La France dans l’œil du cyclone

La France dans l’œil du cyclone

La France replonge dans une crise politique qui pourrait, dès le 10 septembre, se doubler d’un blocage social. L’incapacité chronique du pays à régler ses problèmes financiers sur fond de croissance atone devient chaque jour plus visible.

En cette rentrée, le nihilisme semble l’humeur dominante d’un peuple gagné par la défiance. Fragmentée, l’opinion hésite entre deux obsessions : d’un côté la lutte contre les inégalités et l’augmentation des impôts sur les « riches » ; de l’autre, la dénonciation de l’immigration, perçue comme la source de tous les maux. Plus qu’un simple désaccord, c’est une crise profonde d’altérité qui mine la Nation.

Latente depuis des décennies, cette crise plonge ses racines dans l’incapacité du pays à s’adapter aux mutations du monde. La tentation d’un retour en arrière idéalisé domine : hier, c’était mieux. Jamais à court de paradoxe, les Français consomment sans retenue des technologies qu’ils récusent dans le discours : le progrès, oui, mais à condition d’en effacer les conséquences.

Chaque difficulté a été confiée à l’État, devenu béquille permanente de la société.

Dans le même temps, l’explosion de la dette publique — la plus lourde d’Europe en valeur absolue — illustre une démission collective : chaque difficulté a été confiée à l’État, devenu béquille permanente de la société. Les aides, prestations et subventions se sont accumulées sans jamais être remises en cause, y compris dans les périodes fastes.

La responsabilité est partagée : une population nourrie d’égalitarisme forcené et des dirigeants succombant aux délices du populisme. Les Français ne peuvent pas ignorer que, dans leur grande majorité, ils profitent d’un système de protection sociale généreux. Le reste à charge pour les ménages en matière de santé est le plus faible d’Europe. Le niveau de vie des retraités y est un des plus élevés et la prise en charge des dépenses d’éducation parmi les plus importantes.

Aux États-Unis, les étudiants sont obligés de s’endetter pour des années afin de financer leurs études. Le réseau de transports publics en France est l’un des plus développés de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Le parc d’HLM et les aides aux logements sont également enviés à l’étranger.

La France en colère
La France en colère ? ©AFP

Malgré des atouts indéniables, la France s’enlise. La croissance disparaît, étouffée sous le poids des prélèvements, de la bureaucratie et d’une méfiance viscérale envers le progrès technique et les élites. Tandis que la productivité progresse aux États-Unis et au Canada, elle stagne, voire recule, chez nous.

La France se contente de consommer les technologies de l’information sans en produire.

Faute de réallocation des ressources, la France se contente de consommer les technologies de l’information sans en produire. Un fossé se creuse de part et d’autre de l’Atlantique.

L’intelligence artificielle n’est certes pas la solution miracle, mais elle alimente déjà une part substantielle de la croissance américaine. La France, elle, a choisi l’attrition. L’argent y circule mal, figé dans des actifs stériles. La consommation est bridée, linvestissement productif insuffisant. Derrière le chiffre flatteur de créations d’entreprises se cache une réalité plus modeste : plus de 60 % sont des micro-activités à faible valeur ajoutée, souvent choisies par nécessité, pour compléter des revenus en berne. Le pays se fragilise, glissant lentement dans une forme de tiers-mondialisation économique et sociale.

La France n’est pas condamnée. Mais la porte de sortie de la spirale passe par une rupture essentiellement sur le terrain mental et collectif. La volonté de s’en sortir collectivement doit prendre le dessus sur l’individualisme et le repli sur soi qui caractérisent actuellement la société française.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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