La zone euro a enregistré une croissance de 0,5 % quand celle des États-Unis a atteint 2,6 %. Cette différence n’est qu’une confirmation de la divergence des deux grandes zones occidentales depuis le début du siècle.
En 2023, des facteurs d’ordre conjoncturel, comme l’augmentation des dépenses publiques et la baisse du taux d’épargne aux États-Unis, sont venus s’ajouter à des facteurs structurels tels que les flux de capitaux, la recherche et le développement, l’immigration et la confiance dans l’avenir. Les États-Unis bénéficient, par ailleurs, d’un avantage certain en matière énergétique en étant un exportateur net d’hydrocarbures quand les Européens sont dépendants du prix de ces derniers.
Les États-Unis ont connu malgré la hausse des taux directeurs (qui ont dépassé 5 % en 2023) une croissance de nature keynésienne grâce à une progression des dépenses publiques conduisant à un déficit public de plus de 7 % du PIB. L’inflation Réduction Act contribue à la hausse de l’investissement des entreprises sur le territoire américain. La baisse du taux d’épargne des ménages, revenu en-dessous de son niveau d’avant crise sanitaire (9 % du revenu disponible brut), a permis une augmentation sensible de la consommation durant toute l’année 2023 quand en Europe, l’épargne a été privilégiée. Le niveau élevé des créations d’emploi a également conduit à améliorer le revenu des ménages américains. Les salaires ont eu tendance à augmenter plus vite que l’inflation au cours du second semestre 2023.
Les ressorts mécaniques de la croissance
En outre, la croissance américaine est favorisée par une augmentation de la population quand elle stagne voire décline en Europe. Le taux de fécondité y est légèrement plus élevé, 1,7 aux États-Unis contre 1,5 en zone euro. Par ailleurs, le solde migratoire est plus important chez les premiers que chez la seconde. Il est de 3 pour 1000 aux États-Unis contre 1,5 pour 1000 en Europe. La population active continue à augmenter quand elle décroît au sein de l’Union européenne. Une population en croissance et plus jeune signifie des dépenses de consommation plus dynamiques que celles de pays en déclin démographique.
Les États-Unis ont bénéficié de la hausse des prix des hydrocarbures. Ils sont le premier producteur et exportateur mondial pour le gaz. L’Europe est devenue leur premier client. Si la hausse du pétrole a pénalisé les consommateurs américains, en revanche, le secteur pétrolier a été largement gagnant.
Les entreprises européennes, en premier lieu celles appartenant au secteur industriel, ont été particulièrement touchées par la hausse du cours de l’énergie. Les États-Unis sont moins sensibles que les Européens à la hausse des taux. Les entreprises se financent majoritairement par les marchés de capitaux quand en Europe, le recours au crédit prédomine. De ce fait, sur le « vieux continent », les coûts des entreprises augmentent rapidement en cas de hausse de taux.
Des capitaux et des cerveaux du monde entier
Le potentiel économique des États-Unis, le niveau élevé de rémunération de l’épargne et la valeur refuge du dollar favorisent l’entrée de capitaux en provenance du monde entier. Depuis 2016, le solde net des entrées de capitaux est positif aux États-Unis de cinq points de PIB quand il est négatif pour la zone euro. Pour les seuls investissements directs entrants, le solde est, depuis 2017, positif de deux points de PIB aux États-Unis quand il est négatif d’un point pour la zone euro.
L’attractivité économique et financière des États-Unis se matérialise également par la hausse du dollar par rapport à l’euro. Ce dernier a tendance à se déprécier depuis la crise sanitaire et surtout depuis le début de la guerre en Ukraine.
Les États-Unis ont un positionnement économique plus porteur que les États membres de la zone euro en étant en pointe sur le secteur des technologies de l’information et de la communication. Les investissements dans ce secteur représentaient en 2022 près de 6 points de PIB aux États-Unis, contre moins de 3 au sein de la zone euro. En 1999, ces deux grandes zones économiques consacraient la même part de leur PIB (1,5 %) à ce secteur. Plus globalement, les dépenses de recherche et de développement sont, depuis vingt ans, supérieures aux États-Unis, (respectivement 3,5 % du PIB, contre 2 %).
Auteur/Autrice
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Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.
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