Donald Trump, quelle politique économique ?

Donald Trump, quelle politique économique ?

En cas d’élection de Donald Trump à la présidentielle américaine, au mois de novembre prochain, quel programme économique entend-il mettre en œuvre à compter de 2025 et quelles pourraient en être les conséquences ? 

Selon les données disponibles, il souhaiterait amplifier la politique qu’il a conduite entre 2016 et 2020. Il rejette les résultats de la politique de Joe Biden estimant que la situation économique se serait dégradée ces quatre dernières années. Il récuse les statistiques officielles sur l’emploi, sur les revenus ou sur la croissance.

Un protectionnisme fort

Donald Trump a déclaré être favorable à un protectionnisme fort qui se traduirait notamment par l’instauration d’un droit de douane universel de 10 % sur tous les produits importés aux États-Unis. Une telle mesure serait en opposition avec les règles retenues par l’Organisation Mondiale du Commerce et pourrait provoquer la sortie des États-Unis de cette organisation. En instaurant des droits de douane, le candidat Républicain vise à protéger le marché intérieur américain et à favoriser les entreprises nationales. 

Dans les faits, l’application de ces mesures pourrait avoir un effet inverse à celui recherché. Les États-Unis dépendent du reste du monde pour la fourniture de nombreux biens, le déficit commercial atteignant 800 milliards de dollars par an sur ces dix dernières années. La substituabilité entre les produits importés et les biens produits aux États-Unis étant faible, la majoration des droits de douane se traduira par une hausse des prix et une diminution du pouvoir d’achat des ménages. 

En 2018, Donald Trump avait augmenté les droits de douane sur les importations d’acier en provenance de la Chine ce qui avait induit une hausse des prix de 25 % sur ce produit aux États-Unis. 

Selon les économistes, Emily Blanchard, Chad Bown et Davin Chor, l’ensemble des mesures protectionnistes décidées par Donald Trump entre 2016 et 2020 auraient provoqué une perte de pouvoir d’achat de 51 milliards de dollars pour les consommateurs américains. La croissance aurait diminué de 0,3 point de PIB. Les gains pour les producteurs américains « protégés » ont été estimé à 7 milliards de dollars, soit 0,004 % du PIB. Les exportateurs ont été, en revanche, pénalisés par les mesures de rétorsion prises par les pays touchés. Les cultivateurs américains de soja ont été ainsi privés de débouchés en Chine. L’administration américaine a été contrainte en 2018 de préparer un plan de soutien de 12 milliards de dollars pour compenser le manque à gagner pour le secteur. 

Quand Jimmy Carter, en 1979, décida de taxer l’acier importé afin de favoriser les sidérurgistes américains, l’industrie automobile de Detroit en pâtit sévèrement. En effet, les entreprises américaines furent contraintes d’acheter un acier plus cher et de mauvaise qualité, ce qui fit le bonheur des concurrents japonais qui s’installèrent aux États-Unis et prirent des parts de marché substantielles sur l’ensemble de la planète. Plus de 200 000 destructions d’emplois dans le secteur automobile sont imputées à cette mesure.

Donald Trump
Peter Navarro, du Conseil du commerce, à droite, en compagnie de Reince Priebus, chef de cabinet du président Donald Trump ©AFP

Réduction d’impôts

En cas de réélection, Donald Trump a l’intention de reprendre sa politique de réduction d’impôt qu’il avait initiée en 2017 (Tax Cuts and Jobs Act). Il prévoit des déductions fiscales pour les producteurs d’énergies fossiles. En contrepartie, il supprimerait l’Inflation Reduction Act qui accorde des aides aux entreprises réalisant des investissements sur le territoire américain pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. 

Sur ce sujet, il a déclaré vouloir sortir à nouveau les États-Unis de l’Accord de Paris de 2015. L’extension du Tax Cuts and Jobs Act de 2017 pourrait porter sur plus de 1 400 milliards de dollars sur dix ans. 

Après la prise en compte des effets macroéconomiques (hausse du PIB, de l’emploi), la hausse du déficit cumulé entre 2018 et 2027 serait de 1 071 milliards de dollars. Le déficit public qui est déjà de 7 % du PIB pourrait s’élever à près de 10 %. L’emploi ne serait augmenté que de 0,6 % en moyenne, sur la période 2018- 2027, sachant que les États-Unis sont au plein emploi (3,7 % de la population active en janvier). 

Les avantages fiscaux que Donald Trump souhaite instituer pour les entreprises ne se justifient guère au vu des profits importants qu’elles réalisent ces dernières années. En 2023, les profits après impôts et intérêts mais avant dividendes se sont élevés à 14,8 % du PIB, contre 13 % entre 2010 et 2019. 

L’abrogation de l’Inflation Reduction Act serait un tournant en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Cette loi aurait permis de réduire, selon les estimations retenues, de 8 à 15 points les émissions de gaz à effet de serre par rapport à la période 2017/2022. Elle a contribué à la hausse des investissements et à des entrées de capitaux dont les États-Unis ont besoin compte tenu de leur déficit en matière de balance des paiements courants.

Inflation et déficits publics

Une application stricte du programme de Donald Trump devrait se traduire par une inflation plus élevée d’au moins un point, d’un déficit public aggravé de deux points et d’une croissance réduite d’au moins 0,6 point. Les gains en matière d’emploi seraient faibles. Le programme du candidat Républicain conduirait à un retour aux énergies fossiles et à une moindre attractivité de l’économie américaine. 

Sur le plan mondial, la politique économique de Donald Trump aurait des effets négatifs pour l’Union européenne, les États-Unis étant son premier partenaire économique, le Japon et la Chine. Elle inciterait de nombreux États à s’engager dans la spirale du protectionnisme et à réduire leurs efforts en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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