Qu’elle semble poussive cette équipe de France avec une qualification sans gloire et une deuxième place de groupe derrière la très solide Autriche. Nous nous attendions à mieux, pourquoi le cacher ?
Alors quand le spectacle n’est pas sur la pelouse il faut parfois chercher son plaisir ailleurs. Les Fan Zones et les lieux de retransmission télévisée pullulent pendant cet Euro où les peuples des nations européennes cherchent à oublier la guerre en Ukraine, le dérèglement climatique d’un été trop chaud ou trop pluvieux selon les latitudes devant des écrans placés dans des lieux stratégiques des villes et villages d’Europe.
Le foot reste un formidable spectacle dans et hors des stades. Capable d’unir plus que de diviser.
Pour un France-Pologne à l’enjeu sportif limité – la France était déjà qualifiée et les Polonais éliminés – nous avions donné rendez-vous à des supporters français venus assister au match face à un écran géant posé sur les berges de la Vistule dans la capitale polonaise.
Les supporters bleus à Varsovie…
Paul est directeur marketing d’une discothèque de centre-ville. Pierre-Yves est entrepeneur dans les RH et sa fille binationale viendra rejoindre son papa en milieu de match. César fait ses premiers pas dans le monde professionnel avec un stage à l’institut français de Pologne.
Les conversations d’avant match vont bon train dans ce lieu déjà surpeuplé où les chaises longues et les banquettes en bois ont été déjà prises d’assaut trente minutes avant le coup d’envoi prévu à 18H.
Depuis l’aménagement des rives du fleuve, l’épicentre festif de la ville s’est déplacé ici et la foule est dense. Avec ses deux millions d’habitants Varsovie dispose de plusieurs quartiers animés, que ce soit Centrum ou Wola, mais l’été c’est assurément sur les berges que l’on s’amuse et se détend avec une myriade de bars à bière, de pistes de danse qui s’animent le week-end et de scènes musicales qui s’ouvrent à des jeunes talents locaux.
Les barges arrimées tous les cent mètres à la rive se peuplent d’une population jeune, dynamique et ouverte. On entend parler certes le polonais, cette langue classée par les linguistes parmi les plus difficiles à appréhender, mais aussi l’anglais en format globish…et çà et là le français. Notre langue est en recul dans le pays mais possède toujours ses amateurs qui associent sa pratique à un certain raffinement culturel, à la gastronomie comme à la mode. Le français c’est (encore) chic en somme.
Et le foot dans tout ça ?
Notre équipe de football est regardée avec un mélange d’admiration et de crainte, les vice-champions du monde aux deux étoiles floquées sur le maillot ont une réserve de talents dans leurs rangs. Mais les Polonais gardent aussi un regard critique pour ce qui est parfois vu comme de l’arrogance française dans le jeu de foot comme dans le tempérament national. Autant dire que les supporters se respectent mais que côté polonais on compte sur une fulgurance de Lewandowski, l’attaquant vedette du FC Barcelone et natif de la capitale polonaise, pour clouer le bec au coq gaulois. Une victoire pour l’honneur serait bien vue ici et rattraperait l’élimination prématurée des Polonais.
Ola, une supportrice polonaise est venue en afterwork en compagnie de son patron et de son compagnon suivre le match. L’atmosphère est particulièrement chaude au moment où retentissent les hymnes. Il fait trente-trois degrés au compteur. Mais Ola comme ses compatriotes restent stoïques pendant leur hymne comme si leur équipe jusque-là décevante ne méritait pas qu’on donne de la voix pour elle. Ola attend quand même du spectacle et une victoire à la clé…
Première mi-temps…The show must go out.
En première mi-temps on ne peut pas dire que le spectacle soit sur le terrain. Hernandez (11ème) ou Dembélé (19ème) se procurent des occasions mais l’équipe est brouillonne et manque de tranchant. Dans le stade de Düsseldorf on sent poindre une déception devant un début de match que les spectateurs attendaient sûrement comme plus flamboyant. À Varsovie on résiste au soleil qui surplombe les quais et les bières commencent à circuler en nombre….
Soudain dans la torpeur ambiante un cri aigu : un des supporters français se tord de douleur… Un insecte vient de lui infliger une bonne dose de venin et la piqûre fait gonfler immédiatement le doigt de notre malheureux gaulois.
Quelques glaçons viennent soulager la douleur pendant que face à l’écran l’ennui est tangible. La mi-temps se transforme en un inévitable moment de rafraîchissement où chacun y va de son commentaire sportif le gosier en pleine réhydratation. Didier Deschamps n’a qu’à bien se tenir. Les « on a pas d’attaque » succèdent aux « faut faire rentrer Giroud » avant qu’un « c’est quand même pas terrible pour des champions du monde » ne mette tout le monde d’accord. Le gardien polonais, Lukasz Skorupski est l’homme de la première mi-temps puisque sa main n’a pas tremblé sur aucune des occasions tricolores.
À la mi-temps Paul, un des soixante-deux millions de sélectionneurs français est lapidaire. « Ce match confirme notre niveau des premiers matchs, on ne marque pas et c’est poussif. Le retour de Mbappé ne change rien ».
Deuxième mi-temps Penalty Vs Ennui.
On croit assister à un remake de la première mi-temps quand Dembélé s’écroule dans la surface avant que Mbappé, en mode vengeur masqué, n’envoie le ballon au fond des filets sur le pénalty. Ça fait un zéro à la 56ème et dans le camp français on se réveille enfin.
Le déroulement du match semble donner raison à César qui a pronostiqué un deux zéro avec deux buts de Mbappé et qui bombe le torse dans sa nouvelle chemise neuve de fringant stagiaire.
L’enthousiasme naissant sera vite douché. Lewandowski s’y reprend à deux fois pour réduire le score face à un Mike Maignan dépité à la 77ème.
Ola multiplie les accolades affectueuses à son chéri qu’elle console d’un match nul et inquiétant pour une équipe de France qui devra trouver un autre rythme de croisière pour un 8ème qui pourrait l’opposer aux Belges revanchards ou à une équipe d’Europe centrale ou orientale, que ce soit la Slovaquie, la Roumanie ou l’Ukraine, dans un match couperet à élimination directe…
Les supporters se dispersent lentement après le coup de sifflet final… pendant que Pierre-Yves, qui porte le maillot bleu de France 98, dévoile enfin qu’il porte aussi un maillot polonais en dessous. En dépit de la chaleur, voilà un supporter malin qui a réussi à réconcilier tout le monde en portant les deux couleurs de nations amies.
Auteur/Autrice
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Boris Faure est l'ex 1er Secrétaire de la fédération des expatriés du Parti socialiste, mais c'est surtout un expert de la culture française à l'étranger. Il travaille depuis 20 ans dans le réseau des Instituts Français, et a été secrétaire général de celui de l'île Maurice, avant de travailler auprès des Instituts de Pologne et d'Ukraine. Il a été la plume d'une ministre de la Francophonie. Aujourd'hui, il collabore avec Sud Radio et Lesfrancais.press, tout en étant auteur et représentant syndical dans le réseau des Lycées français à l'étranger.
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