L’Europe patine depuis près d’un quart de siècle. La création de l’euro a été l’heure de gloire de la construction européenne tout comme son élargissement aux anciens États du bloc de Varsovie. Depuis, le vieux continent est épris d’une langueur monotone. Sur la même période, même si Donald Trump prétend l’inverse, les États-Unis ont enregistré un cycle de croissance reposant sur les nouvelles technologies. Hormis la période covid, le pays a connu plus de 15 années de croissance soutenue lui permettant de maintenir ses positions vis-à-vis de la Chine et d’accroître son avance sur l’Europe.
Depuis 2019, le PIB réel américain s’est accru de 10,3 %, celui de la zone euro de 3,7 %. Le PIB par habitant a augmenté de 7,4 % aux États-Unis contre +1,9 % en Europe. De 1999 à 2025, la productivité horaire s’est accrue de près de 70 % aux États-Unis contre 15 % pour la zone euro. Au-delà de l’évolution des gains de productivité, leur répartition est différente de part et d’autre de l’Atlantique. 42% de la hausse de la productivité du travail aux États-Unis a été transformée en salaire réel aux États-Unis contre 88 % dans la zone euro.
Ce partage différent des gains de produits de productivité se traduit par une plus forte profitabilité des entreprises américaines. Le rendement des fonds propres est de 17 % aux États-Unis contre 10 % en Europe. Le capital américain féconde la productivité, le capital européen fertilise la rente. Les profits des entreprises sont moins réinvestis dans la production en Europe, 50 % contre 70 % outre-Atlantique.
La rentabilité du capital américain est imputable à un niveau d’investissement élevé et à effort de Recherche-Développement important.
Le ruissellement ?
L’investissement privé américain a progressé de + 22 % depuis 2019, contre + 6 % dans la zone euro. Les investissements dans les technologies de l’information et de la communication représentent plus de 1 % du PIB aux États-Unis contre moins de 0,5 % du PIB en Europe. Les dépenses de R&D atteignent 3,5 % du PIB aux États-Unis contre 2,2 % en zone euro. Les investissements dans l’IA et les semi-conducteurs se sont élevés en 2024 à : 420 milliards de dollars aux États-Unis contre 130 milliards dans l’Union européenne. Le nombre de brevets liés à la robotique a été de 42 000 outre-Atlantique.
Même si le partage des gains de productivité est moins favorable aux salariés américains par rapport à ceux de l’Europe, leur importance débouche in fine sur des augmentations de rémunération plus importantes. Le système américain repose avant tout sur la consommation qui représente plus de 68 % du PIB, contre moins de 55 % en zone euro La consommation progresse ainsi plus vite aux États-Unis ). Entre 1999 et 2024, elle y a augmenté en moyenne de 2,48 % par an contre + 1,3 % par an au sein de la zone euro, sachant qu’elle y stagne depuis 2017.
La consommation américaine peut compter sur la progression du revenu disponible réel des ménages américains, + 9 % depuis 2019, contre + 2 % dans la zone euro. Les Européens dont le niveau de confiance dans l’avenir est faible ont une forte propension à l’épargne, plus de 15 % de leur revenu disponible brut contre moins de 8 % aux États-Unis.
La préférence donnée à la consommation aux États-Unis a pour conséquence un déficit élevé de la balance des paiements courants, 5 % du PIB en 2024, contre un excédent de 2 points de PIB pour la zone euro. Donald Trump entend réduire ce déficit grâce à ses droits de douane au risque de pénaliser la consommation et la croissance américaine.
Les inégalités le revers de la médaille américaine
Les inégalités de revenus et la pauvreté sont nettement plus fortes aux États-Unis que dans la zone euro. Pour cette dernière, les inégalités avant redistribution sont fortement corrigées par les prestations et le système fiscal. Les dépenses sociales y atteignent en moyenne près de 30 % du PIB, plus de 34 % en France, contre 24 % aux États-Unis. Les inégalités de revenus et de patrimoines se sont fortement accrues Outre-Atlantique quand elles sont relativement stables en Europe. Pour autant, ces dernières années, le salaire réel moyen américain a progressé aux États-Unis quand il a régressé en Europe.
Auteur/Autrice
-
Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.
Voir toutes les publications















