L’économie américaine a moins souffert de la crise sanitaire que la zone euro. Grâce à leur taille, les États-Unis n’ont pas connu d’arrêt quasi-total de l’activité, contrairement à l’Europe au printemps 2020. La contraction du PIB a été de 3,5% l’année dernière aux États-Unis, contre 4,8% en zone euro. Les soutiens budgétaires ont été également plus massifs outre-Atlantique avec les plans de Donald Trump puis de Joe Biden. Le déficit public a dépassé 15% du PIB, contre 7,2% pour la zone euro. La flexibilité du marché de l’emploi américain permet également des rebonds plus rapides qu’en Europe. Le taux de chômage est ainsi passé de 3,5 à 14,7% de la population active de février à avril 2020 avant de revenir à 5,4 % au mois de juillet 2021.
Pour la zone euro, le recours au chômage partiel a réduit le nombre de licenciements durant la crise sanitaire en anesthésiant le marché de l’emploi. L’objectif était d’éviter un amoindrissement des forces productives comme cela avait été constaté après la crise des dettes souveraines. Contrairement aux prévisions pessimistes de certains, en sortie de crise, les destructions d’emplois restent faibles tout comme les liquidations d’entreprises. En revanche, la politique de soutien freine le renouvellement du tissu productif, ce qui pourrait jouer à l’encontre de la croissance dans les prochains mois.
Forte croissance attendue
Compte tenu des plans de soutien en cours de déploiement, les États-Unis devraient connaître une forte croissance : environ +6,5 % en 2021, et de 3 et 4 % en 2022.
Des économistes commencent à s’interroger sur les conséquences de la sortie de la politique de soutien monétaire et budgétaire ainsi que de l’inflation. Depuis le début de la crise sanitaire, les revenus des ménages américains sont en forte croissance. S’ils étaient étalés depuis une vingtaine d’années, surtout chez ceux appartenant aux catégories sociales les plus modestes, ils ont progressé de plus de 10% en 2020 et 2021.
Avec l’arrêt du versement des chèques de soutien, les revenus des ménages devraient revenir à leur niveau d’avant-crise, voire être inférieurs compte tenu du maintien d’un sous-emploi. Pour améliorer la situation des ménages à faibles revenus, l’administration de Joe Biden a prévu un plan de protection sociale portant sur 3 500 milliards de dollars sur huit ans. Il devrait compléter le plan de relance de l’investissement de 1 200 milliards de dollars. Ces deux plans seront revus à la baisse lors de leur examen par le Congrès du fait de l’hostilité des Républicains.
Contraction budgétaire en 2022
Une forte contraction budgétaire est attendue à partir de 2022, avec un effet négatif important sur la demande. Elle pourrait être en partie compensée par une amélioration du commerce extérieur, sachant que la balance courante des États-Unis est déficitaire de -2 à -3,5% du PIB chaque année depuis dix ans.
Les pouvoirs publics escomptent que les ménages puiseront dans leur épargne accumulée depuis le printemps 2020 pour maintenir un haut niveau de consommation. Le taux d’épargne des ménages est passé de 7 à plus de 25 % du revenu disponible brut de 2019 à 2020. Les dépôts des ménages sont à un niveau historique, plus de 11 000 milliards de dollars en 2021, contre 9 000 milliards de dollars en 2016. Comme les Européens et notamment les Français, les Américains conservent une part croissante de leur épargne liquide.
Si l’épargne peut jouer en faveur de la consommation, en revanche, l’inflation pourrait la pénaliser. L’inflation qui a dépassé 5% en juillet 2021 érode le pouvoir d’achat des ménages, ce qui devrait provoquer un recul de la consommation quand les aides auront disparu. Depuis l’été 2020, celle-ci connaît une croissance en rythme annuel très vive. La forte demande intérieure américaine est en partie à l’origine de l’inflation du fait de la multiplication des goulots d’étranglement dans la production. L’économie des États-Unis est également confrontée à d’importantes difficultés au niveau du marché du travail. De plus en plus d’entreprises rencontrent des problèmes de recrutement en lien avec une inadéquation entre offre et demande de travail. Le désajustement des compétences et des appétences entraîne une hausse des emplois vacants et le maintien d’un sous-emploi.
Problèmes de recrutement
Près de la moitié des entreprises indique avoir des problèmes de recrutement quand, dans le même temps, le taux d’emploi est de 74 %, soit quatre points en-dessous de son niveau d’avant-crise. La persistance des problèmes de recrutement pourrait peser en défaveur de l’activité. Si les gains de productivité ne s’améliorent pas, la croissance pourrait rapidement revenir à son niveau potentiel d’avant-crise, autour de 2 points, voire être inférieure à ce taux.
La décélération serait d’autant plus marquée si la Réserve Fédérale durcissait assez rapidement sa politique en réduisant les rachats d’obligations voire en augmentant ses taux directeurs. Un ralentissement de la croissance pourrait, en revanche, pousser la banque centrale à maintenir plus longtemps que prévu sa politique de soutien. En cas d’affaissement de l’activité, le cours des actions pourrait être mis à rude épreuve compte tenu de la hausse accumulée ces dernières années. Par ailleurs, le dollar devrait se déprécier surtout en cas de maintien de taux d’intérêt bas.
Chaque année, les prévisionnistes se sont trompés.
Depuis 2015, chaque année, les prévisionnistes se sont trompés pour les États-Unis en pariant sur une récession qui n’est intervenue qu’en 2020 avec la crise sanitaire. Pour les prochaines années, l’affadissement de la croissance annoncée pourrait ne pas se réaliser tant en raison de la puissance des États-Unis dans les domaines des technologies de l’information que de la santé.
Dans un monde plus clivant sur le plan géopolitique avec la confrontation croissante avec la Chine, plus instable en raison d’un nombre plus important d’acteurs, les États-Unis, en tant que première puissance militaire et économique, peuvent compter sur leur pouvoir d’attraction que ce soit au niveau des capitaux que des femmes ou des hommes pour maintenir une croissance supérieure à celle des autres pays avancés.
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