Faut-il ouvrir la boîte de Pandore ? Et annuler la dette

Faut-il ouvrir la boîte de Pandore ? Et annuler la dette

Pourquoi nous priverions-nous de la possibilité d’annuler la dette « Covid» détenue par les banques centrales, étant rappelé qu’elle appartient aux Etats et donc aux peuples ? 

Cette annulation serait d’autant plus facile à réaliser qu’elle ne porterait a priori pas préjudice aux épargnants. Les avocats de cette thèse soulignent, par ailleurs, que dans le passé de nombreuses annulations de dettes ont été orchestrées. L’Allemagne n’a-t-elle pas bénéficié d’un tel geste en 1954 concernant la dette dont elle était redevable au titre des réparations de la Première Guerre Mondiale ? Ce souhait serait d’autant plus légitime qu’ainsi les Etats pourraient à nouveau s’endetter afin de financer la transition énergétique. Comment ne pas adhérer à cette proposition ?

Avantage aux pays riches 

Au-delà de son caractère généreux, l’affranchissement par les Etats des règles de bonne gestion en monétisant à l’infini leurs déficits publics est en soi profondément inégalitaire et provoquerait des réactions en chaine explosives. L’annulation profiterait avant tout aux Etats dont les banques centrales peuvent engager des processus indirects de monétisation des dettes tout en ne portant pas atteinte au crédit de leur monnaie. Seules les banques centrales des pays les plus riches peuvent monétiser indirectement la dette publique. Celles des pays émergents ou en développement n’ont pas cette faculté. En vertu de quoi ces pays fortement touchés par la crise sanitaire ne pourraient pas bénéficier du processus d’annulation ? Pourquoi les pays riches pourraient se soustraire à l’obligation de rembourser tout en encaissant les traites des pays pauvres ? 

Si les Etats annulaient leurs dettes, les ménages et les entreprises endettés ne demanderaient-ils pas eux-aussi à ne plus rembourser ? L’effacement ne serait réalisable à la limite que dans le cadre d’un accord global de tous les pays, accord qui serait bien délicat à obtenir. Pour la seule zone euro, les pays dits vertueux devraient accepter une mesure qui favoriserait les Etats cigales.

Au-delà de la question de la zone euro, l’effacement des dettes mondiales pourrait être assimilé à un acte anti-concurrentiel. Les Etats ayant pu le pratiquer disposerait de marges de manœuvre accrues en matière de dépenses publiques et pourraient soutenir encore plus leur économie quand les autres maintiendraient des politiques rigoureuses. La monnaie des premiers se déprécieraient quand celle des seconds s’apprécieraient. Ces variations déstabiliseraient le commerce international. Nous renouerions ainsi avec les sinistres pratiques de l’Entre Deux Guerres.

Augmentation brutale des taux 

Une annulation des dettes publiques serait également contreproductive car un grand nombre d’épargnants pourraient par ricochet être pénalisés. Elle provoquerait, en effet, une augmentation rapide des taux d’intérêt pouvant provoquer une crise obligataire de grande ampleur. Le marché, les banques, les assureurs, les épargnants restent, les principaux détenteurs et acquéreurs de titres publics. 

Après l’annulation de ceux détenus par les banques centrales, synonyme de défaut de paiement organisé, les investisseurs craindraient d’être les prochaines victimes et exigeraient une meilleure rémunération du risque pris. L’effacement conduirait à rendre onéreuse une dette bénéficiant aujourd’hui de taux d’intérêt négatifs.

Une augmentation brutale des taux entraînerait la dépréciation des obligations détenues notamment par les établissements financiers et donc, directement ou indirectement, par les épargnants. 

Le grand effacement, par effet domino, mettrait en danger l’ensemble du système de financement de l’économie. L’annulation des dettes ne serait pas un jeu gagnant mais bien un jeu destructeur, et serait annonciatrice d’une grande recomposition de l’économie mondiale dont nul ne peut prédit qu’elle forme elle prendrait. 

Tout comme Pandore libéra tous les maux de l’humanité en ouvrant la mystérieuse boîte – seule l’Espérance, plus lente à réagir, y resta enfermée. 

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