Le 22 septembre 1976, Raymond Barre déclarait : « La France est un pays qui, depuis longtemps, vit au-dessus de ses moyens. » Cette année-là, le déficit représentait 1,5 % du PIB. Près d’un demi-siècle plus tard, il s’élève à 6,2 % du PIB, tandis que la dette publique est passée de 20 % en 1976 à plus de 110 % du PIB aujourd’hui. L’euro a été une aubaine pour les gouvernements impécunieux en leur permettant d’emprunter à faibles coûts, durant des années. La monnaie unique a également supprimé le problème de change auquel le pays était régulièrement confronté en raison de son déficit commercial.
Explosion de la Dette Publique : La France Face à une Crise Historique
Pour reconstituer ses réserves de change, la France avait dû recourir à des emprunts auprès des pays du Golfe dans les années 1980. L’augmentation de la dette depuis 2015 est également liée à la politique monétaire non conventionnelle menée par la Banque centrale. Influencés par les économistes de la Nouvelle théorie monétaire, les responsables français ont jugé opportun de profiter des emprunts à taux négatifs et de dépenser sans compter.
Contrairement à la France, les autres États européens n’ont pas cru au mirage de l’argent gratuit et ont évité ce piège. Les gouvernements français ont également commis l’erreur d’endetter le pays non pas pour investir, mais pour financer des dépenses courantes difficiles à réduire d’une année sur l’autre. Les taux négatifs ayant disparu, les emprunts doivent désormais être remboursés et, pour ce faire, l’État est contraint de s’endetter à nouveau, mais à des taux plus élevés. En 2025, il devra ainsi émettre plus de 300 milliards d’euros d’obligations, un record en Europe. L’emballement de la dette publique inquiète les Français, mais cela ne les empêche pas, élection après élection, de plébisciter les programmes les plus dépensiers. Le rétablissement des comptes publics est souhaité, à condition qu’il ne remette pas en cause les avantages acquis. Souvent, ce rétablissement passe en France par une hausse des prélèvements obligatoires. Cette solution entraîne un effet de cliquet sur les dépenses, dont une part croissante est jugée incompressible. Ce choix explique en partie pourquoi la France cumule un des plus hauts niveaux de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires en Europe.
Le Premier ministre, Michel Barnier, a pour défi de réduire le déficit sans disposer d’une majorité parlementaire. Faute de temps, il a été contraint de reprendre le projet de budget que l’administration des finances avait élaboré durant l’été. Pour assurer un assainissement durable, les expédients budgétaires et fiscaux ne suffiront pas. L’essentiel est de redonner du souffle à l’économie française. Le Portugal et l’Espagne réduisent leur endettement principalement grâce à une croissance bien plus élevée que celle de la France. Pour y parvenir, Michel Barnier pourrait s’inspirer de Raymond Barre en favorisant la concurrence et en réduisant les situations de rente en France. Des progrès peuvent être réalisés dans de nombreux secteurs, qu’il s’agisse de l’énergie, des transports, des communications ou de la santé. Les mesures contre les oligopoles devraient être renforcées.
Relance économique nécessaire
Par ailleurs, un effort important doit être fait pour réduire les coûts de construction des logements. Il est assez surprenant que la France, pays peu densifié, soit confrontée depuis des années à un problème de logements. Une économie plus dynamique passe par un volume de travail plus important. Si la France avait le même taux d’emploi que l’Allemagne, soit 78 % au lieu de 68 %, elle n’aurait probablement pas de problème de finances publiques. L’amélioration du taux d’emploi des jeunes et des seniors est nécessaire, avec des politiques adaptées à chacun. Le développement de la formation, la prise en compte de la pénibilité et le recours accru à la retraite progressive sont autant de pistes possibles. La question du temps de travail mérite également d’être posée. La France est le seul pays à avoir opté, il y a un quart de siècle, pour une réduction administrée et obligatoire du temps de travail.
Ce choix a désorganisé de nombreux secteurs, notamment celui de la santé ainsi que les PME. Logiquement, le temps de travail dépend de la demande et de la productivité. Les branches professionnelles sont probablement mieux à même que la loi de déterminer le temps de travail. Sur de nombreux sujets sociaux, dont les retraites, le recours à la négociation sociale devrait être privilégié. L’instauration d’un domaine social protégé constitutionnellement, dans lequel le pouvoir exécutif n’aurait que des compétences exceptionnelles, responsabiliserait les partenaires sociaux et éviterait la centralisation de tous les problèmes au niveau de l’État.
La situation financière préoccupante de la France contraint les pouvoirs publics à faire preuve d’imagination et à sortir des sentiers battus. Redonner de la vigueur à l’économie française est un défi majeur qu’il faut relever. L’augmentation de la participation au marché du travail, des efforts en matière de recherche et des dépenses d’investissement, notamment dans les technologies de l’information et de la communication, sont des solutions qui méritent d’être explorées. Comme l’écrivait Adam Smith, père du libéralisme économique : « L’argent est une des roues de la machine de la société, mais ce n’est pas la machine elle-même. » En modernisant son économie et en investissant dans les talents et l’innovation, la France peut non seulement connaître une nouvelle prospérité économique, qui lui fait défaut depuis des années, mais également rétablir ses comptes publics.
Laisser un commentaire