Deux semaines de vacances estivales constituent une anomalie de part et d’autre de l’Atlantique, mais pour des raisons diamétralement opposées. À Wall Street comme dans la Silicon Valley, s’octroyer quinze jours consécutifs de farniente équivaut presque à renoncer à toute ambition professionnelle. À Stockholm, Rome ou Paris, la méfiance est d’un autre ordre : deux semaines seulement, cela signifie une dangereuse dépendance au travail. C’est jugé, sur le plan mental, comme préoccupant.
En Europe, le droit à la déconnexion est de mise. Aux États-Unis, les messages automatiques des messageries invitent l’expéditeur à patienter quelques heures, le temps que le destinataire sorte brièvement de sa torpeur balnéaire pour répondre. En Europe, le message prie poliment l’émetteur d’attendre la rentrée pour convenir d’un rendez-vous. Cette rentrée intervient aux États-Unis dès le mois d’août, quand en Europe il faut attendre que les enfants aient repris l’école et que les achats scolaires aient été réalisés par les parents. Dans les faits, la véritable rentrée professionnelle s’effectue après le 8 septembre…
L’Europe cultive son style de vie : meilleure alimentation, espérance de vie plus longue que celle des Américains. Mais le continent est aujourd’hui gagné par l’anxiété.
L’Europe est menacée sur tous les fronts : économique, géopolitique, militaire.
En juillet, le sommet marquant le 50e anniversaire des relations diplomatiques entre l’Union européenne et la Chine s’est tenu à Pékin, Xi Jinping ayant signifié sans détour qu’il ne viendrait pas à Bruxelles, marquant ainsi une forme de dédain à l’égard des Européens. À Gaza, la guerre se poursuit malgré les protestations des chancelleries européennes. Celles-ci ont également dû avaler les diktats américains en matière de commerce. Le 15 août, Donald Trump a reçu Vladimir Poutine en Alaska pour discuter de l’Ukraine. Les Européens, eux, n’ont eu droit qu’à un débriefing à Washington. L’Europe est menacée sur tous les fronts : économique, géopolitique, militaire..
Vu de l’extérieur, l’Europe est devenue un continent indolent
Dans ce contexte, l’Europe peut-elle conserver son modèle social, qui repose sur le temps libre et sur un fort volant de protection sociale ? Aujourd’hui, aucun Européen, et en premier lieu les Français, ne souhaite sacrifier son mode de vie. Vu de l’extérieur, l’Europe est devenue un continent indolent.
Dans la quasi-totalité des pays européens, l’employé malade peut suspendre ses congés, garantissant que les jours d’arrêt ne le privent pas de vacances. Les Européens travaillent moins d’heures par semaine que la plupart des habitants de la planète, que ce soit par contrainte légale ou par goût pour le temps partiel (près d’un tiers d’entre eux travaillent moins de 35 heures, un record mondial). Ils travaillent aussi moins de semaines par an, en raison non seulement des congés d’été, mais aussi des congés parentaux – jusqu’à 480 jours en Suède. L’Allemand moyen prend 15 jours d’arrêt maladie par an, le Français 21 jours.
Faut-il choisir entre les canons et les pensions de retraite ?
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Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.
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