La France et le piège de l’attrition

La France et le piège de l’attrition

La France est le pays le plus socialisé d’Europe, avec des dépenses publiques représentant 57 % du PIB et des prélèvements obligatoires atteignant 43 % du PIB. C’est également, au sein de la zone euro, le pays affichant le déficit public le plus élevé, supérieur à 5 % du PIB. Malgré ce soutien massif, la croissance reste atone, avec moins de 1 % attendu en 2025. 

Les Français anesthésiés par la manne de l’État providence

Les ménages n’en retirent guère de satisfaction sur le plan économique et social, comme le montrent les enquêtes d’opinion et celles de l’INSEE. Depuis plus de quarante ans, les dépenses publiques n’ont jamais réellement reculé. Pourtant, nombre de Français considèrent que les gouvernements appliquent régulièrement des politiques de rigueur. Toute remise en cause d’une dépense publique est vécue comme une régression, voire comme une atteinte à des droits acquis. Les aides destinées aux entreprises ou aux ménages s’accumulent année après année. Il en va de même pour les équipements publics : fermer un musée, même déserté, apparaît comme une incongruité au nom de la défense du patrimoine.

Pendant des décennies, les candidats à l’élection ont vendu du rêve, engendrant inévitablement frustrations et désillusions. Pour en atténuer les effets, les pouvoirs publics sont devenus experts du jeu de bonneteau budgétaire : ils modifient l’affectation de certaines charges, diminuent un impôt pour en augmenter un autre, avec, in fine, un résultat perdant-perdant. Le problème majeur de la France est l’attrition.

Dépenses publiques de protection sociale
Dépenses publiques de protection sociale

Stagnation à la japonaise ?

Implicitement, gouvernants comme citoyens semblent se résigner au choix de la stagnation, alors que la seule voie de sortie passe par l’expansion. Le moteur économique est anémié par une insuffisance de travail, une surrèglementation et une sur-fiscalisation. Si la France affichait le taux d’emploi de l’Allemagne, une grande partie de ses problèmes de finances publiques serait résolue. La crise du logement illustre parfaitement ce malthusianisme ambiant : 500 000 logements devraient être construits chaque année, mais en 2024, seuls 280 000 l’ont été. Les freins sont connus : rareté artificielle du foncier, coûts de construction élevés, fiscalité pénalisante.

Ce déficit se traduit par un poids croissant du logement dans le budget des ménages. Cette situation est d’autant plus durement ressentie que le salaire net médian est faible : 2 300 euros par mois. L’absence de gains de productivité empêche toute progression notable. La spécialisation du pays dans des secteurs à faible valeur ajoutée, notamment les services domestiques, limite les marges de progrès et de croissance.

La fragmentation politique du pays en trois blocs complique plus encore l’adoption de mesures ambitieuses, alors même qu’elles n’ont pas été prises lorsque des majorités absolues existaient à l’Assemblée nationale. La France a besoin d’un véritable choc de croissance tel celui de 1958. Une refonte fiscale s’impose : suppression des niches, adoption d’une assiette large et de taux faibles. Les aides aux entreprises comme aux ménages, devraient être réduites pour simplifier et clarifier l’action publique. La priorité doit être donnée à la taxation des flux, par exemple, les données numériques. Enfin, il faut lever les obstacles à la création et à la production en s’inspirant des modèles irlandais, suédois, danois ou néerlandais.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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