France-Maroc : le casse-tête des OQTF au cœur de la visite d’État d’Emmanuel Macron

France-Maroc : le casse-tête des OQTF au cœur de la visite d’État d’Emmanuel Macron

Emmanuel Macron sera en déplacement au Maroc du 28 au 30 octobre dans l’espoir de relancer une relation diplomatique bilatérale au plus bas depuis des années — et de trouver un accord pour faciliter les retours des déboutés du droit d’asile soit le traitement des OQTF.

« [Le Maroc] est un grand pays ami, et je pense qu’on peut parfaire [et] accélérer un certain nombre de réadmissions et de retours »a affirmé le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, pour qui le Maroc est une destination « sûre », jeudi 24 octobre sur France Inter.

Une telle déclaration s’ancre dans la visite d’État d’Emmanuel Macron au Maroc, qui se déroulera du 28 au 30 octobre prochain et dont l’objectif est clair : acter la réconciliation des deux pays, après des années de brouille diplomatique.

Bruno Retailleau, ainsi que d’autres ministres et chefs d’entreprise, participeront au déplacement, montrant ainsi à quel point la France et le Maroc sont prêts à « marquer une nouvelle ambition pour les 30 ans à venir de l[eur] relation », souligne l’Élysée.

Les sujets à aborder seront nombreux : formation et employabilité, agriculture, crises géopolitiques et, plus largement, « travailler à finalement soutenir notre souveraineté respective », ajoute l’entourage d’Emmanuel Macron.

Alors que 867 éloignements vers le Maroc étaient effectués en 2019, ils tombent à 170 en 2021, précise un rapport sénatorial, publié en 2022. [JALAL MORCHIDI/EPA-EFE]
Alors que 867 éloignements vers le Maroc étaient effectués en 2019, ils tombent à 170 en 2021, précise un rapport sénatorial, publié en 2022. ©JALAL MORCHIDI/EPA-EFE

Agenda global

Un sujet devrait notamment être au cœur des discussions tout au long de la visite : la question migratoire et celle, très épineuse, des renvois des déboutés du droit d’asile vers le Maroc.

Cela fait plusieurs années que Rabat ne fournit plus les laissez-passer consulaires nécessaires à tout renvoi effectif d’exilés sous obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Les chiffres le prouvent : alors que 867 éloignements vers le Maroc étaient effectués en 2019, ils tombent à 170 en 2021, précise un rapport sénatorial, publié en 2022.

« La délivrance de laissez-passer est toujours sporadique et le refus des vols groupés ferme. Le Maroc exige par ailleurs un schéma vaccinal complet pour admettre les personnes sur son territoire, y compris lorsqu’il s’agit de ses propres ressortissants », souligne le document.

En représailles, la France s’est contentée jusqu’à présent de faire du « chantage au visa », explique Thomas Lacroix, directeur de recherche au CNRS et à Sciences Po, qui regrette que le sujet soit seulement abordé par le biais d’un « rapport de force » diplomatique.

L’enjeu est ailleurs, selon lui : « Le problème de fond, c’est le nombre d’OQTF formulées à tout bout de champ, sans préjuger de la possibilité réelle de leur exécution ». Or, le Maroc n’est pas disposé à fournir les laissez-passer consulaires, « qui sont une source de marchandage » avec la France.

L’urgence est donc à calmes les tensions, et revenir sur une relation bilatérale plus apaisée. Ainsi Paris se dit-il prêt à travailler main dans la main avec Rabat pour définir « un agenda global » sur la migration qui puisse se concentrer autant sur les migrations légales qu’irrégulières.

« Cela implique de discuter de la lutte contre l’immigration irrégulière et de la coopération en matière, y compris [en terme] de réadmission, de prévention des départs et le renforcement [du] dialogue avec les pays d’origine, de transit et de destination », précise l’Elysée.

Durant l’été, Emmanuel Macron avait aussi soutenu le plan d’autonomie du Maroc pour le Sahara occidental — dans un souci de montrer patte blanche aux autorités maghrébines.

Le Maroc fait face à une forte augmentation des mouvements migratoires sur son territoire, alors que des exilés en provenance des pays d’Afrique subsaharienne traversent le pays pour gagner l’Europe, ou voient dans le Maroc une destination finale.

La police marocaine a enregistré 366 000 tentatives de passages des frontières vers l’UE ces cinq dernières années, selon les données du think tank Carnegie Endowment for International Peace. Des violences policières contre des demandeurs d’asile ont aussi été révélées dans la presse.

Rendre les retours plus efficaces

La question migratoire ne se limite en aucun cas à la France et au Maroc. Au contraire, le sujet des retours et réadmissions est au cœur de débats européens, alors que la Commission européenne s’est dite prête à renégocier une directive « retour », et souhaite renforcer des partenariats avec des pays non-européens pour mieux contrôler les mouvements migratoires.

L’UE finance déjà les garde-côtes libyens, tunisiens et turcs, afin de plus efficacement intercepter les exilés qui tentent de traverser la Méditerranée, et les ramener sur les côtes non-européennes.

De nombreuses enquêtes ont pourtant fait état de graves violations des droits humains dans le cadre de ces interceptions, avec une absence totale de contrôle de la part de la Commission européenne, du Parlement européen et des États membres.

Parallèlement, la Commission se prépare à présenter une nouvelle proposition législative afin que les OQTF formulées par les tribunaux européens soient plus régulièrement suivies d’effets.

Au deuxième trimestre 2024, 96 115 OQTF ont été formulées tout pays européen confondu, mais seuls 25 285 retours effectifs (26,3 %) vers des pays d’origine ou de transit ont eu lieu, selon les données d’Eurostat.

Dans le même temps, des discussions se poursuivent autour de la création de « centres de retour », qui s’apparenteraient à des centres de détention installés dans des pays tiers, pour accueillir des exilés déboutés du droit d’asile dans l’UE.

Bruno Retailleau a aussi annoncé jeudi qu’il nommerait un « missi dominici qui aura pour obsession de faire avec des pays tiers, des pays d’origine, des pays de transit, des accords bilatéraux et dès que ça sera possible d’ailleurs, dans le cadre d’accords européens ».

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