Pour renforcer la participation électorale des Français de l’étranger, le vote par internet est devenu un outil essentiel. Mais son usage reste parfois complexe. C’est pourquoi l’État développe actuellement une nouvelle solution plus simple et plus accessible. Début novembre, un test grandeur nature a permis d’évaluer ce dispositif en conditions réelles, et de vérifier son accessibilité ainsi que sa fiabilité. Aujourd’hui réservé aux scrutins consulaires et législatifs, ce mode de vote pourrait-il s’étendre à la présidentielle de 2027 ? Pour comprendre les enjeux et les prochaines étapes, Lesfrancais.press a interrogé la Direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE), qui coordonne ce dispositif.
Test du vote par internet pour les Français de l’étranger
Lesfrancais.press : « Entre le 7 et le 10 novembre 2024, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) a mené un test grandeur nature du vote par internet. Quel en était l’objectif principal ? »
Direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE) : « L’objectif de ce test grandeur nature, que nous avons réalisé grâce au concours d’électeurs volontaires répartis sur l’ensemble des circonscriptions à travers le monde, était de faire un premier test de bout en bout d’une nouvelle solution de vote par internet, afin qu’elle soit homologuée en vue de l’élection des conseillers des Français de l’étranger et des délégués consulaires prévue en mai 2026 et des futurs scrutins législatifs et consulaires. »
Lesfrancais.press : « En quoi consiste concrètement cette nouvelle solution de vote en ligne, et quelles nouveautés ce dispositif apporte-t-il aux Français établis hors de France ? »
DFAE : « Cette nouvelle solution intègre de nouvelles fonctionnalités pour faciliter le parcours de l’électeur, en particulier la possibilité de choisir entre plusieurs modes d’authentification :
- soit via l’identité numérique certifiée adossée à la carte nationale d’identité électronique (CNIe);
- soit en utilisant un identifiant reçu par courriel et un mot de passe reçu par SMS, comme avec la solution actuelle.
On a également testé lors de ce premier test grandeur nature la possibilité d’envoi des codes réassorts avec un système de messagerie instantanée, pour les électeurs qui ne reçoivent pas leur mot de passe.
« Cette nouvelle solution intègre de nouvelles fonctionnalités
pour faciliter le parcours de l’électeur, en particulier la possibilité de choisir entre plusieurs modes d’authentification ».
Direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE)
Le portail de vote intègre par ailleurs la nouvelle charte graphique de l’État définie par la Direction interministérielle du numérique et le Service d’information du Gouvernement dans la circulaire N°6411/SG de juillet 2023 en vue de l’amélioration de la lisibilité des sites internet de l’État et de la qualité des démarches numérique.
La mobilisation des Français de l’étranger pour ce test du vote par Internet
Lesfrancais.press : « Combien de volontaires ont participé à ce test grandeur nature ? Et quels premiers enseignements le MEAE tire‑t‑il de cette expérimentation ? »
DFAE : « Grâce à la mobilisation de nos postes diplomatiques et consulaires, environ 13 000 électeurs se sont portés volontaires, parmi lesquels plus de 3 500 ont voté à l’occasion de ce scrutin fictif.

Nous travaillons actuellement, avec le concours de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), d’experts indépendants, du prestataire Voxaly-Docaposte qui fournit la solution de vote, mais aussi de la direction du numérique du ministère et des membres du bureau de vote électronique, sur l’analyse des données à l’issue de ce test, notamment sur la base d’un questionnaire qui a été adressé à l’ensemble des électeurs volontaires et des postes diplomatiques et consulaires.
Vote internet : quel risque pour les résultats d’une l’élection ?
Lesfrancais.press : « Plusieurs élections législatives de 2017 et 2022 ont été annulées pour les Français de l’étranger en raison de difficultés techniques liées au vote par internet. Ce risque persiste‑t‑il aujourd’hui, et comment peut‑il être mieux maîtrisé ? »
DFAE : « Le cas des élections législatives de 2017 et de celles de 2022 sont très différents, il est important d’apporter des précisions. En 2017, c’est en amont des élections législatives qu’il a été décidé par l’ANSSI, à la suite de dysfonctionnements constatés durant un test grandeur nature justement, de ne pas mettre à la disposition des Français de l’étranger la modalité de vote par internet, afin de garantir la sécurité des opérations électorales.
« La mise en œuvre du vote par internet est entourée de solides garanties techniques et juridiques et de contrôles renforcés ».
Direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE)
En 2022, ce sont des difficultés techniques liées à la réception, dans certains pays, des sms contenant les mots de passe pour pouvoir voter par internet qui ont conduit à l’annulation d’élections dans deux circonscriptions sur les onze circonscriptions législatives des Français de l’étranger. Des élections législatives partielles ont dû être organisées en 2023, qui ont confirmé les résultats des élections de 2022, et aucune annulation n’a été prononcée par le Conseil constitutionnel à l’issue de ces élections, ni à l’issue des élections législatives anticipées de 2024 (l’annulation intervenue dans la 5ème circonscription des Français établis hors de France n’avait aucun rapport avec le vote par internet). Dans le cadre du travail de maîtrise des risques effectué par les équipes en charge du vote par internet, le MEAE est accompagné d’experts de l’ANSSI durant toutes les phases de préparation du marché, d’analyse des offres puis de développement de la solution de vote par le prestataire retenu, ainsi que pendant toutes les opérations de vote, jusqu’au dépouillement de l’urne électronique.
Lesfrancais.press : « Quelles sont les mesures mises en place pour éviter les cyber-attaques lors des opérations électorales élections ? Comment rassurer nos compatriotes qui aujourd’hui encore pensent que leur bulletin de vote déposé dans une urne électronique peut être piraté au moment du résultat ? »
DFAE : « La mise en œuvre du vote par internet est entourée de solides garanties techniques et juridiques et de contrôles renforcés en amont de l’ouverture du portail de vote et durant toutes les opérations de vote. Avant d’être proposée aux électeurs, la solution de vote actuelle a fait l’objet d’une homologation, après avis conforme d’une commission composée de représentants de l’administration, de l’ANSSI et d’élus de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE). Cette procédure d’homologation permet de garantir que toutes les mesures, techniques et non techniques, ont été prises afin de permettre la sécurisation du système d’information utilisé. Pour ce faire, l’avis des différents experts en informatique et en sécurité des systèmes d’information (SSI) est sollicité.

Par ailleurs, toutes les opérations de vote sont supervisées par un expert indépendant et par un bureau de vote électronique, présidé par un membre du Conseil d’État et composé d‘élus de l’Assemblée des Français de l’étranger, de représentants du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, du ministère de l’Intérieur et de l’ANSSI.
Vote par internet et élections présidentielles
Lesfrancais.press : « Lors de la 30e conférence des ambassadrices et des ambassadeurs en janvier 2025, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot a déclaré que le « vote par internet sera étendu à tous les scrutins ». Cela signifie-t-il que la prochaine élection présidentielle pourrait aussi proposer un dispositif de vote par internet pour les Français de l’étranger ? »
DFAE : « A ce jour, le code électoral ne prévoit la possibilité de voter par internet, pour les Français de l’étranger, que pour deux types d’élections : les élections législatives et les élections des conseillers des Français de l’étranger et des délégués consulaires. Nous travaillons actuellement en interministériel et avec les experts en informatique et en sécurité des systèmes d’information pour évaluer dans quelles conditions, du point de vue technique et juridique, une extension du vote par internet pourrait être envisagée pour d’autres scrutins.
Lesfrancais.press : « Ce dispositif de vote par internet destiné aux Français de l’étranger pourrait‑il, à terme, être également déployé sur le territoire national pour les électeurs résidant en France ? Est‑ce un objectif envisagé ? »
DFAE : « Il ne revient pas au ministère de l’Europe et des affaires étrangères de se prononcer sur l’organisation des scrutins sur le territoire national, qui relève du ministère de l’Intérieur. En tant que membre du Bureau de vote électronique, le ministère de l’Intérieur accompagne également les opérations menées dans le cadre du vote par internet mis en place au bénéfice des électeurs français à l’étranger. »
Cette interview exclusive accordée par la Direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE) explique ainsi les raisons du test grandeur nature pour rendre le vote par internet plus accessible, tout en garantissant la sécurité des scrutins électoraux. Un enjeu majeur pour la participation démocratique de nos compatriotes établis hors de France.
Auteur/Autrice
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Jérémy Michel est rédacteur en chef adjoint du média Lesfrancais.press. Il est également coach en développement personnel et formateur en communication. Jérémy a auparavant travaillé au sein de diverses institutions politiques françaises et européennes. Il a aussi été en charge des affaires publiques d’un grand groupe spécialisé dans la santé.
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