Le Parlement européen a adopté mercredi (13 décembre) un texte de révision du règlement sur le géoblocage des contenus numériques au sein du marché unique. Le secteur audiovisuel a été exclu dans un amendement ajouté à la dernière minute.
En 2018, le Parlement européen a décidé d’interdire le géoblocage, c’est-à-dire de discriminer l’accès à des contenus suivant la localisation d’une personne. Les systèmes de géoblocage bloquent ou autorisent l’accès à des contenus en fonction du territoire où se trouve l’utilisateur.
Mercredi (13 décembre), à la suite d’une évaluation du règlement par la Commission remontant à 2020, les eurodéputés ont plaidé en faveur d’une réévaluation des règles de l’UE en matière de géoblocage, compte tenu de l’augmentation des achats en ligne depuis plusieurs années.
L’eurodéputée polonaise Beata Mazurek du groupe de droite souverainiste des Conservateurs et réformistes européens (CRE), rapporteure du dossier, a déclaré avant le vote dans son discours que « le règlement sur le géoblocage supprimera les barrières injustifiées pour les consommateurs et les entreprises opérant au sein du marché unique ».
« Nous devons faire quelque chose en ce qui concerne les paiements en ligne et mettre fin à la discrimination fondée sur la nationalité ou le lieu de résidence. Lorsque des achats sont effectués sur internet, les barrières doivent être supprimées. Nous devons avoir le droit absolu d’accéder à une meilleure sélection de biens et de services en Europe », a-t-elle déclaré.
Bien que le texte original du règlement interdisait le blocage géographique, notamment pour des raisons de discrimination, comme présenté par Mme Mazurek, un nouvel amendement va à l’encontre de cette interdiction, affirmant que la fin du géoblocage entraînerait au contraire une perte de revenus et des prix plus élevés pour les consommateurs.
Contenu audiovisuel
Selon Mme Mazurek, lutter contre la discrimination par les prix nécessite de faciliter les diffusions transfrontalières et de faciliter l’accès aux films, aux séries et aux événements sportifs dans la langue maternelle de l’utilisateur. « La Commission devrait évaluer attentivement les possibilités de mise à jour des règles actuelles et apporter le soutien nécessaire aux besoins du secteur audiovisuel », a-t-elle ajouté.
Toutefois, dans un amendement de dernière minute adopté lors du vote en plénière, l’eurodéputée Sabine Verheyen, membre influente de la Commission de la culture et de l’éducation (CULT) au Parlement, a complètement inversé la formulation s’appliquant au secteur audiovisuel, notamment pour les films diffusés sur les plateformes de streaming.
Selon l’eurodéputée, la suppression du géoblocage dans ce domaine « entraînerait une perte significative en termes de revenus, mettant en péril l’investissement dans de nouveaux contenus, tout en érodant la liberté contractuelle et réduisant la diversité culturelle au niveau de la production, de la distribution, de la promotion et de l’exploitation des contenus ».
Elle souligne également que l’inclusion du secteur audiovisuel dans la réforme du règlement se traduirait par « moins de canaux de distribution » et qu’en fin de compte, les consommateurs se mettraient à payer plus cher.
Mme Mazurek a déclaré avant le vote que, bien que le rapport aborde le matériel audiovisuel, elle « souhaiterait que cela se fasse de manière progressive, en gardant à l’esprit les circonstances particulières relatives au secteur créatif ».
« Nous voulons examiner la position des parties concernées sans menacer le mode de financement des projets culturels. Cela peut être considéré comme une approche révolutionnaire, mais nous devons tenir compte des progrès technologiques et du fait que les besoins des consommateurs ont changé au cours des dernières années », a expliqué l’eurodéputée.
Cependant, le vote de mercredi (13 décembre) sur l’amendement de Mme Verheyen stipule le contraire de ce qu’y était initialement proposé, les eurodéputés étant désormais opposés à l’interdiction du géoblocage pour les contenus audiovisuels.
Grégoire Polad, directeur général de l’Association des Télévisions Commerciales et des Services de Vidéo à la demande en Europe (ACT), a souligné que le Parlement européen et le Conseil de l’UE « ont maintenant clairement indiqué qu’il n’y a aucun soutien politique pour une quelconque inclusion présente ou future du secteur audiovisuel dans le champ d’application du règlement sur le géoblocage ».
Cependant, le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) s’est opposé à l’exclusion du secteur audiovisuel et créatif du règlement régulant le géoblocage, appelant les responsables politiques à rendre le contenu audiovisuel disponible de manière transfrontalière.
Un porte-parole de la Commission a déclaré à Euractiv qu’ils étaient conscients du «débat en cours » et qu’ils « analyseraient soigneusement son contenu, y compris les propositions liées au contenu audiovisuel », une fois le texte adopté.
« La Commission s’est engagée dans un dialogue avec le secteur audiovisuel dans le but d’identifier des solutions menées par l’industrie pour améliorer la disponibilité et l’accès transfrontalier au contenu audiovisuel à travers l’UE », a expliqué le porte-parole.
Ce dialogue avec des acteurs s’est achevé en décembre 2022, et la Commission examinera les conclusions qui en ont été tirées dans le cadre du prochain bilan du règlement sur le géoblocage.