Écouter le podcast d'Elle Jauffret
Elle s’appelle Elle. Elle Jauffret.
Et c’est la plus américaine des autrices françaises. Son premier roman, publié en anglais, « threads of déception », vient de paraitre aux éditions Level Best Books, une maison qui remporte régulièrement des prix pour des polars et livres à suspens.
Elle y raconte l’histoire d’une avocate américaine intrépide qui va enquêter sur la mort violente d’une de ses amies alors qu’elle se retrouve elle-même frappée du syndrome d’accent étranger français suite à un trauma. Voilà pour le pitch du livre. Mais le pitch de la vie de l’écrivain est également détonnant :
Elle Jauffret s’est construite sur les deux rives de l’Atlantique avec beaucoup de volonté et un zeste d’intrépidité. Une enfance dans le sud de la France et des études à l’université de Nice – Sophia – Antipolis lui offrent un début de vie professionnelle classique avant que l’amour ne frappe à la porte sous le visage d’un officier de la Navy. Ce sera le prélude d’un épisode américain qui dure encore après plusieurs décennies de vie professionnelle ascensionnelle : Elle parfait d’abord son cursus juridique à Washington DC avant de réussir l’examen du barreau en Californie. Un vrai tour de force pour la française acculturée totalement aux States. Suivie d’une seconde prouesse quand elle se fait embaucher dans le bureau de la procureure de Californie appelée…Kamala Harris.
Elle Jauffret consacre désormais une partie de sa vie à l’écriture, à ses deux enfants ainsi qu’à son métier d’avocat avec une spécialisation en droit des contrats. Une avocate engagée et passionnée par l’aide d’autrui, une écrivain qui débute dans le métier des lettres avec une énergie communicative , et une femme au confluent de deux cultures française et américaine. Voilà les multiples facette d’Elle, invitée du troisième numéro de Vagabondage, à qui nous souhaitons le plus vif succès pour son roman.
Elle Jauffret : une Française au cœur de l'Amérique
Lesfrancais.press : Bonjour Elle, quand on regarde votre parcours de juriste et avocate, d'auteur de fiction ou de mère de famille, on a la sensation que vos journées durent plus de 24 heures. Comment fait on pour gérer toutes ces activités ainsi que la double appartenance aux cultures française et américaine ?
Elle Jauffret : J’ai énormément d’énergie et je ne fais pas tout en même temps. Je limite mes heures de travail (depuis la pandémie), mes enfants sont autonomes, et l’écriture prend le reste de mon temps. Mon iPhone me permet d’écrire partout : dans ma voiture (en attendant la sortie de l’école), dans les salles d’attente, et même à l’hôpital (aux urgences ou avant une operation). Un roman (en anglais) contient environ 85 000 mots. Écrire un roman entier nécessite seulement de rédiger 233 mots par jour pendant un an. C’est très faisable avec de la détermination et de la concentration. Mon biculturalisme n’affecte pas ma vie quotidienne — j’apprécie autant la cuisine maison que les plats surgelés ou prêts à manger que j’ai adoptés récemment. Ne pas cuisiner et reporter le ménage libère énormément de temps.
Lesfrancais.press : Pour reprendre l'histoire à son début comment devient on une française de Californie et quand et comment êtes vous devenue auteur de fiction ?"
Elle Jauffret : Mon mari (Américain) travaillait pour la US Navy (Marine américaine). Nous déménagions souvent à travers les États-Unis (côte Est, côte Ouest, et Midwest), là où se trouvaient ses stations d’affectation. La Californie était son dernier poste — une belle région où nous avons décidé de nous installer. J’ai toujours aimé lire et écrire. Ma première histoire remonte à la sixième, lorsque j’ai découvert le travail de Ray Bradbury. J’ai toujours su que je voulais être avocate ou écrivaine, et je suis allée après les deux. Ce qui a commencé comme un passe-temps est devenu une ambition professionnelle. J’ai participé à des conférences d’écrivains, soumis mes nouvelles à des anthologies, et j’ai signé avec un agent littéraire pour me représenter auprès des éditeurs. Level Best Books (qui publie mon premier roman) m’a offert un contrat de trois livres que j’ai accepté avec joie. Version courte : installez-vous en Californie, écrivez un roman policier grand public, envoyez le aux éditeurs, et croisez les doigts.
