Dette publique, y a-t-il un danger français ? 

Dette publique, y a-t-il un danger français ? 

La dette publique française dépasse les 3 000 milliards d’euros et son déficit public les 4 % du PIB. La trajectoire d’assainissement des comptes publics fait l’objet de critiques. La France présente plusieurs caractéristiques pouvant déboucher sur une hausse de ses taux d’intérêt à long terme vis-à-vis des autres pays au cœur de la zone euro. 

Une réduction lente du déficit public

Le déficit public français en 2023 est supérieur de deux points par rapport à celui de la zone euro (hors France). A l’exception de la France et de l’Italie, les autres pays ont réussi à réduire leur déficit et leur dette ces deux dernières années. La trajectoire des comptes publics apparaît à la Cour des Comptes modeste et difficile à respecter. Le retour prévu du déficit public en-dessous de 3 % en 2027 s’appuierait sur des hypothèses économiques jugées optimistes. 

Des prévisions de croissance surévaluées

Le gouvernement français espère 1,0 % de croissance du PIB en 2023, 1,6 % en 2024, 1,7 % en 2025 et 2026 et 1,8 % en 2027, soit 1,56 % par an en moyenne. En générant un surcroît de recettes publiques et en diminuant les dépenses publiques, en particulier dans le domaine social, cette croissance contribue fortement à la réduction du déficit public. Or, le taux de croissance apparaît supérieur aux capacités actuelles et à venir de l’économie française. La France est en effet pénalisée par le recul de la productivité par tête. Depuis 2019, elle a reculé de 5 %. 

La contraction de la population d’âge actif (20/64 ans), qui a diminué depuis 2012 de 0,5 à 0,2 % par an, constitue l’autre frein à la croissance. La progression du taux d’emploi permet de compenser en partie cette diminution de la population d’âge actif mais les gains à venir en la matière ne sont pas infinis. La croissance potentielle de la France se situerait autour de 0,8 % par an, soit deux fois moins que celle projetée. 

En 2027, toute chose étant égale par ailleurs, le déficit public serait supérieur aux prévisions de 2 % du PIB. Une pression fiscale élevée laissant peu de marges de manœuvre, les prélèvements obligatoires représentent 45 % du PIB, en France, contre 39 % dans la zone euro (hors France). Les possibilités d’augmentation afin de contenir les déficits sont limitées. 

dette publique
Le gouvernement français espère atteindre 1,0 % de croissance du PIB en 2023

Un déficit de la balance des paiements

La balance courante de la France est déficitaire de 1,5 point du PIB, les services n’arrivant plus à compenser le solde négatif du solde industriel. Pour financer ce déficit, la France doit s’endetter à l’extérieur, ce qui constitue une vulnérabilité supplémentaire. La France peut compter sur une épargne nationale abondante. Le taux d’épargne des ménages a atteint 18,8 % du PIB au deuxième trimestre 2023. 

Une incapacité à réaliser des économies

La réduction du déficit public de 2023 à 2024 ne sera obtenue que par la fin des mesures de soutien mises en place après le déclenchement de la guerre en Ukraine. Il n’y a pas de réel effort d’économies. Face à ce constat, lundi 9 octobre, Bruno Le Maire a annoncé une réduction d’un milliard d’euros des dépenses, ce qui apparaît néanmoins faible. 

La France est le pays qui réduit le plus faiblement son déficit depuis trois ans. La dette publique est à peine stabilisée quand elle décroît dans les autres pays. L’État empruntera, en 2024, 285 milliards d’euros, ce qui constitue un record au sein de l’Union européenne. 

L’écart des taux pour les obligations d’Etat à 10 ans entre la France et l’Allemagne qui était de 0,2 point en 2021 a atteint, en octobre 2023, 0,6 point. Une forte augmentation pourrait intervenir en cas d’incapacité du gouvernement à respecter sa feuille de route budgétaire et si le déficit de 2025 dépassait 4 %.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel

    Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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