France – Luxembourg : « le compte n’y est pas »

France – Luxembourg : « le compte n’y est pas »

« Le compte n’y est pas », a ainsi expliqué Benjamin Haddad, en livrant un bilan très mitigé de la Commission Intergouvernementale qui venait sanctionner des mois de négociations, jeudi dernier, le 11 décembre. La gestion fiscale et sociale du télétravail reste un point de discorde entre la France et le Luxembourg.

Le plan français

Actuellement, le quota de jours de télétravail pour les frontaliers français est fixé à 34 jours annuels. Proposé en 2024, le plan français prévoit de porter cette valeur à 40% du temps de travail. Une proposition qui permettrait sans doute de régler les problèmes de mobilité rencontrés actuellement au Luxembourg, avec l’afflux quotidien massif de travailleurs frontaliers.

Une problématique que Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe, a vécu pleinement jeudi dernier. En effet, pour se rendre au Luxembourg, le membre du gouvernement français a partagé, avec les travailleurs frontaliers, l’expérience du TER entre Luxembourg et la Moselle. Debout, à bord d’un train bondé, mais à l’heure (une fois n’est pas coutume), le ministre a échangé avec certains voyageurs, écouté leurs revendications, et constaté que le voyage est rarement un long fleuve tranquille.

Benjamin Haddad a échangé pendant une vingtaine de minutes avec les usagers de la ligne Luxembourg-Nancy.
Benjamin Haddad a échangé pendant une vingtaine de minutes avec les usagers de la ligne Luxembourg-Nancy. © Philippe Neu/AFP

Mais le Luxembourg fait la sourde oreille. Jusqu’à l’année dernière avant d’envisager de passer à 40% d’heures de travail prestées à la maison, le ministre des Finances Gilles Roth y opposait le fait que « la France n’a pas encore ratifié l’avenant à la convention de non-double imposition signé le 7 novembre 2022, alors que la Chambre des députés a ratifié ledit accord déjà en juin 2023 ». Désormais, c’est chose faite, les représentants français s’attendaient donc à ce que l’accord sur le télétravail soit une simple formalité. Mais Xavier Bettel a opposé une fin de non-recevoir et dit que le Luxembourg campait sur sa position : « La rétrocession fiscale est quelque chose qui n’est pas à l’ordre du jour du gouvernement luxembourgeois. » Au principe d’une rétrocession ou d’une compensation, cher à certains élus de Lorraine et auquel la Meurthe-et-Moselle a récemment porté son soutien, le Grand-Duché a toujours dit privilégier le codéveloppement.

« Il y a des attentes très fortes de la part de nos concitoyens qui traversent la frontière tous les jours. On a 127.000 frontaliers qui viennent contribuer à l’essor et à la croissance économique du Luxembourg. C’est une chance pour eux et pour la France, mais c’est aussi une chance pour le Luxembourg, et il faut que ça se reflète dans le cofinancement et dans la coopération économique pour l’essor de la Grande Région. » 

Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe

Benjamin Haddad voulait rentrer à Paris avec des engagements en termes de fiscalité de la part du Luxembourg, à la hauteur de ce qu’on fait aujourd’hui avec la Belgique, la Suisse ou encore l’Allemagne. Idem sur la question de la prise en charge de l’assurance chômage des frontaliers, afin de se mettre dans la moyenne de ce qu’on voit en Europe. Mais ce ne fut pas le cas.

Crèches, consultation d’un dermatologue, études de médecine

Cependant, s’il n’y a toujours pas d’accord sur le télétravail, le ministre délégué à l’Europe a réussi à débloquer certains dossiers. En premier lieu, les membres de la 8ème Commission Intergouvernementale se sont penchés sur la situation des 3.000 enfants de travailleurs frontaliers, qui résident donc en France, mais qui sont gardés dans des crèches luxembourgeoises. Et vivent donc, pour beaucoup, des trajets à rallonge. « Pour leur bien-être, ce serait mieux s’ils pouvaient être gardés dans des crèches plus proches de leur domicile », souligne le ministre de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, Claude Meisch .

« Nous allons donc élaborer une convention pour trouver un mécanisme
de développement et de financement en France. »

Claude Meisch, ministre de l’Éducation nationale,
de l’Enfance et de la Jeunesse luxembourgeois

Aussi, afin de soulager le corps médical français, il a été décidé qu’il sera possible pour un résident français du Nord lorrain, même s’il n’est pas travailleur frontalier et n’a donc pas de carte de sécurité sociale luxembourgeoise (CNS), de consulter un dermatologue au Luxembourg pour des soins primaires (hors consultations qui relèvent de la cancérologie et de la chirurgie esthétique). Cette mesure était portée par la sénatrice meurthe-et-mosellane Véronique Guillotin. Dans la foulée, la ministre de la Santé et de la Sécurité sociale luxembourgeoise, Martine Deprez, a annoncé la rédaction d’une lettre d’intention pour développer un projet de coopération en matière d’urgences médico-psychologiques. « Les travaux et discussions se poursuivent pour mettre en place une unité » transfrontalière, explique-t-elle.

Le ministre français délégué à l’Europe Benjamin Haddad, le ministre des Affaires étrangères Xavier Bettel et le ministre de l’Education nationale et de l’Aménagement du territoire Claude Meisch.
Le ministre français délégué à l’Europe Benjamin Haddad, le ministre des Affaires étrangères Xavier Bettel et le ministre de l’Education nationale et de l’Aménagement du territoire Claude Meisch. © Gilles Kayser/AFP

Toujours au rayon de la santé, sa collègue en charge de l’Enseignement supérieur au Luxembourg, Stéphanie Obertin, a annoncé que davantage d’étudiants décrochant leur bachelor en médecine à l’Université du Luxembourg pourront être admis dans les facultés de médecine en France. Il y a actuellement 25 places « réservées » pour des étudiants luxembourgeois, dans le futur il y en aura neuf de plus, à l’Université de Reims.

Les négociations reprendront, la France reste confiante, les représentants des deux gouvernements ont d’ores et déjà convenu de se retrouver au second semestre 2026 pour la prochaine Commission intergouvernementale franco-luxembourgeoise. La mobilité, en particulier le transport ferroviaire, qui n’a pas été évoquée jeudi 11 décembre 2025, devrait alors figurer à l’ordre du jour, sans oublier le télétravail.

Auteur/Autrice

  • Paul Herikso est franco-norvégien né à Paris d'une maman française et d'un papa norvégien. Après des études de tourisme, il retrouva sa famille paternelle en Norvège où il participa au développement des croisières. Il est aussi correspondant pour lesfrancais.press

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