Doit-on changer le mode d'élection des députés ?

Doit-on changer le mode d'élection des députés ?

Emmanuel Macron s’est dit dimanche 5 mai dans une interview à La Tribune Dimanche favorable à l’introduction d’une dose de proportionnelle dans le mode de scrutin des législatives. C’était d’ailleurs l’une des propositions du candidat Macron en 2017 comme en 2022. Ainsi, la présidence de la République réfléchit à une réforme constitutionnelle qui modifierait pour une partie des circonscriptions le mode d’élection des députés. Pour certains, les 11 circonscriptions des Français de l’étranger seraient les premières concernées, pour d’autres elles ne le seraient pas. Nous, on vous a posé la question du 05 au 12 mai, vous avez été 3087 personnes à y répondre. On décrypte ensemble cette consultation.

Qui adhère à la modification du scrutin législative ?

Avant de se pencher sur les résultats, on fait un petit tour d’horizon des positions des partis nationaux. Cette proposition est, d’ailleurs, diversement accueillie par la majorité. Le patron du MoDem, François Bayrou, y est très favorable mais le groupe Renaissance est, lui très divisé. Beaucoup mettent en garde contre l’éloignement des élus avec leur territoire et le coup de pouce aux apparatchiks désignés par les partis au détriment de l’ancrage local. Un argumentaire repris par la plupart des députés LR.

En fait, c’est au sein du reste de l’opposition que l’on trouve le plus de fervents partisans de la proportionnelle, et parfois même de la proportionnelle intégrale, chez les Insoumis, les socialistes, les Verts ou encore au Rassemblement national.

Quelle différence entre les scrutins ?

On l’a vu, certains ont peur qu’un tel changement de scrutin éloigne un peu plus les député(e)s du terrain. Après l’impossibilité de se présenter à la députation quand on est maire, le fait que l’élection soit plus liée à un parti qu’à une personnalité pourrait renforcer ce sentiment de « désancrage » de l’élu(e). Pour bien comprendre, faisons un point sur les mécaniques des deux scrutins.

Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours

Tout d’abord, parmi les personnes ayant participé à la consultation, elles sont 66% à déclarer connaître le mode de scrutin actuel, le scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Pour tous les autres, on vous rappelle son fonctionnement.

Cette mécanique est simple, ce mode d’élection permet à celle ou celui qui a obtenu le plus de voix de remporter le siège au bout des deux tours. Cependant, la victoire dès le premier tour est possible, elle requiert l’obtention d’une majorité absolue des voix. Si ces conditions ne sont pas remplies, un second tour est organisé avec ceux qui sont obtenus plus de 10% des suffrages exprimés. Le plus souvent, les candidats sans réelle chance se retirent au profit d’une personnalité proche de ses idées afin d’assurer la victoire de leurs camps. Cependant, depuis la montée en puissance du RN ou de LFI, les triangulaires se multiplient, permettant parfois d’être élu(e) sans avoir remporté plus de 50% des bulletins. Notons que dans ce mode d’élection, il n’est pas obligatoire d’avoir été désigné par un parti, chacun peut s’y présenter.

Le scrutin proportionnel à listes

Dans le cas d’un suffrage à la proportionnelle, la mécanique est toute autre. Celui-ci attribue les sièges selon le nombre de voix. Pour répartir les voix, on définit le nombre de voix pour obtenir un siège (le quotient électoral), puis on divise le total des voix obtenu par chaque liste par le quotient électoral pour déterminer le nombre de sièges emportés par chaque liste. C’est le parti qui désigne les candidats et surtout leur position dans la liste. Ainsi, le centre de gravité des députés bascule de leur circonscription vers les états-majors des partis. Mais ce mode de scrutin proportionnel permet une représentation fidèle du corps électoral. Dans certains pays les listes sont constituées nationalement, en France, dans le cadre de cette réforme, des circonscriptions seraient réunies pour constituer une « mega-circo » pour laquelle les électeurs devront désigner une poignée de députés élus donc à la proportionnelle.

La proportionnelle pour qui ?

Et vous l’avez compris, c’est ce dernier point qui fait penser à certains que les Français de l’étranger sont le terrain propice à l’application d’un tel mode de scrutin. En effet, créer une super circonscription réunissant les 11 députés sera bien plus aisé que de réunir des territoires dans des départements, qui parfois n’envoient qu’un ou deux députés.

Autre piste, et sur laquelle, beaucoup s’entendent, celles des grandes villes. Que ce soit à Paris, Lyon ou Marseille qui envoient, chacune, plusieurs députés, cela aurait du sens car l’imbrication des circonscriptions y est forte et cohérente.

Cependant, notons que Marine Le Pen souhaite appliquer la proportionnelle aux deux tiers des députés tandis qu’Emmanuel Macron ne propose que d’injecter une dose de proportionnelle, il est su qu’il est ouvert à une proportionnelle intégrale. Pour rappel, si le Général de Gaulle a choisi le mode de scrutin actuel, c’est pour garantir une stabilité au gouvernement après des décennies où les gouvernements étaient renversés quasiment chaque année. L’assemblée issue du vote de 2022, extrêmement divisé, conduisant à un ralentissement des actions de l’exécutif, rappelle le risque de la division que le scrutin proportionnel pourrait renforcer.

« Afin d’avoir une majorité il faut un scrutin majoritaire. C’est ce que décide mon gouvernement qui fixe le système  électoral en vertu de ses pouvoirs spéciaux rejetant la représentation proportionnelle chère aux rivalités et aux exclusives des partis mais incompatible avec le soutien continu d’une politique et adoptant tout bonnement le scrutin uninominal à deux tours. »

Charles De Gaulle dans ses Mémoires, tome I, Le Renouveau, p. 38

Les Français de l’étranger à 60% pour

Les résultats de notre consultation sont clairs. Le nom du député n’est pas la priorité des Français de l’étranger. Éparpillés dans des circonscriptions réunissant plusieurs pays, parfois sur des territoires plus grands que l’Europe, le lien qui peut exister entre le ou la députée et les Français d’un territoire rural en France, ne peut exister ou très difficilement entre les expatriés et leur élu(e). D’ailleurs, si parmi les répondants, ils sont 52% à connaître le nom de leur député(e), c’est pour plus de la moitié grâce à l’actualité et non du fait de l’élection ou des actions locales de ce dernier.

Et donc logiquement, les participants à notre consultation sont plus de 60% à adhérer à cette proposition. Maintenant, sera-t-elle mise au vote ? Emmanuel Macron obtiendra-t-il les 2/3 des voix du Congrès (Assemblée nationale + Sénat) ? Concernera-t-elle les Français de l’étranger. À suivre… d’ici 2027 !

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