Double sidération

Double sidération

Nous invitons Véronique Lederman, Française installée en Belgique, de confession juive, ancienne directrice du service social juif de Bruxelles et membre du comité directeur du CCOJB (Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique) qui a partagé avec nos lecteurs une tribune qu’elle a publiée la semaine dernière. Rappelons qu’en Belgique, certains acteurs politiques membres d’instances gouvernementales, rechignent, pour certains, à déclarer le Hamas comme un groupe terroriste. Ce dernier est pourtant inscrit à la liste officielle des groupes terroristes de l’Union européenne, dont le siège est dans la capitale belge. Dans ce pays, où le vote communautaire est le socle du modèle démocratique, les manifestations en faveur de la Palestine sont quotidiennes alors que la communauté juive, si elle est sécurisée par les forces de l’ordre, n’est que peu soutenue publiquement. 

sidération
Manifestation devant le Consulat de France le 12 novembre 2023 - Consulat de France © AFP

Tribune de Veronique Lederman

Il y a des moments dans l’histoire où une journée fait basculer nos vies :

  • L’attentat de Sarajevo avec l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand qui a entraîné la première Guerre mondiale.
  • L’Anschluss de l’Autriche en mars 1938, qui a marqué le début de ce qui allait devenir la deuxième Guerre mondiale.
  • Le 14 mai 1948, la déclaration d’indépendance de la naissance de l’État d’Israël et toutes les guerres qui ont suivi, en particulier celle des six jours en 1967 et celle de Kippour en 1973.
  • Le 13 septembre 1993, il y a 30 ans, la signature des accords d’Oslo à Washington et la célèbre poignée de mains entre Rabin et Arafat.
  • Le 4 novembre 1995, Rabin est assassiné et le début du processus de paix aussi, même si cela s’annonçait compliqué.
  • Le 11 septembre 2001, l’attaque sans précédent sur le sol américain et l’effondrement des tours jumelles du World Trade Center nous plonge dans un terrorisme de masse.
  • Et puis il y a maintenant le 7 octobre 2023

Certes, il y a des milliers de dates importantes pour l’humanité et pour les simples humains, et pas seulement de mort. Il y a eu des espoirs et du désespoir avec des moments qui sont souvent aussi des marqueurs d’attaques terribles, Charlie, l’Hypercasher, le Bataclan, les terrasses, Nice, Madrid, … cette longue litanie des actes terroristes qui émaillent l’actualité et nos vies. On pleure aussi les professeurs assassinés, Jonathan Sandler, Samuel Paty, Agnès Lassalle, Dominique Bernard.

Mais le 7 octobre marque un profond basculement vers un monde dont nous ignorons les contours, mais qui est assez terrifiant, surtout qu’il ne faudra rien céder.

La sidération du 7 octobre est d’abord totale pour deux raisons : l’image d’Israël forteresse inviolable a volé en éclats, tant au plan intérieur, que sur celui de l’image de refuge pour la diaspora. Dans un deuxième temps, c’est le monde qui bascule dans une folie antisémite, avec une vision souvent partiale de l’information et une guerre sur les réseaux sociaux.

1- Donc, le 7 octobre, sous nos yeux ébahis et très vite horrifiés, nous voyons des images que jamais nous n’aurions pensé regarder : l’invasion d’une horde sauvage, d’une déferlante armée hors des grilles de Gaza pour envahir Israël, tuer, violer, brûler, massacrer des juifs. Il y aura des films, des récits, des traumatismes et encore et surtout une immense stupéfaction. Comment cela a-t-il pu arriver ? Israël, l’invincible, a failli. Les meilleurs services de renseignement du monde n’ont rien vu, rien entendu. 

Le traumatisme est d’abord à l’intérieur du pays, le roman national de la supériorité éternelle de l’armée et de tout ce qui entoure la sécurité connaît une page noire. Ironie du sort, le pays a à sa tête celui qui depuis près de trente ans gagne des élections sur le thème de la sécurité. Quelle triste grimace de l’Histoire ! Au fil des jours et des semaines, on apprendra encore plus sur l’horreur de ce qu’ont vécu les victimes civiles de ce black Shabbat. 

Et puis il y a les otages, aujourd’hui 240, de tous âges y compris des bébés. Que croire et espérer de terroristes qui font l’apologie de la mort ? Le monde entier, enfin celui qui croit à des valeurs démocratiques, colle des affiches, que d’autres décollent, installe des tables sans invités, mais prêtes à les accueillir, des lits, des poussettes, des monticules de chaussures…

Mais l’onde de choc touche évidemment toute la diaspora. Israël se construit après la Shoah sur le « plus jamais ça », puisque les Juifs vont avoir un État refuge, un pays où ils n’auront plus à craindre les nazis, l’antisémitisme, puisque ce sera leur pays bien à eux. Et qu’importe si c’est la seule démocratie de la région, c’est ça qui les rendra plus forts. Et peu importe que ce soit le seul état juif entouré de pays arabes pour le moins malveillants, c’est ça qui les rendra plus forts. Et peu importe l’insolente supériorité militaire, technologique, c’est ça qui les rend plus forts pour survivre.

