Fonds de relance : la Cour des comptes européenne met en garde contre « l’irrégularité, voire la corruption »

Fonds de relance : la Cour des comptes européenne met en garde contre « l’irrégularité, voire la corruption »

La Cour des comptes européenne a averti que la stratégie de la Commission européenne consistant à s’appuyer sur les États membres pour s’assurer que l’argent de la facilité pour la reprise et la résilience est correctement dépensé augmentait le « risque d’irrégularité, voire de corruption ».

La Cour des comptes européenne (CCE) a émis dans une déclaration écrite mardi (19 mars) de «sérieuses réserves » sur le déboursement des 723,8 milliards d’euros de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR). Le président de la CCE, Tony Murphy, a affirmé que l’exécutif de l’UE ne la contrôlait pas de la même manière que les dépenses du budget ordinaire.

« Il y a moins de contrôle et d’autosurveillance [de la part des États membres], et donc un risque plus élevé d’irrégularité ou même de corruption », a déclaré M. Murphy. « Il y a beaucoup d’argent dans le système, nous sommes donc naturellement inquiets. »

« Nos rapports montrent que nous ne pouvons pas encore nous fier entièrement au travail des organismes nationaux lorsqu’il s’agit de contrôler les fonds de l’UE. Nous émettons donc de sérieuses réserves », a-t-il ajouté, faisant référence à une étude récente de la CCE sur le cadre de suivi de la performance de la FRR.

D’une valeur d’environ 4 % du PIB annuel de l’Union, la FRR a été adoptée au plus fort de la pandémie de Covid-19 en décembre 2020 et comprend 338 milliards d’euros de subventions et 385,8 milliards d’euros de prêts, financés par une dette souscrite conjointement par les États membres.

Les fonds, dont la date limite pour les demandes nationales devrait expirer en 2026, sont destinés à stimuler les économies des États membres après la pandémie et à financer des investissements essentiels dans les transitions écologique et numérique en échange de réformes ciblées.

Jusqu’à présent, 224,4 milliards d’euros ont été versés aux États membres de l’UE, dont la majeure partie sous forme de subventions (144,2 milliards d’euros) plutôt que de prêts (80,2 milliards d’euros). Ces fonds ont été utilisés avec empressement par plusieurs États membres, mais pas tous, en particulier l’Italie et l’Espagne, les troisième et quatrième économies de l’Union.

Cour des comptes européenne
Équivalant à environ 4 % du PIB annuel de l’Union, la FRR a été adoptée au plus fort de la pandémie de Covid-19 en décembre 2020 et comprend 338 milliards d’euros de subventions et 385,8 milliards d’euros de prêts, financés par une dette souscrite conjointement par les États membres. [EP PHOTO]

Un mécanisme frauduleux ?

Ce n’est pas la première fois qu’un organe de l’UE exprime ouvertement ses craintes quant à l’utilisation abusive des fonds de la FRR.

En décembre dernier, les membres de la commission du Contrôle budgétaire du Parlement européen se sont déclarés « préoccupés par la protection insuffisante des intérêts financiers de la FRR ».

Les eurodéputés ont pointé du doigt « défaillances des systèmes de déclaration et de contrôle des États membres » ainsi que « différences significatives entre les rapports des États membres et le suivi des suspicions de fraude ».

Ils ont également invité la Finlande, l’Irlande et la Pologne à « montrer qu’elles prennent au sérieux la protection des fonds européens ».

De même, en 2022, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a signalé qu’au cours de l’année précédente, il avait « détecté et enquêté sur des cas » de fraudes ciblant « des projets environnementaux ainsi que le financement de la numérisation », qui sont tous deux des éléments clés de la FRR.

Malgré ces avertissements, le vice-président exécutif de la Commission, Valdis Dombrovskis, a suggéré le mois dernier que l’organe exécutif de l’UE devrait essayer d’exercer moins, et pas plus, de contrôle sur le versement des fonds de la FRR.

Lors d’une conférence de presse présentant l’évaluation à moyen terme de la facilité par la Commission, M. Dombrovskis a souligné que les « retours d’information » des États membres suggèrent « qu’il est possible d’accroître la flexibilité et la simplification » dans « l’accumulation des exigences en matière de collecte de données à des fins d’audit et de contrôle ».

Les remarques de M. Dombrovskis font suite à une analyse du Financial Times soulignant les obstacles considérables à l’utilisation des fonds de la FRR, principalement dus aux délais administratifs et aux longs processus d’approbation des réformes structurelles, qui conditionnent le déboursement des fonds de la FRR au niveau national.

M. Dombrovskis a appelé les États membres à développer une « capacité administrative suffisante pour s’assurer que les fonds de la FRR sont correctement gérés, absorbés et utilisés de manière optimale ».

Il a également fait l’éloge de l’initiative « révolutionnaire » pour ses « retombées [qui] sont claires et tangibles », soulignant la recherche menée par l’Institut national pour la recherche économique et sociale basé au Royaume-Uni qui a estimé que la FRR avait augmenté le PIB de l’UE de 0,4 % en 2022 — bien que ce chiffre soit nettement inférieur aux précédentes projections de la Commission.

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