Europe, Etats-Unis : Frappés par la crise, renforcés par la crise.

Europe, Etats-Unis : Frappés par la crise, renforcés par la crise.

Pour la première fois, les pays riches souffrent plus d’une épidémie que les pays pauvres. Si on en reste là -l’ONU s’inquiète des ravages possibles du Covid en Afrique- l’Occident, quoique bien pourvu en médecins, sera la principale victime de cette épidémie.

Au delà de la crise sanitaire, ce ne sont pas les pays riches qui souffriront le plus de la crise économique. Déjà en Afrique, les échanges interrompus, on craint le retour des famines. Les pays occidentaux, malgré le nombre de morts, malgré la paralysie économique, peuvent faire face.

Si les Etats-Unis et l’Europe sont les plus meurtris par l’épidémie, politiquement, est-ce si sûr ?

L’Europe, toujours accusée d’en faire trop et pas assez, est-elle, comme chaque année, menacée de disparaitre ? Les Américains, comme les Russes, espèrent sa dislocation (et soutiennent partis et mouvements qui œuvrent en ce sens). Les Hongrois, comme les Polonais, se moquent d’elle. Les Italiens lui en veulent. Les noms d’oiseaux transparaissent sur les lèvres du Conseil européen. Et pourtant : la chancelière Angela Merkel a expliqué au Bundestag que l’Allemagne devra payer sa part : plus que sa part. Lucide et courageuse. Donc l’Allemagne tiendra. Et l’Europe avec.

Sans la Banque Centrale Européenne, les taux d’intérêt italiens monteraient à près de 8%, les taux français à près de 5%, ce qui serait très vite insoutenable. L’Allemagne a compris que la ruine de ses clients et alliés serait aussi sa ruine, que la fin de l’Europe la mettrait à la merci des Américains, que les Chinois investissent en Grèce, en Hongrie, en Tchéquie, et veulent utiliser les réseaux russes. L’Europe a les capacités économiques, démographiques, politiques  pour rester un pôle d’influence majeur dans le monde. Demain, plus qu’hier, parce que la crise affaiblit les plus faibles.

Les Russes par exemple. Ils devraient vite avoir besoin des Européens. Avec le pétrole en déroute, Vladimir Poutine a fait marche arrière. Pragmatique, il a même repoussé le référendum qui devait prolonger son imperium. Un mauvais accord avec l’Arabie saoudite vaut mieux qu’une mauvaise guerre. Avec les Etats-Unis pour parrain, pas la Chine. Veut-il, comme la Corée du nord, être un pion dans les relations sino-américaines ? Erdogan veut jouer les durs face aux Syriens, coacher les Tunisiens, menacer la vieille Europe, mais quand l’économie turque vacille, la garantie apportée par la Reserve fédérale américaine vaut de l’or. Aussi repousse-t-il la livraison des armes russes. Dans le ciel syrien, l’aviation israélienne attaque chaque semaine Iraniens et Syriens, sans que les Russes ne disent mot. Tandis que le Liban s’enfonce dans le silence. Que représente le Moyen-Orient avec un baril moins cher qu’avant la crise du pétrole des années 70 ? L’or noir vaut moins que l’eau ou le coca.

Les Etats-Unis, qui sont les premiers producteurs, en souffriraient donc ? Pas vraiment. Les Etats-Unis ne dépendent pas du pétrole. Les plus grandes sociétés mondiales sont américaines. Les Etats-Unis sont le préteur en dernier ressort du monde. Et le monde entier vit à crédit. Ceux qui peuvent être abreuvés de dollars. Les autres…

Financièrement plus fragile qu’on ne le croit, la Chine tient. Elle sait souffrir : son appareil de surveillance est le meilleur du monde. Elle tiendra parce qu’elle a investi dans la science, la recherche, les nouvelles technologies. Mais elle n’a pas gagné dans cette crise. Dans son pourtour régional, les petites démocraties -Taïwan, Corée, Singapour- ont fait mieux qu’elle. Plus grave : les pays de la route de la soie ont respiré le nouvel « impérialisme » chinois, l’enchainement de la dette, le mépris culturel : L’arrogance chinoise a marqué les Européens, comme les Africains, elle a conforté la méfiance des pays d’Asie du sud-est.

La nouvelle donne mondiale n’annonce donc pas le déclin de l’Occident. Il peut venir, mais pas de cette crise. Comme d’habitude, le nerf de la guerre, c’est l’argent, encore et toujours le dollar. Est-ce que cela augure des lendemains qui chantent ? Pas plus qu’hier, pas moins que demain.

Si les Etats-Unis persévèrent dans leur isolationnisme, si l’Europe s’enferme dans ses doutes, si la Russie s’abime dans son orgueil blessé, alors n’importe quel imbécile, n’importe quel virus -aujourd’hui épidémique, demain informatique- peut déclencher on ne sait quelle panique. Cela peut aussi lui retomber sur le nez. Ceux qui parient sur la faiblesse des Etats-Unis et de l’Europe oublient leur culture. Elle est, pour le meilleur et pour le pire, celle du combat. C’est en cela que l’Europe est fondamentale, quoique combattante, elle joue dans ce grand jeu un rôle apaisant. Si elle est armée bien sûr. Sinon elle sera un champ de bataille. Car dans cet océan d’incertitudes et de dérèglements, il y a une certitude : avec la crise, le monde est devenu plus brutal.

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