Lesfrancais.press : Sur la promotion de la culture française, votre dernier roman est construit autour d'une héroïne "so chic" affranchie et intrépide. Est-ce votre contribution personnelle à la promotion de femmes de fiction "à la française" par leurs valeurs ?
Elle Jauffret : Mon héroïne est une avocate américaine spécialisée dans la défense criminelle, qui change de carrière après qu’une explosion a détruit son cabinet juridique et l’a laissée avec un syndrome d’accent étranger français. Elle est une combinaison de nombreuses amies et avocates que j’admire, elle est aussi très « urbaine ». Je vise aussi à représenter des femmes avec profondeur, individualité, et peut-être des valeurs en accord avec les traditions culturelles ou littéraires françaises.
Entre deux cultures, entre deux passions
Lesfrancais.press : Pourquoi avoir écrit en anglais seulement ?
Elle Jauffret : Pour trois raisons : Une audience large. La demande du marché (le marché anglophone est l’un des plus grands marchés du livre à l’échelle mondiale). L’échange culturel (je peux partager ma perspective unique et mon expérience culturelle).
Lesfrancais.press : Et si je vous demande de "pitcher" votre livre en quelques lignes pour votre futur lectorat ?
Elle Jauffret : C’est l’histoire de Claire, une ancienne avocate américaine devenue chef privé, qui souffre du syndrome d’accent étranger français et enquête sur la mort de son amie. Elle fait equipe avec son amie d’enfance et se retrouve en conflit avec le détective chargé de l’affaire, qui se trouve être son nouveau colocataire. Le roman explore la profondeur de l’amitié féminine et d’enfance, ainsi que ce que signifie naviguer dans la vie aux États-Unis avec un accent étranger, remettant en question les perceptions de l’américanité.
Elle Jauffret : Vous pratiquez le cross over, me semble-t-il avec un mélange de culture classique à la française et de pop culture américaine. l'univers des comics Marvel vous est familier et j'ai même découvert grâce à vous qu'il existe une super héroïne française dans la galerie des héros de la franchise. Comment mobilisez vous cette culture au service de vos écrits de fiction ?"
Elle Jauffret : La culture classique française et la pop culture américaine sont plus similaires qu’on ne le pense—elles reposent sur la narration et le développement des personnages. Jean Valjean (Les Misérables) et Peter Parker (Spider-Man) sont tous deux guidés par un fort sens moral et un désir de justice. Jean Valjean cherche la rédemption et aide les autres malgré son passé trouble, tandis que Spider-Man utilise ses pouvoirs pour protéger les autres et défendre la justice, souvent au prix de sacrifices personnels. Étienne Lantier (Germinal) et Steve Rogers (Captain America) défendent aussi leurs principes et luttent contre l’oppression (l’un pour les droits des travailleurs et la justice sociale, l’autre pour la liberté et l’égalité). Les histoires sont simplement présentées différemment selon le public visé. Dans mon roman policier, j’utilise un style plus percutant et rythmé, tout en questionnant la définition de l’américanité.
Auteur/Autrice
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Boris Faure est l'ex 1er Secrétaire de la fédération des expatriés du Parti socialiste, mais c'est surtout un expert de la culture française à l'étranger. Il travaille depuis 20 ans dans le réseau des Instituts Français, et a été secrétaire général de celui de l'île Maurice, avant de travailler auprès des Instituts de Pologne et d'Ukraine. Il a été la plume d'une ministre de la Francophonie. Aujourd'hui, il collabore avec Sud Radio et Lesfrancais.press, tout en étant auteur et représentant syndical dans le réseau des Lycées français à l'étranger.
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