Extension du domaine de la guerre

Extension du domaine de la guerre

Kim Jong un, le génie des génies, « n’a pas l’intention d’éviter une guerre ». La Corée du Sud est son principal ennemi. L’anéantir lui suffirait. Il est loin le temps où il prônait un rapprochement. Joignant le geste à la menace, il a bombardé quelques îles et lancé des missiles balistiques vers le Japon. Il l’avait à son avènement, pour asseoir sa légitimité. La guerre pose un dirigeant, fait de tout opposant un traître.

En Russie, quelque six mille manifestants ont bombardé de boules de neige les forces de l’ordre. Poètes, blogueurs, récalcitrants vont en prison. Les Nord-Coréens fournissent les Russes en munitions. Les Russes les aident en satellites, aident l’Iran en balistique.

Les Ayatollahs ont développé un impressionnant programme militaire industriel. Ils auraient entre 20.000 et 60.000 missiles. Ils fournissent les Houthis, les Russes en drones, bien sûr le Hezbollah et le Hamas. 

Les Houthis s’attaquent aux navires en Mer rouge, sauf ceux de la Russie et de la Chine. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont bombardé les positions Houthis. La France a, elle aussi détruit des drones, mais refuse de bombarder « préventivement » les bases.

La France est le seul pays occidental à avoir des soldats au Liban, sous mandat des Nations Unies, dans le cadre de la FINUL.  

De l’autre côté de la péninsule arabe, en Méditerranée, la France est aussi présente. Un navire-hôpital a soigné plus de mille Palestiniens blessés par les bombardements israéliens à Gaza. Israël a évacué ses villages proches de la frontière libanaise. Tout est prêt pour une intervention contre le Hezbollah. La France est présente, seul pays occidental à avoir des soldats sur place sous mandat des Nations Unies, dans le cadre de la FINUL.

La France est aussi en Syrie et en Irak. Elle retrouve l’Iran, qui a bombardé les Kurdes en Irak. Comme la Turquie, en Syrie. L’Iran est aussi visée en Syrie par Israël, elle a bombardé des groupes armés au Pakistan, qui lui a rendu la pareille.

L’Iran active les conflits: Irak, Liban, Syrie, Israël, Yémen, Pakistan. Elle poursuit son programme nucléaire comme jamais. Après avoir parié sur un réchauffement avec l’Arabie saoudite, symbolisé par un retour de Bachar el Assad dans la Ligue arabe, elle a déchanté : l’Arabie saoudite s’apprêtait à conclure un accord avec Israël. En interne, la Révolution des femmes, l’oblige à une répression féroce : une jeune femme a été fouettée pour non-port du voile.

À la contestation de la jeunesse, s’ajoutent les groupes armés sunnites qui ont fait exploser une bombe lors d’une commémoration de l’ancien chef des Gardiens de la révolution. L’Iran menace désormais directement Israël et les États-Unis de représailles. C’est l’Iran qui a activé le Hamas. Qui essaie d’activer le Hezbollah. Celui-ci reste à la limite de l’action, car il craint, de recevoir la terrible punition qu’Israël inflige à Gaza. L’Iran serait pourtant le grand perdant d’une confrontation directe. Mais les Mollahs ne la craignent pas, cela renforcerait le régime contre les opposants.

Sans la guerre, le prix du pétrole chuterait.

L’extension de la guerre est une aubaine, momentanée, pour les pays producteurs de pétrole, les fauteurs de guerre que sont la Russie et l’Iran. Sans la guerre, le prix du pétrole chuterait.

L’Europe a réussi à se passer du pétrole russe et réagit, elle aussi, à la nouvelle situation en Ukraine et au Proche, si Proche Orient. La France a mis en place, progressivement, son économie de guerre. Terme exagéré, car l’économie n’est pas mobilisée pour la guerre, comme en Russie. Mais l’industrie est mobilisée. Poutine plastronne par sa capacité d’adaptation et la résistance de son PIB, mais ses réserves fondent, la production russe est sacrifiée à la production militaire, les taux d’intérêt s’envolent, les sanctions occidentales pèsent, les Indiens refusent d’acheter des roubles, les Chinois exigent des rabais.

La production de munitions a été multipliée par trois, la France a mis en place une coalition « artillerie » avec plusieurs pays européens.

En Occident rien de tel. Les aides à la Russie ne représentent qu’un pourcentage minime du PIB, la France est montrée du doigt pour son peu de soutien. Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a répondu qu’il ne fallait pas additionner les choux et les carottes : Les éléments donnés par la France sont déterminants. La production de munitions a été multipliée par trois, celle de canons Caesar aussi, la France a mis en place une coalition « artillerie » avec plusieurs pays européens pour aider l’Ukraine et constituer la base d’une industrie de défense commune, secteur par secteur. Bravo, hélas.

Un employé travaille à la fabrication d’une munition chez Nexter Arrowtech, à La Chapelle-Saint-Ursin, dans le Cher, le 27 octobre 2022 – Lewis Joly © 2022 AFP

Il faut bien fournir des armes puisque la guerre s’étend. En Afrique, les juntes sahéliennes se mettent d’accord, non pour faire la guerre aux rebelles qui progressent, mais se conforter mutuellement au pouvoir. Ils signent des accords avec les Russes ; comme au Niger. Échec prévisible. La France est partie du Sahel, le Sahel est mal parti.

Les rebelles progressent aussi en Birmanie, où les soldats de la junte se replient, malgré l’accord conclu sous les auspices chinois.

C’est la première fois depuis la seconde guerre mondiale que le droit international est traité avec un tel mépris.

