La situation à la frontière gréco-turque s’est empirée le samedi 29 février à la suite de la décision officielle d’Ankara de laisser des milliers de migrants entrer sur le territoire européen.
Selon les médias grecs, plus de 4 000 personnes ont tenté à plusieurs reprises de traverser la frontière d’Evros, au nord-est de la Grèce, où elles ont été bloquées par les forces de police grecques qui ont fait usage de grenades assourdissantes et de gaz lacrymogènes.
Selon certaines sources, les migrants ont été emmenés par la Turquie à la frontière grecque par des bus gratuits.
Depuis vendredi, 66 personnes au total ont traversé la frontière et ont été arrêtées. Le porte-parole du gouvernement grec, Stelios Petsas, a déclaré que, contrairement aux arguments d’Ankara, aucune d’entre elles ne provenait de la province d’Idlib, au nord de la Syrie.
Le 27 février, les forces du régime syrien, soutenues par Moscou, ont tué 34 soldats turcs à Idlib. Ankara affirme que l’attaque a déclenché une nouvelle vague de réfugiés qui ne seront pas arrêtés en Turquie dans leur tentative de rejoindre l’UE.
« Qu’avons-nous fait hier ? Nous avons ouvert les portes », a déclaré le président turc, Recep Tayyip Erdoğan à Istanbul le 29 février. « Nous ne fermerons pas ces portes…Pourquoi ? Parce que l’Union européenne devrait tenir ses promesses », a-t-il ajouté sans plus d’explications.
La police grecque a utilisé des gaz lacrymogènes pour repousser les migrants. En réponse, les migrants se sont défendus avec des morceaux de bois en feu, des pierres et même des gaz lacrymogènes turcs, selon les vidéos des médias grecs.
Recep Tayyip Erdoğan estime que 30 000 migrants se trouveront à la frontière de l’UE vendredi.
À la frontière maritime entre la Grèce et la Turquie en mer Égée, 181 migrants sont entrés sur le territoire grec depuis la Turquie vendredi dernier.
Par ailleurs, les migrants et réfugiés du camp de réfugiés de Moria auraient reçu des messages la nuit précédente indiquant que la frontière était ouverte et qu’un bateau les attendait au port de Mytilene pour les emmener en Grèce. L’expéditeur de ce SMS est encore inconnu.
Garanties turques
Le haut représentant de la politique étrangère de l’UE, Josep Borrell, s’est entretenu par téléphone avec le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoğlu, qui lui a garanti qu’Ankara s’en tiendrait à l’accord EU-Turquie de mars 2016, pour ce qui est du retour des migrants.
Vendredi, la Commission européenne a déclaré qu’elle partait du principe que la Turquie continuait à respecter l’accord de 2016 puisqu’elle n’a pas annoncé le contraire. La réalité sur le terrain au lendemain de cette déclaration semblait indiquer le contraire.
Dans ce sens, les sources de l’UE ont déclaré à Euractiv que c’était aux États membres de prendre une initiative puisque l’accord UE-Turquie avait été signé par le Conseil de l’UE.
Reste à savoir si, outre les frontières maritimes, l’accord s’applique aussi aux frontières terrestres.
L’incohérence du gouvernement turc suscite des interrogations sur sa fiabilité et sur le fait que Mevlüt Cavusoğlu s’est entretenu avec le président turc avant que celui-ci ne dise que la Turquie a rouvert ses frontières.
La Grèce bloque la déclaration de l’OTAN
Selon des sources diplomatiques citées par le journal grec To Vima, les représentants permanents de l’OTAN se sont entrenus ce dimanche soir à Bruxelles, mais la discussion n’a abouti à aucun consensus en faveur de la Turquie, membre de l’organisation, après l’attaque à Idlib.
Athènes aurait demandé d’inclure une référence au respect de l’accord UE-Turquie sur la migration, ce à quoi les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne se sont fortement opposés.
La Turquie a quant à elle demandé un soutien renforcé de l’OTAN, principalement au niveau des services de renseignement, ainsi que la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne à Idlib.
Pas de tension à la frontière bulgare
La situation à la frontière bulgare reste calme alors que les migrants ont l’occasion de traverser la frontière terrestre, soit en Grèce, soit en Bulgarie. Des images télévisées montraient des réfugiés expliquant qu’on leur avait dit qu’aller en Bulgarie était « interdit » et qu’il valait mieux aller en Grèce.
Le Premier ministre bulgare, Boyko Borissov, a discuté avec Recep Tayyip Erdoğan par téléphone et devrait le rencontrer le lundi 2 mars. Selon lui, son pays est celui qui a le plus soutenu la Turquie durant la réunion de l’OTAN et c’est pour cela qu’aucune pression migratoire n’a été mise sur la Bulgarie.
Il a ajouté que les discussions s’étaient poursuivies jusque 22h30 vendredi sur la possibilité de verser des fonds à la Turquie, avec les présidents du Conseil et la Commission. Il a déclaré ne pas être autorisé à en dire plus, mais que des sommes importantes seraient transférées via la Croix-Rouge en soutien à la Turquie.
« Je prépare une grande rencontre [internationale] en Bulgarie », a déclaré Boyko Borissov, sans en dire plus.
Et d’ajouter : « lundi je rencontrerai Erdoğan et nous nous accorderons sur ses conditions. Les jours suivants, je vous dirai ce que nous ferons ici en Bulgarie pour régler ce problème à long terme, sur le retour des migrants, les actions militaires en Syrie, et le rôle de l’OTAN. »
Le Premier ministre bulgare défend Recep Tayyip Erdoğan dans l’UE depuis de nombreuses années. En 2018, il a aidé à organiser une réunion de haut niveau entre l’UE et la Turquie avec le président turc, malgré les tensions liées aux forages turcs dans la zone économique de Chypre.
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