Fin de cycle pour la Chine ?

La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine a pris un nouveau tournant avec le risque pour Huawei de ne plus pouvoir utiliser les solutions informatiques d’Alphabet (Google). L’expansion de ces quarante dernières années reposant sur les exportations et sur l’éclatement des chaines de production semble arriver à son terme. Les contraintes environnementales, le retour du nationalisme économique dans un grand nombre de pays ainsi que l’augmentation des coûts de production obligent les autorités chinoises à revoir leur modèle de croissance. Le changement de cap est à l’ordre du jour depuis le début des années 2010.

Le développement du marché intérieur et des services constitue la réponse à ce défi qui se double d’un problème structurel de grande ampleur : le vieillissement de la population.

La Chine est un pays émergent avec un PIB par habitant de 8 827 dollars contre 59 928 dollars aux États-Unis 38 484 pour la France. Le rattrapage a été impressionnant même s’il demeure partiel car le PIB par habitant chinois n’était que de 318 dollars en 1990, quand celui des États-Unis était alors de 23 954.

Vieillissement démographique

En matière démographique, en revanche, la Chine est en train de s’aligner sur le modèle occidental. Ainsi, le taux de fécondité chinois est de 1,6 enfant par femme (2016) quand il est de 1,8 aux États-Unis ou en France. Le vieillissement démographique qui se traduit par la stagnation de la population active aura des incidences importantes sur le plan économique. La Chine devra faire face à une augmentation forte de ses dépenses sociales et à une pénurie de main d’œuvre dans les prochaines années. Pour assurer la poursuite de son expansion, elle sera contrainte de favoriser un développement à l’Allemande en jouant sur les exportations haut de gamme et d’accroître les revenus de ses placements financiers.

La Chine investit à l’étranger

Tant par souci de diversification de leurs sources de revenus que pour maîtriser leurs chaînes de valeur, les entreprises chinoises prennent de plus en plus de participations à l’étranger. La réalisation de la Nouvelle Route de la Soie nécessite des investissements importants au niveau des infrastructures dans des pays étrangers. Les entreprises chinoises prêtent de l’argent à des opérateurs nationaux ou acquièrent des entreprises, des ports, des aéroports, des mines, des domaines agricoles, etc., pour sécuriser leurs importations et pour garantir leurs exportations. Les investissements directs à l’étranger qui étaient quasi nuls en 1998 dépassent désormais les 100 milliards de dollars par an. En 2017, le stock d’investissements chinois était de 87 milliards de dollars en Amérique du Nord, de 387 milliards en Amérique Latine, de 111 milliards en Europe et de 1 139 en Asie. Les participations en Afrique représentaient 43 milliards de dollars. Au total, l’ensemble des stocks d’investissements directs s’élevait à 1 810 milliards de dollars.

Les réserves de change baissent

Ces investissements sont rendus possibles par le montant des excédents courants de la Chine et par le fort taux d’épargne. Le solde de la balance courante est positif de 3 à 4 % du PIB et le taux d’épargne dépasse 45 % du PIB. Jusqu’en 2013, la Chine a augmenté ses réserves de change. Elles étaient passées de 200 à 4 000 milliards de dollars de 1998 à 2013. Depuis, elles sont en baisse. Elles ne s’élevaient plus qu’à 3 200 milliards de dollars en 2018. Cette baisse est imputable aux sorties de capitaux opérées par les agents économiques. Elle est la contrepartie des investissements directs effectués à l’étranger.

Le vieillissement démographique devrait entraîner la disparition de l’excès d’épargne de la Chine. La population de plus de 60 ans devrait doubler de 2018 à 2040 pour représenter 30 % de la population et 60 % de la population de 20 à 59 ans. À défaut de recourir à une importation de main d’œuvre étrangère, ce vieillissement devrait provoquer une diminution du taux d’épargne. Le montant des pensions à délivrer augmentera quand, dans le même temps, la proportion d’actifs sera moindre. Les coûts salariaux augmenteront, diminuant d’autant la compétitivité de la Chine. Le taux d’épargne de la nation chinoise a commencé à diminuer. Il est passé de 52 à 45 % du PIB de 2007 à 2018.

Diminution du taux d’épargne

Pour poursuivre son développement, la Chine sera contrainte de monter en gamme assez rapidement et de compter davantage sur son marché intérieur. La montée du protectionnisme et l’augmentation des coûts salariaux remettent en cause le développement par des exportations à faible prix.

La période qui s’est ouverte en 1978 avec l’aide des États-Unis semble se refermer. En effet, ce sont les Américains qui ont insisté pour faire bénéficier à la Chine de règles favorables en matière d’exportation. Si la Chine est incapable de repositionner son appareil productif, ses excédents extérieurs et son épargne pourraient se tarir. Cela conduirait à une diminution de ses investissements directs à l’étranger en entreprises ou en infrastructures. Les pouvoirs publics américains, après avoir longtemps parrainer le développement chinois, veulent le contrarier, l’affaiblir afin de conserver leurs positions dominantes.

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