Une version du texte de négociation du traité UE-Mercosur, divulguée par Greenpeace Allemagne, ne contient aucune disposition visant à garantir l’application de l’accord de Paris sur le climat, ce qui laisse le champ libre à la déforestation en Amazonie, selon l’organisation.
L’accord de Paris, cité mais pas pris en compte
Alors que le projet d’accord commercial de l’UE avec les pays d’Amérique du Sud mentionne l’accord de Paris, appelant à sa mise en œuvre rapide, il ne contient aucune disposition concernant son application ou les répercussions auxquelles les parties devront faire face si elles ne le mettent pas en œuvre, souligne Greenpeace.
« L’absence d’engagements susceptibles d’entraîner des sanctions, qui permettraient d’arrêter la destruction de la nature et de lutter contre la crise climatique, montre à quel point cet accord ne tient pas compte des défis existentiels auxquels nous sommes confrontés »
l’expert commercial de Greenpeace, Juergen Knirsch.
« L’accord accélérerait la destruction de l’Amazonie, provoquant ainsi le déchaînement du chaos climatique et l’annihilation d’innombrables espèces »
l’expert commercial de Greenpeace, Juergen Knirsch.
Alors que certaines parties de l’accord commercial UE-Mercosur sont accessibles depuis juillet 2019, le texte de l’accord d’association n’avait pas été rendu public jusqu’à maintenant.
20 ans pour un accord avec les membres du Mercosur
Le pacte entre l’Union européenne et les partenaires du Mercosur qui pratiquent entre eux le libre-échange – soit le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay – a fait l’objet d’un accord de principe l’an dernier, après deux décennies de querelles.
Le mois dernier, Peter Altmaier, le ministre allemand de l’Économie, a déclaré qu’il croyait toujours que la ratification de l’accord commercial était possible, malgré la colère des Européens face à la déforestation au Brésil.
Même sans retoucher au texte de l’accord, « il y a certaines questions que nous devons clarifier, que nous pouvons clarifier », a-t-il déclaré à l’issue d’une réunion des ministres européens du commerce à Berlin, le 21 septembre.
Une solution durable ?
Une « solution durable » peut être trouvée, a-t-il plaidé, en enjoignant ses partenaires européens à ne pas se laisser diviser par les questions les plus délicates. Valdis Dombrovskis, le nouveau commissaire européen au commerce, a également affirmé qu’il était « clair que nous devons prendre ces questions au sérieux ».
Alors que l’Allemagne tient à ce que le traité soit ratifié rapidement, la France a insisté sur l’importance d’inclure des dispositions destinées à garantir que l’accord commercial n’entraîne pas de nouvelle déforestation.
« Le projet d’accord ne contient aucune disposition visant à imposer aux pratiques des pays du Mercosur des mesures disciplinaires destinées à lutter contre la déforestation », a déclaré le gouvernement français dans une déclaration datant de septembre.
« C’est la principale carence de cet accord et c’est la raison principale pour laquelle, en l’état actuel des choses, la France s’oppose au projet d’accord »
Déclaration du gouvernement français
La démocratie, un enjeu de l’accord?
Le projet de traité contient d’autres aspects problématiques, tels que le manque de responsabilité démocratique, les parlements nationaux et le Parlement européen étant exclus des organes décisionnels chargés de surveiller la mise en œuvre de l’accord.
Le traité encourage également les investissements, mais n’exige pas que ceux-ci répondent à des critères de durabilité, ce qui laisse le champ libre à la poursuite de la déforestation, dénonce Greenpeace.
« Au XXIe siècle, la protection de l’homme et de la nature doit être au centre des accords internationaux, il ne s’agit pas d’un à-côté superflu et agréable – cet accord n’est pas à la hauteur et doit être abandonné », martèle Juergen Knirsch.
Une signature avant 2021 ?
Les pays du Mercosur ont fait savoir qu’ils espéraient une signature de l’accord commercial avant la fin de l’année. Mais le chemin vers la ratification est long, et plusieurs pays, dont l’Autriche, la France, l’Irlande, le Luxembourg et la Wallonie belge, ont exprimé leur inquiétude quant à l’absence de dispositions environnementales contraignantes dans l’accord.
Pour esquiver un éventuel veto de ces pays, la Commission européenne pourrait décider de scinder l’accord et de ne soumettre que certaines parties à un vote au Conseil des ministres de l’UE, où une majorité qualifiée serait suffisante.
Une telle démarche « constituerait une manœuvre technique pour contourner le vote juridiquement contraignant du parlement autrichien obligeant le gouvernement autrichien à voter contre l’accord au Conseil », a relevé Greenpeace.
Laisser un commentaire