Cet article fait partie de l’édition spéciale Tour d’horizon des capitales à l’approche des élections européennes.
Alors que les Belges voteront dimanche (9 juin) pour les élections régionales, fédérales et européennes en même temps, de très bons résultats sont attendus pour l’extrême droite et l’extrême gauche. Les experts ne s’accordent toutefois pas sur l’incidence du nombre important de jeunes âgés de 16 à 23 ans qui voteront pour la première fois sur ces résultats.
En tête des derniers sondages d’Europe Elects, avec plus de 10 %, figurent le Vlaams Belang (Identité et Démocratie, ID) de Tom van Grieken, la N-VA (Conservateurs et Réformistes européens, CRE) de Bart de Wever et le parti travailleur PTB/PVDA (La Gauche, GUE/NGL) — qui ne font pas partie de la coalition au pouvoir — avec respectivement 15 %, 12 % et 12 %.
Le Parti socialiste (PS, Socialistes et Démocrates, S&D) de Paul Magnette et le Mouvement Réformateur (MR, Renew Europe) de Georges-Louis Bouchez suivent de près avec moins de 10 %, le CD&V (Parti populaire européen, PPE) et Vooruit (S&D) avec 7 %, Les Engagés (PPE) avec 6 %, le parti libéral Open Vld du Premier ministre Alexander de Croo avec 5 %.
Par ailleurs, les deux partis écologistes, Groen et Ecolo, sont crédités respectivement à 4 % et 3 %. Cela signifie que si selon les projections actuelles ils devraient obtenir un siège chacun, ils pourraient également n’en obtenir aucun, comme c’est le cas pour le parti Démocrate fédéraliste indépendant (Défi), avec ses 2 %.
Des gains pour l’extrême droite et l’extrême gauche
Alors que la N-VA, parti d’extrême droite, devrait enregistrer un recul de 2 % par rapport à son résultat de 14 % en 2019 et perdre un siège, le Vlaams Belang poursuit sa progression, passant d’environ 5 % lors des Européennes de 2014 à 12 % en 2019 et à 15 % aujourd’hui — un résultat qui attribuerait quatre sièges au groupe ID.
À l’extrême gauche, le PTB/PVDA devrait obtenir 12 %, contribuant ainsi à hauteur de deux sièges au groupe européen GUE/NGL, contre un siège et 8,42 % en 2019.
Cette tendance vers les extrêmes est alimentée par une forme de « protestation et d’insatisfaction à l’égard de la politique » d’une part, et par ceux qui soutiennent les politiques les plus radicales d’autre part, a expliqué à Euractiv Stefaan Walgrave, professeur à l’université d’Anvers.
« De nombreux citoyens belges sont mécontents de la manière dont leur démocratie fonctionne et ne se sentent pas représentés par les partis ou par les responsables politiques existants », a-t-il ajouté, soulignant qu’ils « votent pour des outsiders qui peuvent incarner leur protestation ».
L’immigration et l’économie au cœur du débat
Des enquêtes et sondages récents montrent que l’immigration, l’économie et le pouvoir d’achat sont parmi les questions les plus importantes pour les Belges, bien avant le climat, qui était au contraire un sujet central lors du scrutin de 2019.
L’immigration, en particulier, est un sujet sur lequel les partis radicaux, surtout de droite, sont perçus comme ayant une « emprise », explique Didier Caluwaerts, professeur associé à la Vrije Universiteit Brussel, ajoutant que ce changement peut également s’expliquer par le fait que la stigmatisation associée au vote pour des partis plus radicaux semble s’être évaporée.
Selon M. Caluwaerts, un autre facteur qui joue en faveur des extrêmes est le désir des électeurs de disposer d’une « alternative » aux partis au pouvoir aux niveaux national et régional.
Les membres de la coalition à sept partis, au pouvoir en Belgique depuis 2020, sont associés aux crises récentes telles que la pandémie et la guerre en Ukraine, ainsi qu’à l’inflation et aux prix élevés de l’énergie qui en résultent.
Selon M. Caluwaerts, ces crises ont attisé la colère et le sentiment de danger de nombreuses personnes, ce qui, selon lui, constitue une des principales motivations des électeurs pour se tourner vers l’extrême droite ou l’extrême gauche.
« Pour la droite radicale, la question est clairement celle de l’immigration ; la plupart des électeurs du Vlaams Belang veulent une politique migratoire beaucoup plus stricte. Pour la gauche radicale du PVDA-PTB, la question est celle de la redistribution. Ces électeurs souhaitent une intervention forte de l’État dans l’économie, en taxant les riches et en fournissant davantage de services aux pauvres », a expliqué M. Walgrave.
Le vote obligatoire et les jeunes
En Belgique, le vote est obligatoire. En outre, les élections européennes seront les premières où les jeunes de 16 à 17 ans — qui, selon des rapports récents, représenteront 10 % de l’électorat — auront le droit, et le devoir, de voter.
Interrogé sur une potentielle différence marquée par le vote des jeunes électeurs dimanche, M. Walgrave a déclaré qu’il ne s’agirait pas seulement des jeunes de 16 à 17 ans «mais aussi des nouveaux électeurs », qui n’étaient pas encore majeurs lors des dernières élections, et qui ont jusqu’à 23 ans.
M. Caluwaerts s’est montré plus prudent dans son analyse, déclarant qu’il ne s’attendait pas à un tel bouleversement, soulignant que la génération plus âgée des boomers continuerait à jouer un rôle central dans les élections et que les jeunes suivraient de toute façon des schémas de vote similaires.
Interrogé sur la situation au lendemain des élections, M. Walgrave a annoncé que les partis devraient « jouer aux échecs sur différents échiquiers en même temps », car « les niveaux régional et fédéral sont étroitement liés ».
M. Caluwaerts a ajouté que la négociation d’une «coalition stable et efficace» serait un défi, une tâche de longue haleine et «très difficile ».
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