre Donald Trump et Vladimir Poutine sont des débats en vue d’aboutir à un accord. » Les médias américains se focalisent sur le résultat concret, celui d’un début de négociation entre les deux puissances, plutôt que sur les discussions européennes.
L'absence de la France sur la scène diplomatique
Sur la question de l’influence de la France, Franck Ferrari déplore le déclin de la voix française en Russie : « La voix de la France comptait il y a quelques années, et c’est clair que depuis le début de cette opération spéciale, la voix de la France et des Européens, malheureusement, n’est plus audible. » Et ii poursuit : « La France n’a pas d’ambassadeur sur place », un signe de l’influence réduite de la France dans un pays comme la Russie, pourtant historiquement proche. Franck Ferrari exprime son regret face à ce vide diplomatique : « Il a été nommé par les Français, mais il n’est pas sur place, ça reste quand même un petit peu léger, je trouve. »
« La France n’a pas d’ambassadeur sur place en Russie »
Franck Ferrari, Conseiller des Français de Russie
Du côté d’Olivier Piton, le constat est similaire, bien que la situation soit différente aux États-Unis. « La France bénéficie toujours aux Etats-Unis d’une cote d’amour tout à fait exceptionnelle. » Toutefois, il fait également remarquer que cette affection n’a pas d’impact diplomatique réel : « On n’a plus aucune influence, ou alors elle est vraiment à la marge. »
« La France n’a plus aucune influence, ou alors elle est vraiment à la marge. »
Olivier Piton, Conseiller des Français de Washington
Et cela ne date pas d’hier, Olivier Piton rappelle que même en période de crise diplomatique avec les États-Unis, comme lors de la crise des sous-marins australiens, la réaction française n’a eu que peu d’écho dans les médias américains.
Un manque d’unité européenne face à la crise
Les deux élus font écho à un même constat : l’Europe, malgré son financement et son implication derrière à soutenir Kiev, semble être reléguée au rang de spectateur dans cette guerre. Franck Ferrari insiste : « la voix de la France comptait il y a quelques années, mais aujourd’hui, elle est devenue complètement inaudible. » Il explique que notre pays, bien qu’il garde une influence culturelle, notamment grâce à des institutions comme l’Alliance française, a perdu de son pouvoir économique et diplomatique en Russie.
Pour Olivier Piton, cette absence d’impact est symptomatique d’un problème plus large concernant l’Europe. Selon lui, les États-Unis ne se préoccupent pas de l’implication de l’Europe dans la crise ukrainienne. « L’Europe, la place de l’Europe, l’influence de l’Europe, ce que fait l’Europe, n’intéresse absolument pas les Américains sur l’Ukraine. » Cette situation révèle un déséquilibre flagrant dans les relations internationales actuelles, où les États-Unis jouent un rôle central, et l’Europe reste en retrait.
La culture française comme consolation ou relique d’un passé ?
Consolons-nous, Franck Ferrari parle de la culture française en Russie et note que l’attrait pour la langue française reste fort, avec des cours qui affichent complets dans certaines villes de Russie. Cependant : « Il est clair que la voix de la France, comme elle était avant, a décliné. »
De son côté, Olivier Piton met en avant les efforts continus des diplomates français aux États-Unis pour maintenir l’influence culturelle et linguistique, mais aux États-Unis aussi, l’impact diplomatique reste minimal : « En termes d’influence pure, non, aucune. » Aussi, « notre pays doit bouger, entraîner. Ou choisir le destin d’une Suisse pauvre et manipulée » comme le soulignait l’édito Lesfrancais.press de dimanche dernier.
Un message d’espoir et de solidarité bien français !
Notre échange se termine par un message de soutien à David Franck, le représentant des Français en Ukraine. Olivier Piton exprime son soutien aux Ukrainiens, soulignant leur courage face à la guerre : « Un grand message de soutien à lui et d’amitié. » Franck Ferrari, quant à lui, souhaite que les négociations aboutissent à une solution pacifique : « On espère que ça se réglera, que les pays qui nous hébergent arriveront à trouver une solution pacifique. » Mais où se situera alors la France… ?
Auteur/Autrice
-
La Rédaction vous propose quelques articles où l'ensemble des collaborateurs ont participé à leur rédaction.
Voir toutes les publications