Or là, tout a volé en éclats en ce 7 octobre. Même si être juif ne veut pas forcément dire qu’on peut devenir Israélien sans difficulté, il y a ce mythe encore et toujours du refuge. De même que dans chaque maison, il y a un miklat, une pièce sécurisée, un safe room comme on dit en anglais, l’État est le super bouclier, à l’image du dôme de fer. Encore une fois, tous les juifs du monde n’étaient pas prêts à immigrer et certains sont revenus pour de multiples raisons, il y avait dans le coin de notre tête l’idée qu’on avait notre état safe room aussi. Là, c’est fini et l’immense fierté que nous avons pu ressentir par le passé, a été aussi piétinée par les terroristes du Hamas.

2- La deuxième sidération est encore plus déconcertante. La sympathie envers Israël a duré de 48 à 72 heures. Et très vite nous avons vécu un basculement vers la position initiale, à savoir qu’Israël est quand même le méchant et est même à l’origine de ce qui lui arrive pour aboutir évidemment à traiter les habitants de cette oasis de démocratie de nazis.

L’antisémitisme dit d’atmosphère devient poreux partout. Les quelques manifestations pro-israéliennes qui ont eu lieu tout de suite après les événements, ne sont rien en comparaison de la séquence contestataire pro-palestinienne, voire pro-Hamas, donc pro-terroriste, manifestations régulières, avec quelques mots d’ordre soft et néanmoins l’éternel slogan de la rivière à la mer. En clair, l’éradication de l’État d’Israël est scandée dans les rues de Bruxelles et du monde, arborée sur des T-shirts en vente sur un site de livraison en tout genre, et surtout rêvée par des mollahs, peu mollassons, mais qui ne rêvent que d’une chose, supprimer Israël de la surface de la terre, mais aussi envahir nos civilisations occidentales par l’islamisation la plus radicale.

Dès lors, ce n’est plus la chasse aux juifs en Israël, mais la chasse ouverte contre tous les juifs partout où ils se trouvent. Les incidents antisémites se multiplient, les chiffres explosent, les tags s’affichent, les chants négationnistes et antisémites retentissent. Les universités, les écoles, les silences qui sont plus bruyants que les bombes, les prises de position stupides voire dangereuses qui refusent de qualifier le Hamas de terroriste, tout contribue à attiser les haines, et surtout à faire naître un sentiment d’insécurité, réel, dans la population juive, qui est constituée de citoyens belges en Belgique, français en France…

Chacun a sa part dans ce désastre historique. L’ONU qui ne se base que sur les déclarations du Hamas, n’a rien d’un gendarme de la paix. Bien au contraire. Les institutions européennes, elles, se positionnent plus du côté d’Israël et surtout du côté de la lutte contre l’antisémitisme, grand fer de lance de l’Union européenne. On assiste à un déplacement subtil sur l’échiquier mondial des grands « machins », auquel il faut rajouter les Etats-Unis, qui imposent même une présence physique, par le biais de porte-avions, en soutien de l’État hébreu.

Quant aux médias et réseaux sociaux, la bataille de la désinformation fait rage. Point nécessaire ici de développer ce qui se passe sur Twitter et autres canaux. Ce qu’il faut souligner c’est le rôle des médias traditionnels et l’affaire de l’hôpital a été plus que révélateur. Quand on n’a que, comme unique source d’information, l’organisation terroriste qui est elle-même à l’origine de ce désastre, là on va droit dans le mur. Le journal le Monde a pris une semaine pour adresser ses excuses à ses lecteurs.

Parler de génocide palestinien n’a que peu de sens, puisque qui dit génocide, dit volonté d’éliminer un peuple de manière systématique, et ce jusqu’au dernier représentant de ce peuple. Ce qui n’est pas la volonté d’Israël, qui veut éradiquer une organisation terroriste, dont la première victime est le peuple palestinien.

Si l’on résume, nous avons d’un côté le Hamas qui s’est conduit comme des barbares, à ce propos est-ce que quelqu’un peut signaler à Amnesty international ce qui s’est passé le 7 octobre ? Le dogmatisme est mauvais conseiller. Le Hamas qui est un ramassis de terroristes, qui n’a aucune légitimité légale, sauf celle qu’il se donne, et qui agit comme les pires des monstres, (oserait-on dire comme des nazis ?) et d’un autre un Etat démocratique à qui l’on reconnaît le droit à se défendre, mais avec un MAIS tout de suite derrière. Une guerre fait des victimes et le but d’Israël encore une fois n’est pas d’éradiquer le peuple palestinien. Il faudra un jour revenir à la table des négociations, mais pour l’heure, une fois que les canons se seront tus, il faudra se reconstruire.

Et se reconstruire prendra du temps, mais surtout nous les Belges, les Européens, les Occidentaux, il faut prier pour qu’Israël gagne, car il en va de nos valeurs, de notre façon de vivre. Regardez comme la peur a encore plus envahi nos vies. L’État hébreu n’est que l’avant-poste d’un conflit mondial de pouvoirs, de religions, où l’enjeu est énorme et où les collabos sont légion.

Am Israël haï

Et nous avec !

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