La France a connu, une croissance honorable de +0,3 % au deuxième trimestre, soit le taux moyen de la zone euro. C’est mieux que l’Allemagne qui, une nouvelle fois, a enregistré un recul de son PIB. C’est, en revanche, moins bien que l’Espagne dont le taux de croissance a été de 0,8 % et qui pourrait être proche de 3 % sur l’ensemble de l’année. Ces derniers mois, la France bénéficie d’un effet « Jeux ». La nécessité de terminer les équipements à temps, ainsi que les besoins en services de sécurité, d’hébergement, de restauration ou de transports, ont porté l’activité. Un contrecoup n’est pas impossible à la fin du troisième trimestre. Quoi qu’il en soit, en avoisinant 1 %, la croissance de 2024 sera bien insuffisante pour amorcer l’assainissement des finances publiques.
Depuis le 26 juillet, l’Union européenne a placé la France, en procédure de déficit public excessif. La Belgique, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie, Malte et la Roumanie sont également concernées. Tous ces pays sont amenés à présenter, d’ici le 20 septembre prochain, leur plan de redressement de leurs comptes publics. À partir de ce plan, la Commission présentera, au mois de novembre, une contre-proposition agrémentée de recommandations. Les Etats ont entre 4 et 7 ans pour respecter les critères de Maastricht : 3 % pour les déficits publics et 60 % pour la dette publique. En cas de non-respect du Pacte de Stabilité et de la trajectoire, la Commission de Bruxelles peut prononcer des sanctions pouvant atteindre 0,1 % du PIB mais, jusqu’à maintenant, aucun Etat membre n’a été sanctionné financièrement.
La France a déjà vécu les affres de la procédure de déficit excessif entre 2009 et 2018, mais c’est la première fois que celle-ci intervient en pleine crise politique de grande ampleur. Depuis le 16 juillet dernier, le gouvernement expédie les affaires courantes. Or, durant l’été, logiquement, le Ministère de l’Economie et Matignon sont censés finaliser les projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale. Les mois d’août et de septembre sont consacrés aux derniers ajustements et arbitrages. Ne connaissant pas, en l’état actuel, l’orientation du futur gouvernement qui devrait être constitué après les Jeux Olympiques, le Ministère de l’Economie est contraint de bâtir des projets à l’aveugle en tentant de respecter une trajectoire conforme aux accords européens.
Sans un minimum de consensus, la France risque d’entrer en terre inconnue durant cet automne.
Pour réduire le déficit public, certainement plus de 5 % du PIB en 2024, des efforts conséquents seront nécessaires, supposant la réalisation d’économies budgétaires et/ou le relèvement des prélèvements, soit autant de mesures impopulaires. Compte tenu de la fragmentation de l’Assemblée nationale en trois blocs, le risque de rejet des projets de loi de finances existe avec à la clef l’adoption possible d’une motion de censure provoquant la chute de gouvernement.
Sans un minimum de consensus, la France risque d’entrer en terre inconnue durant cet automne. À défaut de pouvoir faire adopter dans les temps le projet de loi de finances, le gouvernement pourra demander, en urgence, au Parlement, d’approuver une loi lui permettant de lever les impôts et ainsi ouvrir les décrets d’avance pour les services votés. À défaut, le pays pourrait connaître un « shutdown » à l’américaine. Sans loi de finances en tant que telle, le déficit pourrait continuer sa dérive plaçant la France en mauvaise position tant sur le plan européen qu’au niveau des investisseurs. La crise politique pourrait déboucher sur une crise européenne et financière.
Pour la protection sociale, la situation serait moins tendue car la loi de financement de la Sécurité sociale est avant tout une loi de projection, une loi-cadre. Sa non-adoption n’empêcherait pas de verser les pensions de retraite ou de rembourser les soins. En revanche, cela signifierait qu’aucune mesure de rétablissement des comptes ne serait prise. Or le déficit de la Sécurité sociale pourrait atteindre 16 milliards d’euros en 2024.
L’Allemagne pourrait railler le front des pays exigeant une application stricto sensu du pacte de stabilité.
L’Union européenne s’apprête à vivre un automne tourmentée avec la deuxième économie de la zone euro, la France, confrontée à une double crise, politique et budgétaire, sachant que l’Allemagne, elle-même, connaît depuis près deux ans une stagnation économique. Au gré des fluctuations de la coalition au pouvoir composée de sociodémocrates, d’écologistes et de libéraux, l’Allemagne pourrait railler le front des pays exigeant une application stricto sensu du pacte de stabilité. Ce groupe qui comprend essentiellement les Etats d’Europe du Nord et les Pays-Bas est peu enclin à se montrer conciliant avec la France qui est, avec l’Italie, le pays le plus souvent en situation de déficit excessif.
En cas d’absence de solutions tant à l’intérieur des frontières françaises qu’à Bruxelles, l’euro se dépréciera et les écarts de taux pourraient s’accroître entre l’Allemagne et les autres Etats membres. Quelle sera alors la réaction de la Banque Centrale Européenne et de sa Présidente, Christine Lagarde ?
L’intervention de la BCE en faveur de la France ne pourra intervenir que de manière conditionnelle pour éviter tout soupçon de complaisance ou de complicité. À compter du mois de septembre, les journées à Paris, à Bruxelles ou à Francfort risquent d’être longues…
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