Écouter le podcast avec Eric Foret
Alors que le commerce du vin français aux États-Unis se retrouve sous pression en raison des droits de douane annoncés par Donald Trump, Lesfrançais.press reçoit Eric Foret, caviste à New York. Notre compatriote dirige le French Wine Shop, une boutique spécialisée dans le vin français, et il est à la tête d’une chaîne de bars à vin, « Vin sur Vingt » . Dans cet entretien, il partage son analyse de la situation actuelle, les implications des nouvelles mesures tarifaires imposées par l’administration Trump, et les stratégies pour traverser cette période. « Ces 4 années vont être difficiles », nous dit-il notamment.
Des droits de douane plus élevés, mais moins dramatiques qu'envisagé
Au cours de ce podcast, Eric Foret admet que l’augmentation des droits de douane de 20 % n’est pas une surprise, mais elle reste moins catastrophique que la menace d’une augmentation de 200 % qui avait circulé plus tôt. Une telle hausse aurait été fatale pour tout le secteur, des producteurs aux distributeurs, en passant par les cavistes et les restaurateurs.
« Les annonces de Trump. C'est une mauvaise nouvelle, mais ce n'est pas catastrophique. »
Eric Foret, French Wine Shop
Pour Eric Foret, un tarif de 20 % pourrait être supporté par les acteurs du marché, même si ce n’est pas idéal : « C’est une mauvaise nouvelle, mais ce n’est pas catastrophique. » Un tel tarif représente un défi, mais il est gérable, à condition d’adopter des stratégies adaptées : « Je pense que pour beaucoup, que ce soit du côté français ou américain, c’était toujours mieux que 200% parce que 200%, déjà, ce n’est pas réaliste. Et deuxièmement, ça voulait dire que tout le monde mettait la clé sous la porte », constate notre invité.
Aux États-Unis : un système à trois tiers pour le vin
Le marché américain du vin fonctionne selon un système particulier, celui des « trois tiers ». Depuis la fin de la prohibition, les vins doivent passer par trois intermédiaires : l’importateur, le distributeur et le détaillant. Ce système complique considérablement la vente. Le French Wine Shop a réussi à s’adapter en pratiquant le « direct import », c’est-à-dire en achetant directement auprès des producteurs.
Mais même dans ce cas, les effets des nouveaux tarifs se font sentir. Eric Foret estime qu’il y a peut-être un effort à faire du côté des vignerons français pour soutenir les efforts du secteur en réduisant leurs marges, mais il reste optimiste quant à la capacité du marché à s’adapter : « Il y aura peut-être 10% d’efforts de la part du trade, et 10% qui seront répercutés sur le consommateur à un moment donné. »
Gel des commandes et pression sur les inventaires
L’augmentation des droits de douane n’a pas seulement un impact sur les prix des vins, elle perturbe aussi les chaînes d’approvisionnement. Le French Wine Shop a en effet décidé de geler ses commandes, dans l’attente de plus de clarté sur les nouvelles régulations et de la réaction de l’Europe à la politique tarifaire américaine.
« Il y aura peut-être 10% qui seront répercutés sur le consommateur à un moment donné »,
Eric Foret, French Wine Shop
Ce gel touche également les importateurs et distributeurs en France, qui sont dans l’incertitude tant que la situation ne se clarifie pas. Dans cette période d’attente, notre invité se concentre sur les stocks existants aux États-Unis, bien que ceux-ci deviennent rapidement limités.
« Nous, on a la chance d’avoir un volume assez important. […] donc on fait, de manière tout à fait légale, du direct import. […] Cette partie d’import direct, on l’a gelée. On a décidé de ne pas lancer nos offres d’achat, on a gelé nos offres en attendant de savoir à quelle sauce on va être vraiment mangé », tout en ajoutant « parce qu’il faut savoir que les 20%, ce n’est pas encore définitif, parce qu’on attend la réaction de l’Europe, et ça, on ne le saura pas avant le 15 avril. Donc jusqu’au 15 avril, on ne va pas relâcher nos commandes. »
Ainsi, pour Eric Foret les distributeurs locaux aux États-Unis « ont anticipé avant les élections (…) pour permettre de tenir au moins un an ». La pression sur les inventaires est déjà bien réelle, car tous les acteurs du marché cherchent à sécuriser des vins avant que les prix ne montent davantage.
Les inquiétudes des vignerons français
Du côté des vignerons français, la situation est également tendue. Ils sont confrontés à une baisse générale de la consommation de vin, tant au niveau national qu’international. Aux États-Unis, la consommation a diminué ces dernières années, et les producteurs français subissent de plein fouet les conséquences de cette tendance.
Un appel à la solidarité et à la diplomatie
Face à cette crise, Eric Foret appelle la France à soutenir les professionnels du secteur en faisant pression sur l’Union européenne pour éviter une nouvelle augmentation des tarifs. Selon lui, une hausse de 10 % des droits de douane serait plus supportable et permettrait de maintenir une activité viable pour les producteurs et les commerçants.
Eric Foret « appelle la France à soutenir les professionnels du secteur »
Une telle mesure aurait l’avantage de ne pas étouffer le marché tout en permettant aux acteurs de s’adapter sans trop de souffrances : « Il faudra qu’ils soient diligents sur la baisse des tarifs sur les whiskys et les vins américains. Peut-être que nous, on arrive à 10% de tarifs. Ce serait complètement gérable d’avoir 10% de tarifs sur les vins. Ça relancerait la machine », explique-t-il.
Des perspectives incertaines mais une volonté d’aller de l’avant
Malgré les difficultés, Eric Foret reste optimiste. Bien qu’il prévoie une période difficile sous l’administration actuelle, il estime que la situation finira par se stabiliser. Après 25 ans passés aux États-Unis, il ne compte pas quitter le pays, malgré les défis économiques : « Ces 4 années vont être difficiles, mais je reste optimiste. Il y aura des moments meilleurs à venir, » partage-t-il.
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