Élections en Pologne : le Conseil de l’Europe tire la sonnette d’alarme

Élections en Pologne : le Conseil de l’Europe tire la sonnette d’alarme

Alors que le parti au pouvoir Droit et Justice (PiS) est confronté à sa campagne électorale la plus serrée depuis 2015, et pourrait perdre le pouvoir, une délégation du Conseil de l’Europe a exprimé ses préoccupations quant à l’équité du processus électoral polonais.

Une délégation composée de parlementaires de France, d’Allemagne, d’Autriche, de Roumanie et du Royaume-Uni s’est rendue en Pologne dans le cadre du mandat du Conseil de l’Europe, organisation de défense des droits de l’homme basée à Strasbourg. À la suite de cette visite, ils ont publié un rapport le 28 septembre, faisant état d’un « climat de campagne tendu et marqué par des antagonismes ».

« J’ai été stupéfaite par le niveau d’invectives entre les différents partis. Le niveau d’antagonisme est très fort. Certains politiques se traitent d’agents de l’étranger, soit vis-à-vis de l’Allemagne, soit vis-à-vis de la Russie », a déclaré Mireille Clapot, députée française et cheffe de la délégation, à Euractiv.

En effet, le candidat pro-UE à la tête du parti Plateforme civique (KO) et ancien Premier ministre polonais Donald Tusk a publié une vidéo le 20 septembre sur X, se moquant des lapsus du Premier ministre polonais actuel Mateusz Morawiecki.

Le 11 septembre, le parti au pouvoir, a publié un court-métrage sur YouTube suggérant que Tusk était un agent allemand qui souhaitait augmenter l’âge de départ à la retraite des Polonais, tout en présentant le vice-premier ministre et dirigeant de facto du PiS, Jarosław Kaczyński, comme un défenseur du peuple polonais et soumettrait la question au peuple polonais lors d’un référendum.

Référendums simultanés

En ce qui concerne les référendums, le parti Droit et Justice a décidé de poser quatre questions simultanées aux Polonais lors des élections législatives du 15 octobre.

En plus d’être critiqués pour leur rédaction trompeuse ou viseraient « à permettre de contourner les règles de financement applicables à la campagne électorale », comme l’écrit la délégation du Conseil de l’Europe.

De plus, les référendums eux-mêmes peuvent constituer une menace pour la démocratie.

En effet, les résultats aux référendums ne seront valides que si 50 % de l’électorat polonais y répond. Par conséquent, de nombreux Polonais opposés au parti Droit et Justice pourraient être tentés de ne pas y répondre.

Or, « les électeurs [polonais] doivent refuser explicitement de prendre les bulletins aux membres de la Commission du bureau de vote, ce qui nuit au secret du vote », a expliqué Mme Clapot à Euractiv.

En effet, ceux qui sont enclins à refuser de répondre aux référendums sont plus probablement des opposants au PiS et pourraient faire face à des intimidations dans le bureau de vote.

Elections en Pologne
« J’ai été stupéfaite par le niveau d’invectives entre les différents partis. Le niveau d’antagonisme est très fort. Certains politiques se traitent d'agents de l'étranger, soit vis-à-vis de l'Allemagne, soit vis-à-vis de la Russie », a déclaré Mireille Clapot, députée française et cheffe de la délégation, à Euractiv. [EPA-EFE/Pawel Supernak]

Comptabilisation du vote des Polonais vivant à l’étranger

Le « processus de vote applicable aux citoyen·ne·s polonais·e·s résidant à l’étranger a également été soulevé » par la délégation.

En effet, la municipalité de Varsovie est la seule municipalité à recevoir les votes des Polonais vivant à l’étranger et dispose d’exactement 24 heures pour soumettre les résultats à la Commission électorale nationale.

« Aucun vote des bureaux dépassant ce délai ne sera comptabilisé, ce qui pose un problème quant à l’équité du vote », a déclaré la cheffe de la délégation, Mme Clapot.

Ce délai a été critiqué en Pologne par le commissaire aux droits de l’homme, Marcin Wiącek, qui a qualifié la nouvelle règle de décompte des voix de manquement aux droits des Polonais de l’étranger et d’infraction à la Constitution polonaise.

Certains craignent que cette nouvelle règle ne soit une tentative de ne pas comptabiliser les votes des Polonais de l’étranger, qui ont tendance à favoriser l’opposition plutôt que le parti au pouvoir, le PiS, comme le montrent les résultats des dernières élections présidentielles de 2020.

Indépendance des médias

La délégation du Conseil de l’Europe a également noté un « déséquilibre de la couverture médiatique assurée par les organes de presse publics ».

En effet, certains dénoncent que le PiS, utilise depuis plusieurs années les chaînes de radio et de télévision nationales (Polskie Radio et TVP) pour diffuser son programme conservateur.

En outre, depuis décembre 2020, la compagnie pétrolière publique PKN Orlen possède la holding de médias Polska Press, qui regroupe des dizaines de journaux polonais locaux. La Fondation Helsinki pour les droits de l’homme a signalé à ce propos que cette acquisition avait porté atteinte à la liberté journalistique en Pologne.

Radio Maryja, une station de radio polonaise, religieuse et conservatrice très influente auprès des personnes âgées, principalement des femmes, a par ailleurs reçu d’importantes subventions de l’État.

La station invite souvent des personnalités politiques du PiS qui soutiennent la radio, qui en retour présente la politique du PiS comme la seule qui soit la bonne.

Indépendance de la Cour suprême

La validation des référendums sera déterminée par la Cour suprême polonaise.

Or, certains des juges de cette institution ont été nommés par le PiS, et leur indépendance a de ce fait été mise en question. Notamment, la Cour européenne des droits de l’homme ne reconnaît plus cette institution comme un tribunal légalement établi.

« En cas de litiges, les décisions pourraient voir leur impartialité et donc leur légitimité mises en doute », a expliqué Mme Clapot.

Une note positive

Sur une note plus positive, Mme Clapot a expliqué que la liberté de se porter candidat n’a pas été entravée en Pologne.

Euractiv a contacté le porte-parole du parti Droit et Justice, mais aucune réponse n’a été reçue au moment de la publication.

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