Une majorité d’Equatoriens se sont prononcés dimanche pour l’extradition des ressortissants liés au crime organisé, lors d’un référendum visant à durcir la législation contre le narcotrafic et les gangs, un résultat qualifié de « triomphe » par le président Daniel Noboa.
Le « oui » à cette proposition l’a emporté avec 65% des suffrages, contre 35% pour le « non », selon un calcul préliminaire du Conseil national électoral (CNE). La mesure est particulièrement redoutée des narcotrafiquants, celle-ci visant notamment à rendre possible des extraditions vers les Etats-Unis.
Quelque 13,6 millions d’électeurs ont été appelés aux urnes pour répondre par oui ou par non à onze questions posées par le président Noboa. Les votants ont répondu « oui » à neuf questions portant sur la sécurité, selon les résultats du CNE, qui a précisé que 72% des électeurs équatoriens avaient participé au scrutin.
Le vote en lui-même s’est déroulé sans incident notable sur tout le territoire. Mais la journée a été marquée par l’assassinat du directeur du pénitencier N.4 de Manabi (sur la côte Pacifique), « victime d’un attentat », selon l’administration pénitentiaire. L’homme a été exécuté par balles par des inconnus alors qu’il était attablé à un restaurant.
L’Équateur, gangrené par le narcotrafic et la corruption, devenu la principale plateforme de l’exportation de cocaïne produite en Colombie et au Pérou voisins, fait face depuis mi-janvier à une grave crise sécuritaire provoquée par les gangs.
L’un des épicentres de cette crise est le système carcéral, que le pouvoir tente de prendre en main, théâtre de massacres récurrents et de luttes de pouvoir des groupes criminels.
L’armée a fait état dimanche soir d’une émeute dans une prison de la région de Quevedo (sud-ouest), au cours de laquelle quatre prisonniers ont été blessés.
Le président Noboa, élu en novembre pour 18 mois et qui devrait briguer un nouveau mandat en 2025, a déclaré le pays en « conflit armé interne » et a déployé l’armée pour neutraliser une vingtaine de groupes criminels.
Depuis, près d’une quinzaine d’hommes politiques, maires, responsables locaux, ou encore procureurs ont été assassinés.
“Plus d’outils”
Les principales propositions de cette consultation avaient pour mission de définir notamment « la direction et la politique d’Etat (…) contre la violence, le crime organisé, la lutte contre la corruption » selon le chef de l’Etat, à l’image de la mesure sur l’extradition.
« Nous avons défendu le pays, maintenant nous aurons plus d’outils pour combattre la criminalité et rendre la paix aux familles équatoriennes« , a réagi le président Daniel Noboa sur les réseaux sociaux après le vote, avant de faire état d’un « triomphe » à l’annonce du résultat officiel.
Mauricio Lopez, 36 ans, employé à Quito, confie avoir « voté oui, en particulier à l’extradition« . « L’idée est que les criminels aient plus peur, c’est aussi une façon plus rigoureuse de les punir. »
Dulce Negrete, 61 ans, juge de son côté que l’extradition « ne sert à rien » et a « voté non à tout« .
Les Equatoriens se prononçaient également sur la participation de l’armée au contrôle des armes, l’alourdissement des peines pour les délits liés au crime organisé et sur la possibilité pour les forces de sécurité d’utiliser des armes saisies.
Sur toutes ces questions sécuritaires, les électeurs ont appuyé les demandes du président Noboa, affichant neuf oui aux 11 demandes de M. Noboa, selon le comptage du CNE.
Les Equatoriens ont en revanche rejeté deux propositions: l’une sur la formalisation d’un travail payé à l’heure, mesure vivement critiquée par les syndicats et les organisations indigènes, où le « non » l’a emporté à 69% selon le CNE. L’autre sur la reconnaissance de l’arbitrage international pour résoudre les litiges en matière d’investissement et de commerce (65% de « non« ).
En plus du défi sécuritaire, l’Equateur connaît depuis début avril une tempête diplomatique provoquée par un assaut policier sur l’ambassade du Mexique à Quito pour capturer un ancien vice-président de Rafael Correa, Jorge Glas (2013-2017), qui fait l’objet d’une enquête pour corruption.
L’Équateur avait mis fin aux traités bilatéraux et s’était retiré d’organismes d’arbitrage sous le gouvernement de l’ancien président socialiste Rafael Correa (2007-2017), aujourd’hui opposant en exil après sa condamnation pour corruption.
Cette consultation se déroulait dans un contexte complexe pour le pays.
En plus du défi sécuritaire, l’Equateur connaît depuis début avril une tempête diplomatique provoquée par un assaut policier sur l’ambassade du Mexique à Quito pour capturer un ancien vice-président de Rafael Correa, Jorge Glas (2013-2017), qui fait l’objet d’une enquête pour corruption.
Malgré une image écornée à l’étranger, M. Noboa, 36 ans, affirme qu’il n’a « aucun regret » concernant ce raid, qui a coûté au pays un procès – toujours en cours – devant la Cour internationale de justice, et une condamnation internationale.
Au niveau national, l’urgence du moment est énergétique, avec de sévères rationnements d’électricité et une revue en urgence des installations hydroélectriques.
Conséquence de la sécheresse, du phénomène El Niño, mais aussi d’une mauvaise gestion administrative, de l’aveu même des autorités, cette pénurie d’électricité serait aussi le fait de « sabotages » liés à ses ennemis politiques, selon le président Noboa.