France – Sénégal : le rêve africain existe-t-il toujours ?

France – Sénégal : le rêve africain existe-t-il toujours ?

Entrepreneur « créatif » dans l’âme, Jérémie Petit a quitté la France et Paris, sa ville natale pour poser ses valises au Sénégal, à Dakar (sa ville d’adoption) il y une dizaine d’années pour vivre « Le Rêve Africain ». Président des commissions des Industries culturelles et créatives (ICC) du Conseil national de l’Entrepreneuriat (CNE) et président de la commission des ICC (Industries culturelles et créatives) d’Eurocham Sénégal, il se définit comme « un entrepreneur à temps complet et un musicien à temps partiel ».

Un pont entre Paris et Dakar

Lesfrancais.press : « Quel regard porte le plus parisien du Sénégalais sur les relations France / Sénégal ? »

Jérémie Petit :  « Mon regard est empreint d’espoir, de positivité et de réalisme. En arrivant ici, j’ai tout de suite été frappé par l’énergie, la jeunesse et la vivacité du tissu social. Il y a dans ce pays une forme de dynamisme brut, un désir d’avancer et de se réinventer, qui m’a immédiatement séduit. Je suis parisien de naissance, mais quand je me suis posé au Sénégal, j’ai vu un territoire en construction, un écosystème encore malléable, dans lequel il est possible de bâtir, d’innover, de contribuer.

Le Parisien, et plus précisément le banlieusard, que je suis s’est dit : avant que Paris ne devienne Paris… il a bien fallu un commencement. Pourquoi ne pas participer, ici, à quelque chose qui se construit ?

« Le monde nous appartient par la force de nos rêves et notre capacité à transformer les contraintes en ressources »

Jérémie Petit_ DG Oxygen Africa et Président des Commissions des Industries culturelles et créatives du CNE et dEurocham Sénégal
Jérémie Petit_ DG Oxygen Africa et Président des Commissions des Industries culturelles et créatives du CNE et dEurocham Sénégal

À Paris, j’ai grandi loin des Grands Boulevards, « de l’autre côté du périph » et ça t’apporte une vision du monde débrouillarde que j’ai retrouvé ici : le monde nous appartient par la force de nos rêves et notre capacité à transformer les contraintes en ressources – portés par la volonté d’apporter notre pierre à l’édifice. Le Sénégal est en train d’écrire ses prochaines décennies. Le Sénégal n’est pas en voie de développement. Il est en développement, et tous les ingrédients sont là pour un

Lesfrançais.press : « Vous sentez-vous parfaitement intégré dans la société sénégalaise ? »

Jérémie Petit : « Je ne me suis jamais senti étranger ici. Le Sénégal est un pays d’accueil, dans le vrai sens du terme. L’hospitalité y est une valeur fondatrice. C’est un lieu où, si vous venez avec sincérité, vous serez écouté, observé, accepté.

« Aujourd’hui, je ne vis pas au Sénégal : je vis avec le Sénégal »

Encore une fois, grâce à mon parcours, j’ai toujours appris en observant, en m’adaptant et en allant à la rencontre de l’autre. Mais l’intégration ne va pas de soi, elle se construit. Elle demande du respect, de l’écoute, de la patience et, surtout, de la curiosité. Apprendre quelques mots de wolof, comprendre les subtilités culturelles, adapter sa posture en fonction des contextes… tout cela fait partie du processus. Cela vaut tant dans la vie personnelle que dans les dynamiques professionnelles. Aujourd’hui, je ne vis pas « au Sénégal » : je vis « avec » le Sénégal. Cette nuance est importante. »

Lesfrançais.press : « Vous êtes perçu comme l’une des figures majeures de la culture créative au Sénégal. Qu’est-ce que cela représente pour vous ? »

Jérémie Petit : « C’’est un honneur, mais surtout une responsabilité. Je suis arrivé au Sénégal avant que l’engouement pour les « repats » et les « expats » ne se généralise. À cette époque, il n’y avait pas de carte toute tracée, pas de mode. Il fallait oser, essayer, échouer parfois, recommencer souvent.

Jérémie Petit DG Oxygen Africa
Jérémie Petit DG Oxygen Africa

À cette période, je suis venu avec une ambition simple : faire, créer, construire. Pas pour suivre une tendance, mais pour incarner une vision. L’audiovisuel, la communication, la musique, la mode : ce sont autant de terrains sur lesquels j’ai tenté de poser des fondations. J’étais jeune, passionné, avec une envie viscérale de créer : des images, du son, du lien. C’est ainsi qu’est née Oxygen Africa, puis African Victory, Dans Ta Zone, et d’autres projets qui m’ont permis d’exister dans un écosystème encore en gestation. Je tente d’apporter ce que je suis : un bâtisseur, un passeur et un entrepreneur qui connaît la réalité du terrain.

