Florent Coury, ce Français de Bruxelles qui prend les armes aux côtés des Ukrainiens - Rencontre

Florent Coury, ce Français de Bruxelles qui prend les armes aux côtés des Ukrainiens - Rencontre

Florent Coury est arrivé depuis la veille à l’ouest de l’Ukraine. Et sa formation militaire vient de débuter. Elle est « assurée par des Géorgiens ». Mais on n’en saura pas plus. Son souci de discrétion est légitime. Il répond simplement que ses nuits sont agitées « à raison de quatre alertes aériennes par nuit » et qu’il va bientôt recevoir une Kalashnikov.

Florent est le premier de ces volontaires français qui sont allés rejoindre la légion internationale sur le sol ukrainien, « ligne de front de nos démocraties ».

« Entre l’agresseur et l’agressé, le fort et le faible, l’envahisseur et celui ou celle qui défend sa maison, il ne peut y avoir d’hésitations ou de doutes : la cause de l’Ukraine est celle de tous les peuples libres, «l’ultime occasion de régénérer nos démocraties ».

Florent Coury sur Facebook

Comme il a pu l’écrire dans un long message explicatif publié sur Facebook où il fait part des doutes de ses proches devant son départ mais aussi de sa grande détermination puisée dans un patriotisme nourri des valeurs de la Révolution française et de son universalité.

Un expatrié qui a répondu à l’appel du Président Zelensky

Il y a quelques semaines encore, ce père de famille veillait sur ses enfants en bas âge, occupait des fonctions de cadre supérieur auprès d’un grand groupe français et vivait avec sa famille dans une demeure bourgeoise de la capitale bruxelloise. Il envisageait même de se porter candidat sur une circonscription législative. Son combat a changé de nature. Il ne sera pas électoral à proprement parler mais visera à la défense des démocraties et de l’Europe. Florent a souhaité jouer la transparence et a expliqué ses motifs sur LinkedIn où son message a reçu plus de 20 000 likes. Une sorte d’approbation collective à ce choix qui n’est pas sans risques dans un conflit où l’on compte déjà des morts civils et militaires et où les premières exactions sont signalées. 

Si Florent est pour l’instant le seul Français de son groupe militaire, ce sont cependant des centaines de compatriotes qui  songent à l’engagement. Héros virtuels trop tôt biberonnés aux jeux vidéos ou aspirations plus profondes à participer à une cause élevée ? Le président Zelensky qui a annoncé récemment la création d’une « Légion internationale » et a appelé les étrangers à rejoindre « la résistance aux occupants russes » a été entendu dans l’Europe entière et au delà. Dans l’hexagone l’ambassade d’Ukraine en France reçoit d’ailleurs des dizaines d’appels quotidiens et fournit aux impétrants un document permettant de baliser le départ et l’engagement des volontaires étrangers.

Le pouvoir fédérateur des réseaux sociaux 

Sur Facebook, le groupe des volontaires français en Ukraine réunissait déjà plus de 8000 membres après avoir été créé seulement le 24 février, jour du déclenchement des hostilités. Ses administrateurs ont passé le groupe sous statut privé pour protéger probablement l’identité de ses membres. Ugo et Arno Pellegrini qui administrent le groupe sont originaires du Nord de la France. Ugo a 22 ans, ne parle ni russe ni réellement anglais mais aurait servi 6 mois sous les drapeaux. Il annonce que 250 personnes seraient prêtes à s’engager en Ukraine. Si ce chiffre grossit chaque jour il est difficile de connaître le nombre de départs réels en sachant qu’il est peu probable que ces volontaires pensent à s’immatriculer auprès de l’Ambassade de France à leur arrivée sur place.

Ni les administrateurs ni les modérateurs de ce groupe Facebook ne semblent avoir de vécu militaire poussé et c’est donc une réponse citoyenne, spontanée, s’appuyant sur des motifs variés, à laquelle on assiste. Des nouveaux gilets jaunes… et bleus en quelque sorte.

Sur le sol ukrainien, certains vont vouloir rejouer les mythiques « brigades internationales » de la guerre d’Espagne de 1936 en présentant les Russes comme les nouveaux fascistes. La Russie a annoncé que les occidentaux volontaires ne bénéficieraient pas du statut et de la protection des prisonniers de guerre. Une façon d’endiguer les vocations militaires en effrayant ces jeunes Européens sans expérience de la guerre ? 

Quand je lui parle de 36, Florent badine. Le qualificatif de « Malraux du 10ème », du nom de son arrondissement parisien de naissance, pourrait lui convenir s’il avait vraiment le coeur à plaisanter. Mais l’homme, en train de rentrer dans la peau du soldat, est dans une phase d’adaptation à son environnement.

Derrière la figure de Républicain internationaliste qu’est ce volontaire français, d’autres profils inquiètent davantage les services de renseignements français qui sont à pied d’oeuvre depuis quelques jours pour observer et analyser les filières de recrutements en cours et les départs effectifs.

L’Ukraine, une base arrière pour l’extrémisme ? 

Si cette guerre attire des patriotes et des idéalistes, le conflit a sa force d’aspiration pour des extrémistes de tout poil. D’autant qu’il a débuté en 2014 et qu’il a permis à  des réseaux d’extrême droite  de se déployer des deux côtés du conflit.  Des membres pro-russes sont ainsi présents dans le Donbass depuis 2014 et des Français proches du RN ou de la tendance Philippot souverainiste et russophile pourraient aussi être sur place. Il y a de l’autre côté des groupes étrangers pro-ukrainiens uniates, comme pendant le conflit en Croatie des années 90, qui se mobilisent sur la base de leur détestation des Orthodoxes. On compte aussi des djihadistes anti-Assad très revanchards après que la Russie soit intervenue en Syrie pour sauver le régime en place. Ils sont intégrés dans les bataillons ukrainiens les plus radicaux comme le « fameux » régiment Azov, clairement néo-nazi. Des islamistes du Caucase qui ont l’habitude du maniement des armes pourraient compléter cette triste galerie de combattants qui possèdent des arrières pensées et qui ne combattent pas pour la démocratie.

Notre rédaction souhaite à Florent et à nos compatriotes de rentrer, à terme, sains et saufs chez eux. Et de se signaler auprès des autorités consulaires françaises à leur arrivée en Ukraine pour être identifiés en cas de difficultés.

Auteur/Autrice

  • Boris Faure est l'ex 1er Secrétaire de la fédération des expatriés du Parti socialiste, mais c'est surtout un expert de la culture française à l'étranger. Il travaille depuis 20 ans dans le réseau des Instituts Français, et a été secrétaire général de celui de l'île Maurice, avant de travailler auprès des Instituts de Pologne et d'Ukraine. Il a été la plume d'une ministre de la Francophonie. Aujourd'hui, il collabore avec Sud Radio et Lesfrancais.press, tout en étant auteur et représentant syndical dans le réseau des Lycées français à l'étranger.

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