« Disrupter » les finances publiques américaines ?

« Disrupter » les finances publiques américaines ?

Dans la foulée de son élection, Donald Trump a confié à Elon Musk et Vivek Ramaswamy la mission de créer un nouveau Département de l’efficience publique (Department of Governmental Efficiency – DOGE). Leur mission sera de réduire drastiquement le poids de l’État fédéral. A cette fin, Elon Musk a annoncé vouloir diminuer le budget fédéral de 2 000 milliards de dollars, soit un tiers du budget actuel. Ce montant dépasse les dépenses discrétionnaires fédérales, ce qui oblige les deux entrepreneurs à envisager des licenciements massifs de fonctionnaires pour atteindre leur objectif.

La nécessité de rééquilibrer les finances publiques américaines est indéniable. En 2024, le déficit public dépasse les 6 % du PIB, et la dette publique atteint plus de 100 % du PIB, contre seulement 35 % en 2007. Ces niveaux records, jamais atteints en temps de paix, rendent urgente la réduction des dépenses publiques. Cependant, rares sont ceux qui croient qu’Elon Musk et Vivek Ramaswamy réussiront à réduire le budget fédéral de 2 000 milliards de dollars.

Depuis 2019, les dépenses fédérales ont augmenté de près de 33 %.

Sur les 6 800 milliards de dépenses fédérales de l’année fiscale précédente, seulement 1 800 milliards relèvent des dépenses discrétionnaires, hors intérêts sur la dette et prestations obligatoires (retraites et assurance maladie). La moitié de ces dépenses discrétionnaires est destinée à la défense, un domaine que Donald Trump n’a pas l’intention de réduire. Bien qu’il ait demandé aux pays européens de renforcer leur contribution à la défense commune, il est peu probable qu’il diminue significativement les crédits militaires.

Cela laisse environ 900 milliards de dollars pour financer des politiques essentielles, telles que les transports, l’éducation, la recherche, les parcs nationaux, la police fédérale et la justice.

Depuis 2019, les dépenses fédérales ont augmenté de près de 33 %, notamment en réponse à la pandémie. Pour atteindre leurs objectifs, Elon Musk et Vivek Ramaswamy devront envisager des mesures budgétaires drastiques. En limitant la croissance des dépenses discrétionnaires à 2 % par an (alignée sur l’inflation prévue) jusqu’en 2035, le DOGE pourrait générer des économies d’environ 500 milliards de dollars sur une décennie, selon les projections du Congressional Budget Office (CBO).

Une réforme des prestations sociales

Une réforme des prestations sociales pourrait être entreprise mais les marges de manœuvre sont faibles. L’âge de départ à la retraite est programmé pour passer de 65 à 67 ans. Ce processus pourrait être certes accéléré. Le DOGE pourrait également réduire les coûts de Medicaid – l’assurance maladie pour les Américains à faibles revenus. Le gouvernement fédéral finance environ les deux tiers du programme même si la gestion est assurée au niveau des Etats. L’Etat fédéral n’a pas la maitrise des dépenses car les décisions relèvent de l’échelon local.

« Disrupter » les finances publiques américaines ?
« Disrupter » les finances publiques américaines ?

Dans le passé, le CBO a examiné la possibilité de fixer un plafond fédéral sur le paiement par personne inscrite. Si le plafond augmentait au rythme de l’inflation, cela réduirait le déficit fédéral de près de 900 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. Donald Trump pourrait également poursuivre la politique de Joe Biden de réduction du prix des médicaments. Le potentiel de gains en la matière est évalué à 200 milliards de dollars.

Le futur Président a promis de diminuer les impôts mais il pourrait être tenté de remettre en cause certaines déductions fiscales. La suppression ou la réduction des déductions fiscales pour les plans d’assurance maladie souscrits par l’intermédiaire des employeurs pourrait diminuer le déficit d’au moins 500 milliards de dollars sur une décennie.

Négocier avec le Congrès.

Les crédits d’impôt de l’ère Covid pour les entreprises qui ont conservé des employés sont, toujours en vigueur, pourraient être supprimés avec à la clef une économie de 80 milliards de dollars. En revanche, il est peu probable que Donald Trump maintienne le plan de renforcement de lutte contre la fraude. Sa mise en œuvre était susceptible de rapporter 850 milliards de dollars en dix ans à l’administration fiscale.

Quelles que soient les propositions retenues, Elon Musk et Vivek Ramaswamy devront apprendre à négocier avec le Congrès, ce qui les obligera à faire des concessions. Ils devront être capables de gagner le soutien des élus républicains. Le combat risque d’être long et complexe. Le plan d’austérité proposé par le futur DOGE, bien qu’ambitieux, soulève de nombreuses interrogations sur sa faisabilité.

La réduction drastique du budget fédéral nécessitera des réformes structurelles profondes, des mesures fiscales impopulaires et une gestion rigoureuse des dépenses sociales. Les deux entrepreneurs devront non seulement surmonter des défis techniques et politiques, mais aussi convaincre l’opinion publique que ces efforts sont nécessaires pour stabiliser les finances publiques américaines.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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