La France est de plus en plus dans l’œil du cyclone avec un déficit public qui s’est accru en 2023 et dont la résorption apparaît bien difficile à réaliser. Quel avenir pour nos finances publiques ?
La campagne électorale des législatives a occulté les problèmes financiers, les candidats comme les électeurs pratiquant un réel déni. Le taux d’intérêt réel à 10 ans sur les emprunts d’État après avoir été négatif de 2015 à 2023 est redevenu positif. Il s’élevait à 1 % au premier semestre 2024. Avec la baisse de l’inflation et la détérioration de la signature française, ce taux pourrait progresser dans les prochains mois. Dans le même temps, la croissance potentielle française est de plus en plus faible, soit un peu moins de 1 %, cette tendance étant accentuée par la diminution de la productivité.
La France est dans l’incapacité de stabiliser sa dette publique
Puisque le taux d’intérêt réel à long terme est voisin de la croissance potentielle, la stabilité du taux d’endettement public exige, à long terme, une absence de déficit public primaire. Or le déficit public primaire a atteint plus de 7 % en 2020. Il a été de 4 % en 2023 et devrait s’élever à 3 % du PIB en 2024. En l’état actuel, la France est dans l’incapacité de stabiliser sa dette publique. Bien au contraire, cette dernière pourrait s’emballer.
Pour se préserver de ce risque, l’État doit rapidement ramener son déficit primaire à 0 %. Cette diminution du déficit public suppose, selon Patrick Artus, l’économiste de Natixis, une réduction des dépenses publiques ou un relèvement de la pression fiscale de 6 points de PIB. Ce calcul intègre les effets directs et indirects de la réduction du déficit sur la croissance. L’ajustement budgétaire nécessaire serait sans précédent. Si l’inflation est de 2 %, il correspondrait à un gel de l’ensemble des dépenses publiques en termes nominaux, en valeur, pendant près de 6 ans. Or, dans le même temps, les besoins en matière de santé, de retraite, de défense, d’éducation ou pour la transition écologique sont en hausse.
Sans remise en cause des prestations sociales, il apparaît difficile de réduire à néant le déficit primaire, sachant que ces dernières représentent plus de 25 % du PIB.
Dépenses publiques, une spécificité française ?
La France se caractérise par un haut niveau élevé de dépenses publiques, plus de 57 % du PIB en 2023. Il s’agit d’un des plus élevés de l’Union européenne. L’importance des dépenses publiques en France est à la fois la conséquence de leur augmentation permanente et d’une faible croissance du PIB. Les dépenses publiques françaises sont passées de 54 à 57 % du PIB de 2002 à 2023 quand elles sont restées stables en Allemagne, autour de 48 % du PIB. Sur l’ensemble de la zone euro (hors France), elles sont passées sur la même période de 45,5 à 48 % du PIB et sont 9 points au-dessous du niveau de la France.
Les dépenses publiques élevées de la France sont dues à l’anémie de l’économie. Plus le PIB est faible, plus leur poids relatif est important.
Le bas niveau du taux d’emploi des 15/64 ans joue un rôle important dans le poids excessif des dépenses publiques. En 2023, celui-ci était de 68 % en France, contre 71 % en zone euro (hors France) et 78 % en Allemagne. Un faible taux d’emploi signifie un déficit de production et un surcroît de dépenses publiques (prestations sociales). L’écart entre les taux d’emploi français et allemand est responsable d’un déficit de PIB de 10 points. Si le taux d’emploi était le même en France qu’en Allemagne, à niveau de dépenses publiques inchangé, le poids des dépenses publiques dans le PIB descendrait à 51 % en France. Toute mesure allant à l’encontre de l’augmentation du taux d’emploi risquerait d’accroître encore plus le poids des dépenses publiques en France et donc le déficit public.
Par ailleurs, la France a tendance à dépenser plus que ses partenaires que ce soit en matière de santé, de retraite, de logement, d’éducation, d’aides aux entreprises et de défense. En 2023, la France a consacré 9,2 % de son PIB aux dépenses publiques de santé, contre 8,5 % pour l’Allemagne et 7,6 % pour la zone euro (hors France).
Sur la même période, : les dépenses publiques d’éducation représentaient 5,3 % du PIB en France, contre 4,5 % en Allemagne et pour la zone euro (hors France) ; les dépenses publiques pour la famille et les enfants s’élevaient à 2,3 % du PIB en France, contre 1,8 % en Allemagne et 1,5 % en zone euro (hors France) ; les dépenses publiques de défense étaient de 1,8 % du PIB en France contre 1,2 % en Allemagne et 1 % en zone euro (hors France) ; le poids des dépenses de retraite dans le PIB était de 13,5 % en France, contre 10 % en Allemagne et en zone euro (hors France). Seule l’Italie enregistre un ratio de dépenses de retraite sur la PIB supérieur (14 %).
Les dépenses de retraite sont particulièrement élevées en France en raison des départs précoces. Le taux d’emploi des 60/64 ans était de 38 % en 20223, contre 62 % en Allemagne et de 52 % en zone euro (hors France). Le taux d’emploi des 65/69 ans atteignait, en France, en 2022, 10 % contre 20 % en Allemagne.
Le système public de retraite est plus généreux que celui des autres pays où la capitalisation joue un rôle plus important. Le montant des dépenses de retraite par retraité est de 19 500 euros par an en France (2021), contre 18 000 en Allemagne.
22 % d’emplois publics, contre une moyenne 18 % au sein de l’OCDE.
Parmi les autres facteurs de dépenses en France, figurent le nombre élevé de fonctionnaires et la présence de nombreux niveaux de collectivités territoriales. En 2022, la France comptait 22 % d’emplois public, contre une moyenne 18 % au sein de l’OCDE.
Pour revenir dans la moyenne de la zone euro, en matière de dépenses publiques, la France est condamnée à accroître le volume de son PIB en augmentant le volume de travail et à réduire drastiquement plusieurs postes de dépenses, ce qui sera impopulaire.
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