Une révolution dans le monde du rail : en décembre, les premiers trains de Trenitalia ont fait leur entrée en gare de Lyon, à Paris. La « FrecciaRossa » (« Flèche Rouge »), le service voyageur de l’opérateur italien, assure jusqu’à deux allers-retours par jour entre Paris et Milan. Et une première sur le marché de la grande vitesse, dit « open-access », dont le marché a été ouvert l’année dernière. Si les TER et les Intercités avancent timidement sur le dossier de l’ouverture à la concurrence – à quelques exceptions près, comme la liaison Nice-Marseille – la transition s’accélère donc avec en première étape la ligne Paris-Lyon, la plus rentable d’Europe, où circulent 240 trains par jour.
Lignes grande vitesse
Sur les trains à grande vitesse, où la concurrence se fait en « open access », en accès libre, comme dans l’aérien, avec plusieurs compagnies desservant les mêmes destinations, il est peu probable qu’on voit d’autres compagnies arriver avant au moins 2023.
La compagnie espagnole Renfé est intéressée mais a déjà dénoncé les conditions d’entrée sur le marché français : prix des péages ferroviaires jugés trop élevés, contraintes d’adaptation du matériel, etc. Elle a toutefois décidé d’ouvrir une succursale à Paris, preuve de ses intentions à terme.
Et elle a engagé fin octobre des « contacts préliminaires » pour pouvoir concurrencer l’Eurostar entre Paris et Londres, en passant par le tunnel sous la Manche malgré le contexte sanitaire et les conséquences du Brexit.
Mais il n’y a pas que les grandes lignes qui sont désormais ouvertes à la concurrence, ainsi les régions partent en rébellion contre la SNCF.
Lignes transfrontalières
Lors de sa séance plénière du 20 décembre, le Conseil régional du Grand Est a voté l’ouverture à la concurrence de sept lignes ferroviaires, pour une prise d’effet dans trois ans. Il s’agit de lignes à destination de l’Allemagne représentant un total de 525 kilomètres au départ de Metz, Strasbourg et Mulhouse vers les villes de Trèves, Sarrebruck, Neustadt, Karlsruhe, Offenbourg et Müllheim.
Des lignes qui représentent aujourd’hui « un potentiel sous-utilisé par la SNCF » selon la collectivité. L’avis d’appel à la concurrence doit être publié « d’ici la fin du mois », en commun avec les trois Länder concernés, pour une désignation des lauréats mi-2023. Le marché, d’une durée de 15 ans et qui inclut la reprise du personnel, sera ouvert à « tout opérateur, français, allemand ou autre », a ajouté David Valence, vice-président aux Transports, lors d’un point presse préalable. Cette ouverture devrait, selon lui, « multiplier l’offre par deux à quatre selon les tronçons, en réponse à une » forte demande » et même la créer sur les lignes Metz-Trèves et Strasbourg-Karlsruhe» qui ne comptent actuellement aucun train en semaine.
Lignes régionales
Le 28 octobre 2021 fera date pour la SNCF et le Conseil Régional PACA. C’est une première en France, un transporteur privé, la société Transdev, assurera la circulation des trains sur la ligne TER Marseille-Nice à partir de juillet 2025. Cette décision, votée pendant l’assemblée plénière du Conseil Régional PACA, prévoit de doubler le nombre de trains en circulation avec 14 allers-retours par jour entre Marseille, Toulon et Nice.
Mais ce n’est pas la seule région à se préparer au grand bond. En effet, Xavier Bertrand est lui aussi parti en guerre contre la SNCF. Le conseil régional des Hauts-de-France, qu’il préside, estime que la compagnie est responsable des « dysfonctionnements, retards et suppressions de trains sur le réseau TER ». En conséquence, la région, qui paie la SNCF pour l’exploitation de ses lignes de TER, a tout simplement décidé mercredi de suspendre les paiements. À l’issue d’une réunion jugée constructive avec des représentants de la compagnie ferroviaire, ce vendredi, Franck Dhersin, vice-président de la région, a précisé que la région ne reprendrait ses paiements à la SCNF que lorsque le service des TER se sera amélioré. Logiquement, la région Hauts-de-France a lancé un appel d’offres sur trois lignes de TER : l’étoile de Saint-Pol-sur-Ternoise, la liaison Paris-Beauvais et l’étoile d’Amiens, résultat en 2022.
Encore de nombreux obstacles
La concurrence s’organise donc pour récupérer une partie du monopole exercé par la SNCF pendant plus de trente ans. Mais le virage demandera un bon chef de bord ! Car il faudra, pour ces concurrents, rattraper l’expérience de l’opérateur historique et entrer dans l’administration d’un réseau qui pourrait réserver quelques chausse-trappes. Cahier des charges ubuesque, normes impossibles à tenir, pénurie de matériel de sécurité… Le chemin peut être long, et décourageant, avant de réussir à faire rouler un train sur le réseau français.
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