La Pologne a annoncé qu’elle réintroduira des contrôles temporaires à ses frontières avec l’Allemagne et la Lituanie à compter du lundi 7 juillet. Cette décision marque un nouveau revers pour l’espace Schengen de libre circulation, 12 pays ayant actuellement ses frontières
Cette mesure a été annoncée mardi 1er juillet par Donald Tusk, au lendemain d’une conférence de presse au cours de laquelle le Premier ministre avait laissé entendre qu’elle serait prise. Il justifie cette initiative par un afflux accru de migrants en situation irrégulière venant de Lituanie, ainsi que par des informations selon lesquelles l’Allemagne renverrait des migrants en situation irrégulière vers la Pologne.
Le Premier ministre a précisé que cette décision faisait suite à une réunion tenue le matin même sur la situation à la frontière, ainsi qu’à l’examen d’une demande des gardes-frontières polonais en faveur du rétablissement temporaire des contrôles aux frontières avec les deux pays.
Cette annonce fait suite à une décision similaire prise en juin par la Belgique, qui a restauré des contrôles à ses frontières, portant ainsi un nouveau coup à l’idéal de libre circulation de l’espace Schengen, peu après le 40e anniversaire de cet accord.
Plus tôt, la Pologne avait déjà durci les contrôles à ses frontières, en suspendant les demandes d’asile dans certaines zones frontalières avec la Biélorussie, accusant Minsk et Moscou d’organiser délibérément un afflux de migrants dans le but de déstabiliser le pays.
Lundi 30 juin, Donald Tusk a déclaré qu’il veillerait désormais à ce que « les personnes qui franchissent illégalement les frontières ne viennent pas de Lituanie ».
Des informations avaient également circulé en Pologne selon lesquelles l’Allemagne renvoyait vers la Pologne des migrants qui étaient déjà arrivés sur son territoire. Cela avait conduit des groupes d’extrême droite à former des unités dites de « garde civique » qui patrouillaient à la frontière avec l’Allemagne.
De son côté, Berlin a rétabli les contrôles à toutes ses frontières dès l’année dernière, et a commencé à refouler les arrivants en situation irrégulière, y compris les demandeurs d’asile, depuis la prise de fonction du nouveau gouvernement dirigé par Friedrich Merz en mai.
« Nous avons informé la partie allemande que si nous constatons des cas douteux, nous devrons rétablir les contrôles à la frontière germano-polonaise »
Donald Tusk, Premier ministre de Pologne
L’Allemagne dément les accusations
Friedrich Merz a nié que l’Allemagne pratique ce que certains médias polonais ont qualifié de « tourisme de rapatriement » vers la Pologne. « Ce n’est pas le cas », a-t-il assuré lundi, précisant que les passages illégaux à la frontière sont un problème commun à l’Allemagne et à la Pologne, qui doivent être traités conjointement.
Les deux gouvernements se coordonnaient sur cette question depuis la semaine dernière et allaient travailler en étroite collaboration pour « réduire au minimum la charge [des contrôles aux frontières] ».
La Lituanie, elle aussi, a été informée de la décision polonaise. Les autorités des deux pays devront désormais évaluer les mesures les plus efficaces pour protéger les frontières extérieures de l’UE tout en « répondant aux attentes de chacun, à savoir que ces mesures ne portent pas atteinte à notre intérêt pour la libre circulation des personnes », a souligné le ministre lituanien des Affaires étrangères, Kęstutis Budrys.
Coup dur pour la libre circulation
Cette décision marque une nouvelle remise en cause du principe fondamental de libre circulation au sein de l’espace Schengen, qui est supervisé par la Commission européenne.
Un porte-parole de la Commission a rappelé mardi que les contrôles aux frontières intérieures de l’espace Schengen étaient « possibles sous certaines conditions ».
L’exécutif européen est « en contact étroit avec tous les États membres qui ont mis en place des contrôles aux frontières et tous les États membres qui sont concernés par ces contrôles », a-t-il ajouté.
Plusieurs pays, dont l’Allemagne, ont eu recours à des dérogations légales pour réintroduire des contrôles aux frontières au cours des derniers mois, après la forte augmentation des chiffres de l’immigration en 2023, à la fin de la pandémie de Covid-19.
Friedrich Merz a déclaré mardi que l’Europe était déterminée à « préserver l’espace Schengen ». Cependant, « la liberté de circulation dans l’espace Schengen ne fonctionnera à long terme que si elle n’est pas abusée par ceux qui favorisent l’immigration clandestine, notamment par le trafic d’êtres humains », a-t-il ajouté.