États-Unis, attention dangers ! 

États-Unis, attention dangers ! 

Au troisième trimestre, le PIB américain a connu une croissance impressionnante de 4,9 % en rythme annuel, bien loin des prévisions de récession. De nombreux analystes estiment que les résultats des entreprises américaines pourraient se maintenir, favorisant la poursuite du processus de valorisation des actions. 

Selon FactSet, un fournisseur de données, sur environ la moitié des grandes entreprises de l’indice S&P 500 qui ont publié leurs derniers résultats, 78 % ont dépassé leurs attentes en matière de bénéfices. Pour autant, les doutes se multiplient sur l’état de la conjoncture économique et sur la capacité des entreprises à maintenir un train d’enfer en matière de résultats. Les espoirs générés par l’intelligence artificielle apparaissent pour certains exagérés quand, pour d’autres, la transition énergétique devrait freiner, pour plusieurs années, la croissance. 

Si Alphabet, la société mère de Google, a dépassé les prévisions de bénéfices, le cours de son action a perdu 10 %, les investisseurs ayant été déçus par les performances de sa division Cloud computing. L’avertissement de Meta concernant l’incertitude macroéconomique n’a pas permis au propriétaire de Facebook de valoriser autant que prévu son chiffre d’affaires trimestriel record. La possibilité persistante d’une récession et la baisse des opérations de rachats d’entreprises ont éclipsé les bénéfices des banques dopés par la hausse des taux d’intérêt.

Les ménages américains puisent dans leur cagnotte covid pour accroître leurs dépenses de consommation

De plus en plus d’économistes aux États-Unis s’inquiètent d’un éventuel retournement du marché de la consommation. Pour le moment, les ménages américains puisent dans leur cagnotte covid pour accroître leurs dépenses de consommation, les ventes au détail ayant augmenté de 0,7 % en septembre. Coca-Cola et PepsiCo enregistrent une forte hausse de la demande. Même si le montant de la cagnotte a été revu à la hausse, cette dernière n’est pas sans fond. Les Américains pourraient être amenés à se restreindre au début de l’année 2024. Plusieurs indicateurs avancés sembleraient confirmer un atterrissage. 

Selon Bank of America, les données relatives aux cartes de crédit et de débit montrent une baisse des dépenses en octobre par rapport à il y a un an. Le mois dernier, les Américains bénéficiant de prêts étudiants ont dû reprendre le remboursement de leurs dettes après un sursis de trois ans. L’effet prix se fait de plus en plus ressentir. Les dépenses augmentent désormais plus rapidement que le revenu disponible réel, rongeant ainsi l’épargne. Les impayés sur les cartes de crédit et les prêts automobiles ont augmenté. Les consommateurs américains déclarent dans les enquêtes qu’ils sont plus pessimistes quant à leur situation financière. 

Selon l’entreprise de livraison, UPS, les Américains comme les Européens diminuent leurs achats de biens afin de maintenir leurs dépenses de services. Elon Musk, le PDG de Tesla, a déploré que la hausse des taux d’intérêt réduisait la capacité des consommateurs à s’offrir des voitures électriques. Ces dernières semaines, le cours de l’action de Tesla a perdu 15 %, effaçant plus de 100 milliards de dollars de sa valeur marchande. Cette baisse est imputable, en partie au moins, aux problèmes que rencontre Tesla pour fabriquer ses camions électriques.

Etats-Unis
Le déficit public de 7,5 % du PIB alimentant une dette de 120 % du PIB constitue un risque non négligeable pour les États-Unis.

Des hausses de salaires pesant sur les marges des entreprises

Aux États-Unis, les conflits à répétition dans les secteurs du cinéma ou de l’automobile ont conduit à des hausses de salaires pesant sur les marges des entreprises. Les grèves auraient coûté, à Stellantis qui possède les marques Chrysler et Jeep, plus de 3 milliards de dollars. Le gouvernement fédéral américain est toujours sous la menace d’un défaut au niveau de la dette compte tenu de l’absence de consensus au sein du Congrès sur les questions budgétaires. 

Le déficit public de 7,5 % du PIB alimentant une dette de 120 % du PIB constitue un risque non négligeable pour les États-Unis. Tant que les investisseurs ont confiance dans l’économie américaine, la situation restera sous contrôle ; en cas de doutes, en revanche, tout devient possible. 

Le gouvernement américain doit désormais payer 5 % pour emprunter sur 30 ans, contre seulement 1,2 % en 2020. Les ménages américains demeurent encore optimistes car ils ont 1 000 milliards de dollars en réserves, engrangés pendant la crise covid. Quand cette cagnotte s’épuisera, le pessimisme pourrait gagner des pans entiers de la population.

L’éventuel retour au pouvoir de Donald Trump

Les Démocrates craignent que cet atterrissage influe sur les résultats des élections de 2024. La nécessité de restreindre le déficit public abyssal pourrait provoquer, l’année prochaine, un ralentissement marqué de l’économie américaine sachant que les États européens devront également réaliser un assainissement de leurs comptes. Les tensions internationales peuvent également accentuer le ralentissement de l’économie mondiale. La guerre en Ukraine et au Proche-Orient ainsi que la persistance du conflit commercial avec la Chine sont autant de menaces qui peuvent inciter à la prudence les entreprises. 

L’éventuel retour au pouvoir de Donald Trump, en tête pour le moment dans les sondages, commence également à peser sur le climat économique. Son programme met l’accent sur l’application d’un protectionnisme sans précédent depuis les années 1930. Selon un article du Washington Post, il entend instituer un régime autoritaire avec une possible arrestation pour atteinte à la sécurité intérieure, de plusieurs responsables démocrates dont Joe Biden. Il a par ailleurs annoncé le retrait des États-Unis des Accords de Paris et une forte réduction des dépenses militaires dont bénéficient l’OTAN. Pour l’Europe, il pourrait remettre en cause les livraisons de gaz liquéfié. Or, les États-Unis sont devenus le premier fournisseur de gaz pour de nombreux pays européens dont la France.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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