«Faire sauter la banque»

Les clients des banques sont avant tout des clients et doivent être traités comme tels.

Gros temps sur les banques. Les établissements n’en finissent plus d’annoncer des suppressions de postes. Ainsi HSBC a entrepris de se séparer de 7 % de ses effectifs mondiaux. Il est à craindre que nous n’en soyons qu’au début d’un long toboggan.

N26 et Revolut, les néo-banques allemande et anglaise, pourraient faire passer Boursorama et ING Direct, nées au siècle dernier, pour des dinosaures à l’ère du numérique. Ces dernières dominent néanmoins toujours, en France, le classement des banques en ligne selon Culture Banque. On ne compte plus les nouvelles enseignes apparues ces dernières années : Orange Bank, Compte Nickel, Hello Bank, Ma French Bank, etc.

Les banques de détail historiques se doivent de se réinventer face à des consommateurs hyper-connectés ayant généré de nouveaux liens de proximité que seuls les guichets et les conseillers particuliers ne peuvent désormais établir. Exit les «banques à l’ancienne» pour reprendre les mots de Benoît Legrand, directeur de l’innovation d’ING dans son essai désormais prophétique Changeons la banque ! Plaidoyer pour une banque qui rend plus autonome paru en 2015 aux éditions du Cherche Midi. L’auteur y pointe un secteur bancaire où l’immobilisme et l’opacité sont des remparts au changement.

Le monde a changé. Indépendant, expert et versatile, le consommateur souhaite «jouer» / «jongler» avec ses comptes bancaires comme il le fait avec n’importe quelle application disponible dans la télécommande de vie qu’est devenu son smartphone. Simplicité, fluidité, réactivité et instantanéité en sont là aussi les maîtres mots. La prime va à l’efficacité.

Pour en avoir fait l’expérience, un compte dans une néo-banque s’ouvre en moins de dix minutes, chrono en main. Les professionnelles ne sont pas en reste avec une facilité tout aussi déconcertante sur des services tels que Qonto. Moins chères et perçues plus à l’écoute, les banques en ligne sont plébiscitées. Bankin, un agrégateur de comptes bancaires, a mené une large enquête auprès de consommateurs particulièrement avertis puisqu’ils en sont ses utilisateurs pour en établir le classement. En matière de frais bancaire et de satisfaction, la première des banques traditionnelles pointe le bout de son nez en dixième position sur une cinquantaine d’enseignes testées.

De plus, les clients des banques traditionnelles ne veulent plus être pris pour des enfants. A quoi bon se faire réprimander par son conseiller pour un découvert que les deux savent pourtant très rémunérateur pour l’établissement bancaire ? A quoi bon faire appel à ce dernier pour un service informatique qui peut désormais être opéré directement ? Difficile dès lors pour un banquier de pas apparaître comme le représentant d’un dispositif processé. La relation avec ses clients s’en trouve dès lors affectée, voire tendue.

C’est aussi une des raisons du succès du Compte Nickel, créé en 2012, qui revendique près de 1,5 million de comptes. Lesquels ont la particularité d’avoir été ouverts en ligne ou dans un débit de tabac. Car l’ambition initiale de son fondateur, Hugues Le Bret, était de «réparer une injustice de l’exclusion bancaire.» Sans service bancaire de base permettant de régler des dépenses courantes et de percevoir la moindre rémunération, le risque de déclassement social est inévitable. Ainsi les clients de ce compte sans banque «peuvent reprendre le contrôle» leur permettant «de savoir où ils en sont et de sécuriser leurs moyens de paiement». De fait, il y a un manque à gagner pour les banques traditionnelles dont les clients les plus fortunés et les plus pauvres contribuent le plus à leurs marges.

Et ce n’est pas un hasard si une banque héritière du Comptoir national d’escompte de Paris et du Comptoir d’escompte de Mulhouse, créés en 1848, BNP Paribas, a acheté cette pépite de la technologie financière. Ainsi elle peut améliorer sa courbe d’apprentissage et développer la connaissance de ses anciens / nouveaux clients alors même qu’elle avait lancé sa propre banque en ligne, Hello bank, dont l’accueil a été mitigé. De fait, les banques traditionnelles sont contraintes de revoir leurs structures de coûts fixes.

Résistance. Et gare à ceux qui voudraient faire de la résistance en tentant de construire des lignes Maginot. Certaines entreprises et administrations pensaient pouvoir imposer d’avoir un compte bancaire établi en France pour s’acquitter de ses factures. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCCRF) et le Centre européen des consommateurs France (CEC) leur ont clairement rappelé en septembre par la publication d’un communiqué commun que les consommateurs sont libres d’utiliser au quotidien un compte bancaire européen. Bienvenue donc aux IBAN commençant par «GB» et «DE».

S’il se sent captif de sa banque, le client s’en détournera tôt ou tard. Charges aux banques de favoriser la liberté d’entreprendre et de consommer. Elles sont assises sur des mines de données dont l’exploitation ne pourra que renforcer la qualité des services qu’elles entendent rendre et ainsi remplir parfaitement leur fonction de tiers de confiance.

David Lacombled est président de La Villa numeris.

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