Partout, depuis la décision russe d’envahir l’Ukraine, chacun estime que la force prime. C’est la première fois depuis la seconde guerre mondiale que les traités internationaux, la Charte des Nations Unies, le droit international sont traités avec un tel mépris.

Est-ce dû au déclin de l’Occident ? Au retrait du gendarme américain ? À l’affaiblissement de l’Europe ? Peu importe, les États-Unis ne sont pas si faibles, ni l’Europe si pauvre. C’est un fait qu’il n’y a plus de gendarme dans le monde, que la « communauté internationale » n’existe plus, que l’ordre international est la loi du désordre : plus il y a de conflits, plus il y a de chances, pour certains, de rester au pouvoir.

Cette extension du domaine de la guerre est cruelle pour ceux qui la subissent, elle n’est pas sans conséquence sur les pays « en paix », obligés à un réarmement.

L’Otan annonce son plus grand exercice militaire depuis 1988, l’année qui précéda la chute du mur de Berlin, avec 90.000 soldats qui commencera la semaine prochaine, jusqu’à … début mai.  L’État-major allemand, dans un secret très public, s’imagine riposter à une attaque russe, qu’envisagent les Baltes. Le ministre allemand de la défense estime une attaque russe peu probable, mais ne l’écarte pas d’ici cinq à huit ans. La Pologne appelle au sursaut des Européens, bel hommage d’un pays qui profita beaucoup de l’Europe et se montra souvent plus solidaire des États-Unis que de la France.

L’Amiral Robert Bauer, président du Comité militaire de l’OTAN, lors de la conférence de presse du 18 janvier 2024.©BELGA

Ce ne sont pas les Gazaouis les responsables du massacre commis par le Hamas, mais les dirigeants iraniens.  

Le nouveau ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné est allé à Kiev, tandis que le ministre des Armées, Sébastien Lecornu est reparti en Israël. Convaincre d’une trêve à Gaza, pour mieux résister à une prolifération de la guerre. Et du terrorisme. Ce ne sont pas les Gazaouis les responsables du massacre commis par le Hamas, mais les dirigeants iraniens. Ce n’est pas Gaza le centre névralgique des guerres, il est ailleurs : à Moscou, Téhéran, Pékin, qui achète le pétrole iranien et a conclu un « accord stratégique ». Dans quelques mois Trump peut être élu. Fol espoir de cette coalition de dictateurs, qui a peut-être tort, tant Trump est imprévisible. Choisira-t-il l’abandon ou l’escalade ? Ce qui est certain, c’est qu’il n’a aucune considération pour les Européens. D’où le réarmement.

La guerre n’est pas que militaire. Elle est dans l’espace, les satellites, les téléphones portables, les câbles sous-marins, les puces électroniques de Taiwan, l’intelligence artificielle, le contrôle des ondes, les cours des monnaies.

Toujours cette tentation de profiter de toute crise pour combattre non un gouvernement, mais détruire « un régime ».

Elle est dans l’information, dans la tête : Le ministre des Armées a eu raison de dire, qu’il y avait en France des partis, qui sans oser le dire plus avant, était de fait pro-poutinien. Toujours cette tentation de profiter de toute crise pour combattre non un gouvernement, mais détruire « un régime ». Tous les insatisfaits de la République telle qu’elle est, de l’Europe telle qu’elle est, se gaussent des échecs « occidentaux », rabâchent son impuissance, affichent leur désintérêt de querelles soi-disant lointaines, vantent les « hommes forts », comme Erdogan, Poutine et consorts, qui savent manipuler les naïfs.

Aligner cette coalition de mauvais Génies devrait suffire à convaincre: Poutine, Kim Jung Un, Khomeiny, Nasrallah, Xi Jing Ping, Loukachenko, Ortega, Maduro, tous complices qui fouettent, assassinent,  emprisonnent, tuent leurs frères, leurs amis, leurs complices, leurs opposants, leurs adversaires, n’ont en commun que le sang et les bombes, la corruption et la haine. Ce combat est universel. Il mérite d’être mené. « Il y a deux forces dans le monde : le sabre et l’esprit. À la fin, l’esprit l’emporte toujours sur le sabre » écrit Napoléon.

L’esprit suppose un art, une discipline, un exercice, autant que le sabre. Le premier pas est de reconnaître amis et ennemis, quels que soient les défauts des amis, quel que soit le charme des diables, y compris dans notre propre façon de penser.  Soit : il est simplet de diviser le monde en blanc et noir, en eux et nous, en bons et méchants. Et pourtant : Quand le domaine de la guerre s’étend, quand on est pris pour cible, il faut bien choisir son camp. Tout le reste est dangereux snobisme.

Kim Jung menace, pourquoi maintenant? Parce que ce faisant il aide Poutine. Parce que les élections en Corée du Sud ont lieu en avril. Celles de Taiwan viennent d’avoir lieu, reconduisant un parti peu disposé à se soumettre à Xi Jing Ping. Par la menace, Kim et ses amis veulent influencer, voire truquer les élections en Corée du Sud, un des pays les plus démocratiques et les plus riches par habitant du monde. Un pays détruit en 1954, qui démontre que la liberté politique et économique permet d’accéder au bien-être. Un exemple à anéantir. On peut être coréen libre et démocrate, ou, au nord,  esclave de Kim. La démocratie n’est pas l’apanage de l’occident, elle est universelle. Elle peut devenir chinoise (Taïwan)  ou russe : l’Ukraine, les pays baltes le prouvent.

C’est l’espoir de l’humanité. Se battre pour cela, cela en vaut la peine. Que la France s’engage ainsi, c’est son rôle, son histoire, son unité. Tous devraient le comprendre. Que chacun fasse sa part. Et plus encore si nécessaire.

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press

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