La France, terre d’émigration ?

La France, terre d’émigration ?

Le ministère des Affaires Étrangères nous dit qu’au 31 décembre 2024 le nombre d’inscrits au Registre des Français établis en dehors de leur pays s’élevait à 1 741 942 personnes, soit +2,8% sur un an. Mais, comme cette inscription n’est en rien obligatoire, on estime plutôt que le nombre total de Français vivant hors frontières, inscrits ou pas, tournerait plutôt autour des 2,5 millions. Ce qui finalement n’est pas si mal vu de la réputation « casanière » qu’ont les Français. Même s’il est vrai aussi que presque un tiers de ces expatriés sont des binationaux, il est intéressant de noter que la France est devenue en 2 décennies une terre d’émigration, car les expatriés deviennent petit à petit des émigrés ! Et oui, les Français prennent racine ailleurs et rentrent de moins en moins. Mais pourquoi ?

70% des expatriés le sont toujours après 5 ans

En effet, la durée hors de France, contrairement à ce que l’on pourrait croire depuis l’hexagone, a tendance à augmenter. Beaucoup semblent apprécier leur nouvelle vie au point que l’on peut même dire que la communauté française vivant à l’étranger est installée de façon plutôt durable. Sur les 1 741 942 personnes inscrites au Registre, 1 232 097 l’étaient depuis plus de 5 ans au dernier recensement pour celui-ci.

Enfin, on notera qu’il y a autant de femmes (et même légèrement plus avec 50,18%) que d’hommes d’inscrites comme résidentes à l’étranger. Ou encore que la pyramide des âges indique que 23% des inscrits ont moins de 18 ans, 10% sont dans la tranche 18-25 ans, 22% ont entre 26 et 40 ans, 29% entre 41 et 60 ans et 16% ont plus de 60 ans ; ces derniers étant pour l’immense majorité ces retraités ayant décidé de passer leur retraite sous d’autres cieux comme au Portugal ou au Maroc.

Français vivants à l'étranger
Image d'illustration ©Stockadobe

Les jeunes et les créateurs partent

Pour les chambres de commerce et d’industrie, le déclencheur de ce phénomène c’est le choc fiscal de 2012/2013 avec l’arrivée de François Hollande.

Cependant, les CCI font un premier constat ainsi si la tendance à l’expatriation des Français s’accentue, le phénomène est moins marqué que dans les pays voisins. Ainsi, la population des Français à l’étranger est estimée de 2,5 à 3 millions avec une croissance annuelle de 3 à 4 % depuis 10 ans (hors Covid). Mais l’idée d’un mouvement massif de fuite des talents, spécifique à la France, ne semble donc pas correspondre à la réalité.

Par contre, second constat, il y a bien un changement majeur de comportements chez les jeunes générations, avec une nette accélération de leur mobilité, ce qui est une caractéristique marquante de ce début de XXIe siècle. On ne peut, pour l’instant, parler de développement de l’émigration permanente mais simplement une augmentation de la mobilité globale.

Dernier point mis en avant par les CCI : la crise économique qui a transformé structurellement la population des expatriés français, qui sont devenus plus indépendants avec un moindre recours aux contrats d’expatriation et de détachement et un accroissement de l’entrepreneuriat. Ainsi, 2 sur 10 expatriés sont des créateurs d’entreprises contre 1 sur 10 il y a 10 ans.

L’intégration à l’espace européen

Enfin, il faut aussi prendre en compte que l’Union européenne, chez les moins de 50 ans, est désormais totalement intégré comme faisant parti de l’horizon normal de la vie. Ainsi, c’est logiquement l’Europe qui attire le plus avec presque un expat français sur deux (48,3%) qui a choisi de rester sur le continent. Normal, entre proximité de la « mère patrie » et surtout facilités administratives offertes par l’Union Européenne à tous ses ressortissants désireux de bouger.

La France et l'Europe
Image d'illustration ©Stockadobe

Après cinquante ans de construction européenne, de mise en place d’une monnaie commune, d’appel à un approfondissement du marché intérieur, de politiques publiques encourageants les échanges universitaires, peut-on assimiler cette mobilité accrue au sein de l’espace européen à de l’« expatriation » ? Ne faudrait-il pas plutôt s’en réjouir et y voir une forme d’émergence de citoyenneté européenne ?

Auteur/Autrice

  • Samir Kahred a suivi ses parents dont le père était ingénieur dans une succursale du groupe Bouygues. Après une scolarité au Lycée français et des études au Caire, il devient journaliste pour des médias locaux et correspond pour lesfrancais.press

    Voir toutes les publications
Laisser un commentaire

Laisser un commentaire