Donald Trump a annoncé que dès son investiture, il prendra des mesures radicales pour lutter contre l’immigration illégale. Il a ainsi promis le plus grand plan d’expulsions de l’histoire américaine, prévoyant des descentes sur les lieux de travail et la suppression des programmes de libération conditionnelle. Ses collaborateurs ont même indiqué que l’administration pourrait, si nécessaire, recourir à l’armée pour réaliser ces expulsions. Le président entend s’inspirer de l’« opération Wetback ». Cette dernière était une campagne controversée des années 1950, sous la présidence de Dwight Eisenhower, qui avait conduit à l’expulsion d’environ 1,1 million de personnes.
Une économie dépendante des travailleurs clandestins
Selon le Pew Research Center, environ 11 millions de migrants illégaux vivaient aux États-Unis en 2022, dont 8,3 millions étaient actifs. Les estimations récentes portent à 10 millions le nombre de travailleurs illégaux, soit environ 6 % de la population active. Ces derniers occupent principalement des emplois dans la construction, l’agriculture et la restauration. La Californie, la Floride, New York et le Texas abriteraient près de la moitié d’entre eux. Leur départ, total ou partiel, entraînerait des conséquences importantes sur l’économie. Cela toucherait l’emploi, les prix à la consommation et les finances publiques.
Pour Donald Trump, l’expulsion des travailleurs illégaux devrait profiter aux actifs américains en augmentant les offres d’emploi disponibles et les salaires. Cependant, rien n’est garanti et cette politique pourrait produire des effets inverses. Une étude menée par Chloe East, de l’Université du Colorado à Denver, et ses collègues a montré que les expulsions sous la présidence de Barack Obama avaient entraîné la perte d’un emploi autochtone pour 11 migrants expulsés. Un article du Peterson Institute for International Economics arrive à des conclusions similaires. L’expulsion de 1,3 million de travailleurs provoquerait une baisse permanente de l’emploi de 0,6 %. Une réduction accompagnée d’une diminution de la production nationale.
Les travailleurs clandestins ne se contentent pas de répondre à des besoins non satisfaits par la population active locale. Ils sont un maillon essentiel de nombreux secteurs économiques. En effet, les Américains natifs ne se précipitent pas pour récolter et conditionner les fruits et légumes, découper la viande, cuisiner dans les restaurants ou nettoyer les bureaux.
Pendant la pandémie de Covid-19, une enquête menée par le Conseil national des employeurs agricoles a révélé que, sur 100 000 postes saisonniers proposés aux Américains au chômage, seulement 337 candidatures avaient été reçues.
Avec le vieillissement de la population, les pénuries de main-d’œuvre ne cessent de s’aggraver.
Une dépendance sectorielle critique
Selon un rapport du Migration Dialogue de l’Université de Californie à Davis, près d’un million des 2,5 millions de travailleurs agricoles américains sont des immigrants clandestins. Les fermes laitières et avicoles, qui ne peuvent pas recourir aux visas pour travailleurs saisonniers, dépendent massivement de cette main-d’œuvre. Leur départ entraînerait des coûts accrus, une automatisation partielle ou un recours accru aux importations.
Une étude menée par Dartmouth College et l’Université Duke a montré que l’exclusion de 500 000 travailleurs agricoles temporaires mexicains dans les années 1960 avait conduit à une mécanisation accrue. Toutefois, certaines tâches restent difficilement automatisables, rendant inévitable une hausse des coûts.
Dans le secteur de la construction, les défis seraient encore plus importants. Contrairement à l’agriculture, les entreprises de bâtiment ne peuvent pas automatiser leur production ou importer des logements. Environ 1,5 million de travailleurs clandestins, soit un sixième de la main-d’œuvre totale, y sont employés. Ce chiffre atteint un tiers dans des métiers spécialisés comme la pose de cloisons sèches et de toitures.
Une pénurie de main-d’œuvre entraînerait une flambée des coûts de construction. Cela aggraverait la crise du logement déjà alimentée par la hausse des taux d’intérêt et des normes réglementaires. De surcroît, une étude de Troup Howard, de l’Université de l’Utah, a montré que les expulsions sous l’administration Obama avaient exacerbé la pénurie de logements.
Des conséquences sur les finances publiques
Les expulsions massives ne se limiteront pas à réduire la main-d’œuvre : elles affecteront également les finances publiques. En effet, les migrants clandestins ne sont pas éligibles à la plupart des prestations sociales fédérales, telles que l’Obamacare ou les logements sociaux. Toutefois, ils paient des impôts et des taxes, notamment à travers leurs dépenses de consommation et les loyers. De plus, en contribuant à l’offre de main-d’œuvre et à la production économique, ils augmentent le revenu imposable et les bénéfices des entreprises. Le Congressional Budget Office prévoit que la récente hausse de la migration réduira les déficits fédéraux de 900 milliards de dollars entre 2024 et 2034. Une réduction dûe à l’augmentation des recettes fiscales et de la croissance économique.
L’expulsion de ces travailleurs réduirait donc l’assiette fiscale, sans diminuer les obligations de dépenses publiques, creusant davantage les déficits.
Les expulsions : une perte économique nette
Moins de travailleurs clandestins signifierait pour les États-Unis plus d’inflation, moins de croissance et une baisse des recettes publiques. Dans une économie caractérisée par le plein-emploi, ces expulsions risquent de provoquer un ralentissement de la production et un recours accru aux importations.
Les Américains seraient perdants en termes de revenus. Ils seraient confrontés à une hausse des prix et à une offre de biens et services diminuée. Dans un contexte de plein-emploi et de vieillissement de la population, les expulsions massives risquent de plonger l’économie américaine dans une spirale de ralentissement, d’inflation et de déséquilibres budgétaires. Loin de bénéficier de cette politique, les Américains pourraient en payer le prix fort.
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