En vingt ans, l’industrie française a perdu 25 % de ses effectifs.
Cette baisse conséquente doit être relativisée en raison du recours à l’externalisation. Il n’en demeure pas moins que le poids de ce secteur d’activité au sein du PIB en France a décru bien plus vite que chez nos partenaires. Il s’élevait à 12 % en 2019 contre 20 % en Allemagne. Depuis 2003, le recul en France a été de plus de 4 points de PIB. Les parts de marché à l’exportation au niveau mondial sont passées, sur la même période, de 5 à 3,3 %. Le solde industriel est négatif d’une cinquantaine de milliards d’euros. Parmi les grands pays européens, la France est, avec le Royaume-Uni, parmi ceux où le poids de l’industrie est le plus faible.
Pas de retour à la situation d’avant 2008
Depuis la crise de 2008, la production industrielle française stagnait même si quelques signes d’augmentation se faisaient jour avant la crise sanitaire. De manière récurrente, les pouvoirs publics répètent la nécessité de maintenir un fort secteur industriel et appellent de leurs vœux à des relocalisations. L’existence d’une politique industrielle pilotée par l’État est une constante depuis Colbert avec quelques succès mais aussi nombre d’échecs. Les nationalisations de 1945 et de 1981 avaient notamment comme objectif le maintien du potentiel industriel de la France. Le Plan Calcul de 1966 décidé par le Général de Gaulle visait à assurer l’autonomie du pays dans les techniques de l’information, et à développer un puissant secteur informatique. Depuis quarante ans, l’État a été contraint de sauver, à plusieurs reprises, les deux grands fabriquants automobiles français.
La crise de la Covid-19 a révélé au grand public la dépendance de la France dans certains domaines, celui de la santé en particulier, en relation avec l’éclatement des chaînes de production. Pour certains, une relocalisation de certaines activités est indispensable au nom du souverainisme économique et de la réduction des émissions des gaz à effet de serre. À cette fin, le Commissariat Général au Plan pourrait être recréé afin d’initier le retour du dirigisme industriel.
Au-delà des antiennes, plusieurs considérations doivent être prises en compte pour apprécier les possibilités d’industrialisation du pays. La demande en produits industriels tend à se réduire au sein de la consommation finale en raison de la saturation des besoins et du vieillissement. Plus une population est riche et âgée, moins elle consomme de biens industriels et plus les dépenses de services augmentent. Le potentiel de croissance pour l’industrie se situe au sein des pays émergents et demain en Afrique.
Depuis la crise de 2008, le secteur industriel souffre de capacités de production excédentaires provoquant une baisse permanente des prix des produits industriels. Le marché est donc ultra-concurrentiel avec des marges qui ont tendance à fondre. Des relocalisations supposeraient la disparition des avantages comparatifs dont bénéficient les pays émergents et en premier lieu la Chine. L’augmentation des coûts de production de ces derniers est réelle mais insuffisante. Par ailleurs, la Chine a délocalisé dans des pays à plus faibles coûts salariaux tout ou partie de certaines de ses productions.
Protectionnisme et handicap
La mise en place de mesures protectionnistes, à consonnances environnementales ou pas, pourrait certes imposer un retour d’une partie de la production en Europe ou au sein des pays de l’OCDE mais le prix à payer serait alors une augmentation des prix et une diminution du pouvoir d’achat relatif des ménages ainsi qu’une moindre diffusion du progrès technique.
Ce retour de l’industrie nécessiterait du temps. Elle ne profiterait pas obligatoirement à la France. En effet, notre pays souffre de plusieurs handicaps. Ses coûts salariaux y sont en moyenne supérieurs à celui de la zone euro. Le salaire horaire (avec charges sociales) dans l’industrie s’y élève à 38 euros contre 32 euros dans le reste de la zone euro. L’écart en 2000 n’était que de 2 euros. Il est certes comparable avec le niveau de salaire constaté en Allemagne mais ce dernier pays peut compter sur des salariés mieux formés, sur un recours plus important aux robots et sur un positionnement plus élevé en gamme. La France se classe au 21e rang pour les compétences de la population active quand l’Allemagne se situe au 14e rang.
La France a accumulé un réel retard au niveau des techniques de l’information et de la communication. Les investissements NTIC hors logiciels en France s’élèvent à 0,5 % du PIB en 2018, contre 1,3 % pour le reste de la zone euro. En 2002, l’écart n’était que de 0,4 point de PIB. Le ratio de robots industriels pour 100 emplois manufacturiers est de 1,6 en France quand il dépasse 2 pour le reste de la zone euro.
Un processus de relocalisation en Europe pourrait profiter en priorité à la Pologne, à la République tchèque, à la Slovaquie et à l’Allemagne. Ces pays pourraient néanmoins peiner à attirer de nouvelles activités industrielles en raison de leur démographie déclinante. Quoi qu’il en soit, la France devra pour s’industrialiser réaliser un effort important ’investissement et de formation tout en veillant à se repositionner sur le haut de gamme.
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