Aujourd’hui, Dakar est devenu un carrefour incontournable des industries créatives en Afrique. Être considéré comme un acteur de cette dynamique est à la fois un honneur et une responsabilité. C’est à la fois un accomplissement personnel et un appel à continuer de structurer, d’ouvrir des portes, de faire émerger d’autres talents. »

Lesfrancais.press : « Comment se déclinent vos engagements dans la culture ? »

Jérémie Petit : « Ma trajectoire s’est construite autour d’une conviction : la culture n’est pas un supplément d’âme, c’est un moteur économique, social et identitaire. J’ai commencé comme artiste, puis j’ai compris que pour aller plus loin, il fallait structurer, investir, entreprendre. Cela m’a amené à fonder Oxygen Africa (audiovisuel), African Victory (musique), Dans Ta Zone (événementiel régional), et à contribuer dans un beau et prestigieux projet dans le secteur de la mode.

Aujourd’hui, mon engagement passe aussi par l’institutionnel : je préside les commissions ICC du CNE et d’EUROCHAM Sénégal, accompagné par Jean Fall le Vice-Président des Commissions ICC, Neila Baba Aïssa Coordinatrice Générale et sous la supervision de Mohamed El Bachir Niang le Président Fondateur du CNE, deux espaces de plaidoyer et d’action où je m’efforce de faire entendre la voix des acteurs créatifs et culturels, de défendre leurs intérêts au plus haut niveau économique, et de contribuer à l’émergence d’une économie culturelle forte, autonome et durable. On a eu l’illustration dans de nombreux autres pays : le pouvoir du rayonnement culturel. Pourquoi ne pas hisser le Sénégal au plus haut rang ? »

Jérémie Petit et les membres d'Eurocham Sénégal
Jérémie Petit et les membres d'Eurocham Sénégal

Lesfrançais.press : « Vous vous définissez comme un entrepreneur à temps plein et un musicien à temps partiel. Que voulez-vous dire par là ? »

Jérémie Petit : « Je suis d’abord un artiste – autodidacte – devenu entrepreneur par nécessité. L’entrepreneuriat, c’est mon quotidien. C’est la rigueur, les rendez-vous, les budgets, la structuration des idées pour qu’elles deviennent des projets viables. C’est une posture exigeante, surtout dans un environnement en construction.

« La semaine, je suis stratège, producteur, manager. Le soir venu, je redeviens créatif, rêveur, compositeur »

Mais je n’ai jamais cessé d’être musicien. C’est ce qui m’équilibre. La musique, c’est mon souffle. Je lui consacre le temps qu’il me reste, souvent les vendredis soirs, les week-ends, les nuits. J’ai appris à cloisonner pour ne pas m’éparpiller. La semaine, je suis stratège, producteur, manager. Le soir venu, je redeviens créatif, rêveur, compositeur. Ce rythme me permet de rester connecté à ce que je suis profondément, tout en tenant mes engagements professionnels. »

Lesfrancais.press : « Avez-vous parfois la nostalgie de la France, de Paris, de votre "banlieue" native ? »

Jérémie Petit : « Oui, régulièrement. Je suis profondément attaché tant à Paris qu’à sa périphérie dans laquelle j’ai grandi. Ses cultures multiples et profondes, l’énergie intense qu’on y retrouve, et aussi ses contradictions. J’y ai mes repères, mes souvenirs, mes lieux préférés. Tout cela m’a façonné.

J’aime aussi la France des campagnes, celle que l’on découvre en voiture, au fil des routes. J’ai un faible particulier pour la région champenoise, où se mêlent calme, élégance et terroir – un charme discret et intemporel que j’apprécie beaucoup.

Mais cette nostalgie n’est pas un regret. C’est une richesse intérieure, un lien affectif. Elle me rappelle d’où je viens, ce qui m’a forgé… et ce que j’apporte aujourd’hui, ici, au Sénégal. »

Auteur/Autrice

  • Rachid Hallaouy

    Rachid Hallaouy est journaliste et éditorialiste installé au Maroc depuis 2006. Après avoir collaboré avec de nombreux médias en presse écrite (L’Economiste), électronique (Yabiladi) et audiovisuel (France 24), il a rejoint Luxe radio pour y lancer en 2011 un concept de débat d’idées traitant de sujets politiques et économiques.

    Voir toutes les publications
Laisser un commentaire

Laisser un commentaire